
C'est le principe de la carotte et du bâton. Un après avoir émis ses recommandations pour éviter une dérive des banques dans les conditions d'octroi d'un crédit immobilier, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), présidé par le ministre de l'Economie, Bruno Lemaire, a finalement décidé de les ajuster, notamment pour ne pas pénaliser les primo-accédants à la propriété.
« Nous souhaitons être au plus près des besoins de ménages et notamment des primo-accédants. C'est un point clé de notre politique » a ainsi justifié Bruno Lemaire, à l'issue de la réunion du Haut conseil.
Taux d'effort porté à 35 %
Ces ajustements portent sur les trois points des recommandations émises le 12 décembre 2019. Le premier concerne le taux d'effort (charge de la dette rapportée au revenu disponible) qui passe de 33 % à 35%. La durée maximale des crédits est allongée de deux ans à 27 ans, pour tenir compte, dans le logement neuf, du délai entre l'achat sur plan et la mise à disposition effective du logement.
Enfin, et c'est sans doute le point le plus important, le taux de flexibilité accordée aux banques, autrement dit, la proportion de crédit autorisée à ne pas respecter les contraintes du HCSF, est portée de 15 % à 20%.
Ces assouplissements s'appliquent à tous types d'emprunteurs, même si les pouvoirs publics espèrent qu'ils concerneront en priorité les ménages candidats à l'accession à la propriété, y compris les plus modestes. «Ces réglages ont été établis en fonction de notre observation des meilleures pratiques», précise une source proche du HCSF.
Des sanctions d'ici l'été 2021
Cette souplesse accordée par le HCSF, après des mois de tensions entre la Banque de France, soucieuse d'éviter le risque de bulle immobilière et de surendettement des ménages, et confortée par la niveau élevé de la production de crédit (proche des niveaux de 2019), et les professionnels de l'immobilier et certaines grandes banques, qui redoutent des effets d'éviction du marché, n'est cependant pas sans contreparties.
Le HCSF souhaite en effet rendre ces nouvelles recommandations obligatoires dès l'été prochain, avec sanctions à la clé. Les modalités juridiques et pratiques de ces sanctions seront discutées avec l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui dépend de la Banque de France, et devraient être arrêtées en juin. « Les sanctions avaient été envisagées dès le début, sous le contrôle de l'ACPR, mais elles n'ont tout simplement jamais été mises en œuvre », nuance un bon connaisseur du dossier.
Trop de banques hors des clous
De fait, les banques ont très inégalement appliqué les recommandations du HCSF, comme le reconnaît en creux une source proche du HCSF. D'un côté, les banques dites commerciales (BNP Paribas, Société Générale, LCL,...) ont globalement respecté les contraintes. De l'autre, les mutualistes (Crédit Agricole, BPCE et, dans une moindre mesure, Crédit Mutuel), qui pèsent deux-tiers du marché du crédit immobilier, ont gardé le pied appuyé sur la production, surtout après la sortie du premier confinement.
« Près d'un dossier sur deux d'un grand réseau mutualiste ne respectait les recommandations », nous confie un banquier. Et certaines banques mutualistes ont reçu à maintes reprises des rappels à l'ordre de la part de la Banque de France.
Toutefois, elles ne pouvaient pas trop freiner la production. En 2019, le taux d'effort des dossiers acceptés par les réseaux mutualistes était, en moyenne, de 33%. L'ajustement aurait été trop brutal pour faire entrer 85% des nouveaux dossiers nouveaux dans les nouveaux standards du HSCF. Difficile, pour autant, d'imaginer la Banque de France sanctionner, en pleine crise du Covid, le Crédit Agricole ou les Caisses d'Epargne pour avoir trop ouvert les vannes du crédit !
Un compromis de place
D'où la nécessité de trouver un compromis pour donner du temps aux réseaux mutualistes afin de se remettre sur les rails de la réglementation, en offrant davantage de souplesse. « Ces ajustements répondent davantage au lobbying des mutualistes que des professionnels de l'immobilier », estime un expert.
Pour autant, les professionnels de l'immobilier, courtiers en crédit en tête, ne cachent pas leur satisfaction. « L'assouplissement des recommandations est une excellente nouvelle, tant sur le point microéconomique, avec la hausse à 35 % du taux d'endettement maximum, mais également macroéconomique car l'allongement de la durée maximale du crédit facilitera la relance de la construction », souligne Julia Bachet, directrice générale du courtier Vousfinancer, dans un communiqué. D'ailleurs, ces mesures répondent, certes partiellement, aux demandes des professionnels de l'immobilier, exprimées lundi dernier dans une lettre ouverte.
« Je souhaite que ces ajustements s'appliquent à tous, et notamment aux clients des courtiers. Il existe aujourd'hui une injustice pour le client d'un courtier qui ne bénéficie pas des mêmes avantages que la clientèle des banques », avance Philippe Taboret, directeur général adjoint du réseau Cafpi. En clair, le taux de flexibilité servirait d'abord les intérêts de la clientèle des banques, sans en faire profiter les clients des partenaires courtiers. Ces nouvelles règles d'assouplissement pourraient donc au passage apaiser les relations entre banques et courtiers.
Sujets les + commentés