Crédit immobilier : réunion sous tension à la Banque de France ce jeudi

ÉPISODE 5. Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) doit se prononcer jeudi 17 décembre sur la suite à donner à ses recommandations de décembre 2019 qui ont durci les conditions d’octroi de crédit immobilier. Certaines banques, les courtiers et les professionnels de l’immobilier espèrent des assouplissements, au moins pour les primo-accédants. Mais la Banque de France campe sur des positions dures. Cinquième volet de notre série « L'immobilier post Covid ».
La production de crédit à l'habitat a progressé de 5,5 % à 23,4 milliards d'euros en octobre, et ce après une hausse de 5,4% en septembre.
La production de crédit à l'habitat a progressé de 5,5 % à 23,4 milliards d'euros en octobre, et ce après une hausse de 5,4% en septembre. (Crédits : Joe Penney)

> L'ÉPISODE 4 : Investissement locatif : la location longue durée va-t-elle détrôner Airbnb ?

Les discussions entre les banques et le Haut Conseil de Stabilité financière (HCSF), présidé par le ministre de l'économie Bruno Lemaire, s'annoncent houleuses. Le HCSF doit en effet dresser un premier bilan, lors sa réunion jeudi 17 décembre, de ses recommandations de décembre 2019 visant à durcir les conditions d'octroi par les banques d'un crédit immobilier.

Les positions entre certaines banques, notamment mutualistes, et la Banque de France semblent toujours aussi éloignées. L'enjeu ? Assouplir ou non ces recommandations au terme d'une année atypique pour cause de pandémie. Ou, au contraire, les durcir encore.

Un sujet de place

« C'est une situation problématique de place. Nous avons un dialogue concerté avec la Banque de France pour voir s'il est possible de régler le système différemment. Il faut des règles pour ne pas admettre certaines dérives, notamment sur les durées des crédits, mais il faut également s'attacher à ne pas pénaliser l'accession à la propriété », résume un banquier.

L'idée défendue par certains serait notamment de maintenir les conditions strictes pour les investisseurs locatifs, qui relèvent davantage d'un comportement d'épargne, mais de trouver de nouveaux indicateurs, comme le « reste à vivre » pour les primo-accédants.

Il y a tout juste un an, le Haut Conseil a souhaité un coup de frein à ce qu'il jugeait comme une dérive dangereuse des conditions d'octroi de crédit immobilier, susceptible de créer des bulles et du surendettement. Il avait alors limité la durée maximale d'un crédit à 25 ans et fixé le taux d'effort (charge du crédit rapporté au revenu disponible) à un maximum à 33%. Une flexibilité était accordée sur 15% des dossiers chaque trimestre.

Des mesures aussitôt dénoncées par les courtiers en crédit immobilier et certains professionnels de l'immobilier, qui redoutent un effet d'éviction des primo-accédants, notamment les plus modestes, largement solvabilisés ces dernières années par la baisse continue des taux.

Reprise du crédit immobilier

Officiellement, tout va pourtant pour le mieux dans le monde du crédit immobilier : la production de crédit repart comme jamais, les taux sont toujours au plancher et les prix de l'immobilier font preuve d'une étonnante résilience.

Ainsi, la Banque de France souligne que la production de crédit à l'habitat a progressé de 5,5 % à 23,4 milliards d'euros en octobre, et ce après une hausse de 5,4% en septembre, à 22 milliards. Des statistiques qui témoignent d'une reprise en V du crédit immobilier après l'effondrement de la production lors du premier confinement (-40%).

Des chiffres aussi qui tombent à pic pour les tenants de la ligne dure. Fin novembre, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, avait même dénoncé « les mauvais procès sur la dégringolade supposée de l'accès au financement immobilier qu'auraient entraîné, selon certains, les recommandations de bons sens du Haut Conseil de stabilité financière en matière d'octroi ».

Une réalité du marché moins flatteuse

Les crédits nouveaux, hors renégociations, s'élèvent 20,3 milliards, un chiffre qui excède toujours celui d'octobre 2019 (17,8 milliards). Ces statistiques doivent être également corrigées des prêts relais et des rachats de créances (rachat d'un prêt et sa transformation en un nouveau prêt) car ces crédits n'alimentent pas le marché de l'immobilier. Selon les données de l'ACPR, les rachats de créances représentaient 10 % de la production et les prêts relais environ 5% en 2019.

Depuis le début de l'année, les rachats de créances sont légèrement supérieurs, à environ 12%. « Au total, c'est bien un sixième de la production hors renégociations qu'il convient de déduire, et encore, les statistiques de la Banque de France prennent en compte les crédits signés et non les crédits décaissés », souligne un expert du marché.

Des taux de refus en forte augmentation

Au-delà d'une bataille des chiffres, les courtiers font remonter auprès des pouvoirs publics et des médias leurs statistiques du terrain. Selon le réseau de courtier VousFinancer, le taux de refus des dossiers atteint 15 % en septembre et octobre, contre une moyenne de 5,5% en 2019.

Et ce taux pourrait atteindre 17 % des dossiers envoyés aux banques au quatrième trimestre, selon les estimations de VousFinancer, citées dans une position commune des acteurs de la construction, de la promotion, de l'investissement et du financement du logement, adressée lundi 14 décembre au Haut Conseil. Ce courrier plaide en faveur d'aménagements, surtout pour les primo-accédants, en faisant passer notamment de 15% à 30% le nombre de dossiers qui pourrait dépasser le fatidique seuil de taux d'effort.

Ces critiques des courtiers ont été largement relayées par les promoteurs. En novembre dernier, le directeur général de Nexity, Julien Carmona, a également tiré la sonnette d'alarme. « 40 % de nos clients primo-accédants en 2019 n'obtiendraient plus aujourd'hui de crédits », a-t-il jugé.

« Cette embellie de la production de crédit ne se reflète pas dans les statistiques de l'immobilier neuf... à moins bien sûr qu'une partie des opérations échappe au ministère du Logement ! », constate, un brin amusé, un économiste.

Des situations contrastées selon les banques

Toutefois, toutes les banques n'appliquent pas les recommandations du HCSF. Ce qui explique en partie, au passage, le fort rebond de la production. « Le seuil des 33 % étaient une moyenne des banques mutualistes en 2019 et son application stricte était de nature à entraîner un écrêtage important sur le nombre de dossiers », reconnaît un banquier.

En clair, certaines banques, notamment mutualistes, sont loin de respecter à la lettre les recommandations du Haut Conseil, avec une flexibilité qui peut atteindre parfois la moitié des dossiers d'accession à la propriété.

Le HCSF a d'ailleurs délivré ces derniers mois plusieurs avertissements. Accorder davantage de souplesse sur les critères d'octroi, du moins pour les dossiers primo-accédants, serait d'ailleurs un moyen aisé de régulariser la situation des banques qui ne sont pas dans les clous.

« Si des banques ou des organisations professionnelles cherchent à obtenir des aménagements, c'est peut-être aussi parce que la situation n'est pas aussi merveilleuse qu'elle ne paraît. Il est clair que d'autres paramètres doivent être pris en compte », avance un observateur du marché. Réponse jeudi prochain.

Lire aussi : Le grand exode des Français vers les villes moyennes ?

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Commentaires 7
à écrit le 15/12/2020 à 7:48
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assouplir quoi? ils sont malades ou quoi? ils ont fait n'importe quoi en pretant a 25 ans et plus a des gens pas solvables sans apport a 1%, et se rendent compte que si l'economie part au tas avec du chomage, les decotes immobilieres de 40%, ca ser...

à écrit le 14/12/2020 à 18:37
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Les banques veulent faire comme au USA et finir insolvable ? Il y a une bulle immobiliere alimenté par le credit facile. Un jour les taux vont forcement remonter et ca va etre un massacre car les gens vont se retrouver endette a mort pour un bien qui...

le 15/12/2020 à 0:10
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Propos plus du commentaire que de la réflexion...:voué racontée n importe quoi que quoi vous basez vous ? Les taux immo sont contractualisés sur une une durée de prêt.. ex 1% sur 20 ans. Les emprunteurs ont la garantie - contrat- que le taux restera...

le 15/12/2020 à 0:11
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Propos plus du commentaire que de la réflexion...:vous racontez n importe quoi et sur quoi vous basez vous ? Les taux immo sont contractualisés sur une une durée de prêt.. ex 1% sur 20 ans. Les emprunteurs ont la garantie - contrat- que le taux res...

à écrit le 14/12/2020 à 18:08
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On revient ã la normalité, tout investisseur immobilier doit venir avec un capital minimum et ne pas dépasser un taux de prélèvement mensuel qui ne doit pas dépasser le tiers de ses revenus.

le 14/12/2020 à 21:27
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tout a fait, c est delirant de voir des pub comme a boursorama qui indiquait qu il vous pretait plus de 100 % (meme les frais de notaire etaient paye a credit). on fabrique une generation de surendette ! tout ca pour permettre aux boomers de vendre a...

à écrit le 14/12/2020 à 10:06
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La banque de France a raison, sans une régulation des prix de l'immobilier, bien au contraire tant que les prix seront toujours plus délirants il vaut mieux protéger les clients qui en plus, du fait de la crise auront encore plus de chances de revend...

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