Credit Suisse : le président de la banque s'excuse devant les actionnaires en colère

Axel Lehmann s'est excusé devant les actionnaires pour le naufrage de Credit Suisse lors de la dernière assemblée générale de la banque. Les petits porteurs, qui ont vu la valeur de leur placement sombrer, se sont d'ailleurs déplacés en nombre à Zurich pour exprimer leur colère et demander des comptes aux dirigeants. Certains se sont d'ailleurs réunis afin de saisir ensemble la justice et réclamer un dédommagement.
« En fin de compte, il n'y avait que deux options : un accord ou la faillite. Un rapprochement devait se faire », a déclaré le président de Credit devant les actionnaires lors de l'assemblée générale de la banque.
« En fin de compte, il n'y avait que deux options : un accord ou la faillite. Un rapprochement devait se faire », a déclaré le président de Credit devant les actionnaires lors de l'assemblée générale de la banque. (Crédits : DENIS BALIBOUSE)

La dernière assemblée générale de Credit Suisse, dont le rachat par son concurrent UBS a été annoncé le 19 mars dernier, se veut houleuse. 1.748 actionnaires, selon le décompte officiel, se sont déplacés spécialement à Zurich ce mardi 4 avril pour clamer leur colère et demander des comptes aux dirigeants. Les griefs à l'égard de ce pilier de la finance et de l'économie helvétique sont nombreux. Les actionnaires ont en effet vu la valeur de leur placement sombrer quand le cours est passé de 2,50 francs suisses ( 2,51 euros), le 10 mars, à 0,81 franc ce mardi 4 mars. Et les actionnaires, aujourd'hui vent debout contre la banque, n'ont pas pu voter sur la fusion décidée sous la pression des autorités suisses, en partie responsable de l'effondrement du cours.

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« Je m'excuse que nous n'ayons pas pu enrayer la perte de confiance qui s'était accumulée depuis plusieurs années et pour vous avoir déçus », a déclaré le président de Credit Suisse Axel Lehmann devant les actionnaires en ouvrant l'assemblée générale de la banque.

Et de poursuivre : « Jusqu'à la fin, nous nous sommes battus pour trouver une solution. Mais en fin de compte, il n'y avait que deux options : un accord ou la faillite. Un rapprochement devait se faire », a-t-il précisé, ajoutant que cinq membres du conseil d'administration ne se représenteraient pas.

Des milliers d'actionnaires en colère

C'est la première fois qu'Axel Lehmann et le directeur général, Ulrich Koerner, s'adressaient publiquement aux actionnaires depuis l'annonce du rachat par UBS, le 19 mars, pour un montant de trois milliards de francs suisses. Pas sûr que cela suffise à calmer leur colère. Des manifestants se sont rassemblés à l'extérieur de la salle où se tenait l'AG, certains dressant un bateau naufragé pour illustrer la fin de la banque.

« J'ai perdu 10.000 francs suisses », a expliqué à l'AFP Stephan Denzler, un petit porteur à l'entrée de l'assemblée générale, les larmes aux yeux. « Ce n'est pas beaucoup », dit-il avant d'ajouter : « Mais pour ma famille, c'est beaucoup d'argent ». « Parfois j'en ris, d'autres fois, je suis très en colère », confie cet actionnaire.

« Je trouve que c'est un scandale ce qu'a fait le gouvernement fédéral avec sa décision d'invoquer l'état d'urgence », lance Albert Keel à l'AFP. « J'ai acheté récemment et j'ai tout perdu bien sûr », dit-il, expliquant avoir voulu parier sur le succès du plan de restructuration présenté à l'automne par la banque ayant « l'espoir qu'avec la nouvelle stratégie la Bourse monte, mais ça n'a pas marché ». « Maintenant j'ai perdu une somme à 6 chiffres », affirme-t-il.

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Une AG importante pour comprendre

La société de conseil aux actionnaires Ethos a dénoncé « l'avidité et l'incompétence des dirigeants » de Credit Suisse ainsi que des rémunérations atteignant « des sommets inimaginables ». « Pour nous, l'enjeu est de comprendre les responsabilités et de poser des questions au conseil d'administration s'ils enquêtent sur les anciens dirigeants de cette banque qui ont causé cette débâcle », a déclaré à l'AFP Vincent Kaufmann, directeur de la fondation Ethos qui représente des caisses de retraites Suisse.

Un collectif d'organisations environnementales est aussi venu apporter sa voix au concert de récriminations, reprochant à Credit Suisse ses investissements dans les énergies fossiles. Pour Jeanne Martin, coordinatrice des assemblées générales chez ShareAction - organisation environnementale et sociale qui milite pour des investissements responsables -, « il est important que cette assemblée générale se tienne pour porter la voix de la société civile ».

Plusieurs points à l'agenda de l'assemblée générale ont toutefois été retirés la semaine passée, dont le vote sur le quitus permettant de décharger les dirigeants de leurs responsabilités et le vote sur leurs futurs bonus, ces deux points devenant « obsolètes » avec le rachat par UBS, avait indiqué Credit Suisse dans un communiqué. Publiés avant l'annonce du rachat, ces points faisaient l'objet d'une vive opposition de la part des organisations actionnariales. UBS doit quant à elle tenir son assemblée générale annuelle mercredi à Bâle.

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Des détenteurs d'obligations exigent dédommagement

Le rachat en urgence de Credit Suisse s'est aussi traduit par la dévaluation à néant de 17 milliards de dollars de dette « Additional Tier 1 » (AT1). Les détenteurs de ces obligations à risque ne toucheront rien. Ce, alors qu'ils arrivent normalement avant les actionnaires dans l'ordre de priorité de remboursement en cas de faillite.

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Les autorités suisses ont tout simplement décidé de leur faire porter une partie du fardeau financier dans le cadre du rachat de Credit suisse par son rival. Un groupe d'investisseurs sur la dette AT1 de Credit Suisse a d'ailleurs engagé le cabinet d'avocats Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan pour réclamer un dédommagement.

Quant aux actionnaires, ils ne se sont vus proposer que l'équivalent de 0,76 franc par action. Soit tout juste 0,59% de sa valeur à la clôture de la Bourse à l'issue d'une semaine chaotique. Dans les heures suivant l'annonce du rachat par UBS faite le 19 mars au soir, un dimanche, l'avocat Perica Grasarevic a lancé une plateforme pour aider les petits porteurs à saisir la justice. À son pic, ce site a enregistré jusqu'à 300 demandes par heure, a-t-il indiqué sur Twitter.

(Avec AFP)

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Commentaires 5
à écrit le 05/04/2023 à 11:03
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J'espère que les dirigeants du Crédit Suisse ont réagi aussi dignement que le patron de la Société Générale (qui ne savait pas ce qui se passait dans sa banque) en ce qui concerne leur rémunération.

à écrit le 05/04/2023 à 9:14
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On ne s'excuse pas, on presente ou on offre ses excuses, Nuance que certains ne comprennent pas ...

à écrit le 05/04/2023 à 1:59
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Le petit actionnaire, l'eternelle victime consentante.

à écrit le 04/04/2023 à 21:39
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Et s'il rendait tout le pognon qu'il a pris aux actionnaires durant son mandat pathétique en guise de bonne foi?

à écrit le 04/04/2023 à 17:16
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ça me rappelle 2001 ou les fonds de pension retraite de swissair avaient eu des problèmes

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