Après la mensualisation de la révision du taux d'usure, obtenue (à titre temporaire) de haute lutte par les professionnels du crédit immobilier, c'est au tour des critères d'octroi du crédit immobilier, imposés par le Haut Conseil de Stabilité financière (HCSF) depuis le 1er janvier 2022, d'être dans le collimateur des autorités. Le ministère de l'Économie a en effet reconnu réfléchir à l'assouplissement des conditions d'octroi, confirmant une information du quotidien Les Echos.
« A la demande du ministre (Bruno Le Maire), des travaux d'évaluation sont en train d'être menés en lien avec la Banque de France, le HCSF et l'ensemble des acteurs concernés », indique Bercy auprès de l'AFP, au lendemain d'une réunion avec la fédération bancaire française. Une décision devrait être prise lors de la prochaine réunion du HCSF en juin prochain.
Le ministère veut s'assurer que les normes visant à protéger les ménages contre le surendettement ne deviennent pas « un obstacle à l'accès à la propriété ». Rappelons que les banques ne doivent pas accorder un crédit immobilier si la charge de la dette (assurance comprise) excède 35% des revenus ou si la durée du crédit dépasse 25 ans (27 ans si travaux). Cette norme a été tout d'abord une recommandation en 2019, puis une obligation en 2022. Les organismes prêteurs ont toutefois la possibilité de déroger à cette règle à hauteur de 20% de la production tous les mois, à condition que ces dérogations concernent à 80% de l'accession à une résidence principale.
Chute de la production
Après avoir longtemps nié les effets pervers du taux d'usure et des conditions du HCSF en des périodes de forte remontée des taux, et les alertes des professionnels, notamment celles de l'Observatoire du Crédit Logement/CSA, Bercy et la Banque de France doivent se rendre à l'évidence : le marché du crédit immobilier est en train de plonger.
Selon les derniers chiffres de la Banque de France, la production (décaissée) de crédit immobilier est de 12,2 milliards d'euros (hors renégociation) en février, contre 16 milliards en octobre dernier, soit une baisse de 25% en cinq mois. Certes, cela reste une activité soutenue mais la baisse est rapide. « Nous sommes dans une production de l'ordre de 15 milliards par mois (avec renégociation, NDLR), ce qui est nettement moins que la production de 20 milliards il y un an », nous a récemment confié Maya Atig, directrice générale de la FBF, dans un entretien accordé à La Tribune.
De son côté, l'Observatoire du Crédit Logement, dont les données collectées reposent davantage sur la demande de crédit, note en février une chute de la production de moitié par rapport à février 2022, et de 30 % en niveau annuel glissant. Bref, désormais la Banque de France et Crédit Logement semble (enfin) converger vers le même constat, celui d'une forte contraction du marché du crédit immobilier.
Des barèmes de crédit qui voguent vers les 4%
Les raisons de cette contraction sont multiples. Certains avancent une panne de l'offre, les banques préférant attendre l'actualisation du taux d'usure avant de donner le feu vert aux dossiers. C'est pour éviter cet effet d'à-coup trimestriel sur la production que la Banque de France a accepté de publier un taux d'usure chaque mois. D'autres estiment que c'est la demande qui s'effrite face à un coût du crédit de plus en plus cher ( 2,52% en moyenne en mars, selon la Banque de France, hors assurance et frais), qui ne permet plus aux ménages de réaliser leur projet. D'autant que la contrainte HCSF se rajoute aux critères de sélection des banques, qui sont d'ailleurs davantage fondés sur le principe du « reste à vivre » (et non un pourcentage fixe du revenu).
Et cela ne va pas aller en s'arrangeant. « Les taux poursuivent leur ascension en avril avec de nouvelles fortes hausses sur les grilles reçues pour le mois. Avec des taux de crédit pour la plupart affichés entre 3% et 3,8%, certains dossiers pourraient avoir des difficultés à obtenir un accord », prévient le courtier en crédit VousFinancer.
Refus à regret
« Le sujet est une demande qui diminue. Ce qui est normal compte tenu de l'attentisme des ménages. Il existe également d'autres facteurs, comme les délais d'obtention des permis. Mais c'est vrai que les critères HCSF, une idée très BCE, conduit à des refus à regret de crédits à des ménages qui pourraient voir leur dossier accepté sur la base de la connaissance du client par la banque », résume un banquier. L'investissement locatif mais aussi l'achat de résidence secondaire seraient également fortement impactés par les critères HCSF.
Lors de sa dernière communication, en date du 7 mars, le HCSF faisait pourtant observer un crédit aux ménages et aux entreprises « dynamique, malgré un léger ralentissement ». Et de souligner que l'endettement des ménages représente 68% du PIB au troisième trimestre 2022, contre une moyenne de 58% en zone euro. Toutefois, dans l'entourage du HCSF, le discours se montrait moins ferme, laissant entrevoir une possible inflexion. Les derniers statistiques de production devraient achever le convaincre l'autorité macroprudentielle de se montrer moins inflexible.
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