Le digital s’impose de plus en plus dans l’univers de la banque privée

BNP Paribas Wealth Management lance un nouvel outil de reporting en ligne dédié aux investissements dans le non coté. Une innovation qui complète les nombreuses solutions lancées ces dernières années pour la clientèle la plus fortunée. La banque privée de Société Générale vient également d’annoncer de nouveaux outils numériques, notamment pour arbitrer les portefeuilles d’assurance-vie. Le poids du digital et de l’innovation pèse de plus en plus dans un métier plutôt perçu comme conservateur dans sa relation avec les clients.
Le marché de la gestion privée progresse de 3 à 4 % par an en France.
Le marché de la gestion privée progresse de 3 à 4 % par an en France. (Crédits : Aly Song)

Le sur-mesure standardisé est le nouvel oxymore de la banque privée. Il passe par une digitalisation croissante des parcours client, un processus entamé il y a plus de dix ans. C'est même devenu un axe stratégique pour les banques privées, en attendant sans doute l'émergence de l'intelligence artificielle et du métavers. La filiale de gestion privée de BNP Paribas, BNP Paribas Wealth Management (WM), y met des moyens considérables, mobilisant environ 400 personnes (sur un effectif total de 6.800 personnes) sur les parcours digitaux et les applications mobiles. La banque est, de fait, un poids lourd sur ce marché haut de gamme, avec 420 milliards d'euros d'actifs gérés dans le monde, dont 115 milliards en France.

Elle vient d'ailleurs de lancer une nouvelle application pour sa clientèle fortunée dédiée aux investissements dans le private equity, un passage devenu incontournable dans une allocation de portefeuille haut-de-gamme. Cette plateforme, qui sera progressivement déployée à partir de juillet, vise à « démocratiser l'accès » à cette classe d'actifs, un terrain de chasse longtemps réservé aux investisseurs institutionnels, explique Claire Roborel de Climens, responsable des investissements non cotés et alternatifs chez BNP Paribas WM.

Il donne un accès en ligne à toutes les informations utiles pour suivre ses investissements dans le non coté en temps réel et il s'adresse aussi bien au client qu'au banquier privé en charge du compte. C'est donc avant tout du contenu, même s'il est possible de souscrire en ligne à un fonds. Au passage, dans le domaine des actifs alternatifs, la banque exclut pour l'instant d'intégrer une offre sur les cryptomonnaies, l'environnement réglementaire n'étant pas jugé suffisamment « robuste », selon Vincent Lecomte, directeur général de BNP Paribas WM.

Lire aussi 14 mnPour ou Contre : faut-il transposer la réglementation bancaire au monde des cryptomonnaies ?

Ce nouveau service complète ainsi une kyrielle d'autres applications, accessibles depuis l'app principale « MyWealth », développées ces dernières années, notamment dans le cadre du programme « client expérience » lancé en 2017, dans une approche de cocréation avec les banquiers conseils, des experts, des fintechs partenaires et les clients eux-mêmes. La plupart des innovations sont, en effet, proposées en version bêta, pour associer les clients au développement des solutions, ce qui est une approche relativement originale dans l'univers de la banque privée.

Toute cette offre digitale est en permanence revue et enrichie : «c'est un cycle continu qui suit l'évolution des besoins des clients», explique Vincent Lecomte. « 60% de nos clients sont déjà très actifs sur le digital », ajoute-t-il. Ce cap volontariste sur le numérique s'intègre d'ailleurs dans les ambitions stratégiques du groupe à l'horizon 2025.

La nouvelle gamme de solutions digitales est désormais regroupée sous la bannière « nouvelle expérience digitale de la banque privée », avec toujours ce même objectif de fluidifier les parcours, au risque parfois de multiplier les points d'accès et les applications.

Vision moderne de la banque privée

Le parcours digital commence par l'application MyWealth, de facture assez classique, mais avec une messagerie sécurisée, enrichie de nombreuses solutions comme MyMand@te, une offre digitalisée de mandat sous gestion, codéveloppée avec la fintech belge Gambit (rachetée par BNP Paribas AM), un coffre-fort numérique (MyFamilySafe) qui permet d'échanger des informations privées avec son banquier, des outils de centralisation du patrimoine (PaxFamilia), des recommandations d'investissement (BeAdvised) ou Prometeia, un agrégateur de comptes conçu par une fintech italienne.

Cette vision modernisée de la banque privée est également partagée par les principaux concurrents de la banque. La banque privée de la Société Générale vient ainsi de lancer deux nouvelles solutions digitales, l'une permettant de faire en ligne un diagnostic patrimonial et fiscal, l'autre visant à arbitrer facilement des unités de compte au sein de plusieurs contrats d'assurance-vie.

« L'idée est d'amener le service de la façon la plus fluide possible aux côtés de nos experts, notamment sur le segment de clientèle de gestion privée (à partir de 500.000 euros d'avoirs financiers, NDLR). Et ça marche ! Nous constatons même un degré de satisfaction très élevé chez les clients qui utilisent ces outils numériques, plus élevé que la moyenne de tous les clients », indique Franklin Wernert, Directeur général adjoint de Société Générale Private Banking France, filiale qui gère 65 milliards d'euros d'actifs (sur un total monde de 130 milliards) pour environ 70.000 familles. « Les clients sont déjà habitués aux outils digitaux dans la gestion quotidienne de leurs comptes et ils sont donc en attente sur la gestion de leur patrimoine, même si le banquier conseil reste le socle de la relation », poursuit-il.

La force des banques à réseau

Sur un marché de gestion privée très disputé, la digitalisation n'est plus une option. Elle doit faire partie intégrante de l'offre, même si le risque est de trop standardiser les approches. A ce jeu, les banques à réseau peuvent déployer des ressources sans commune mesure à celles de pure players traditionnels, comme Lombard Odier ou Edmond de Rothschild qui misent également sur la digitalisation des parcours.

Pour une banque à réseau, la banque privée présente plusieurs avantages. Tout d'abord, c'est une activité rentable, sur un marché en croissance (de 3 à 4 % par an en France), même si les contraintes réglementaires et les investissements dans le digital ont pesé ces dernières années sur les marges.

Ensuite, c'est un métier qui développe de nombreuses synergies avec les autres métiers du groupe (salle de marché, banque d'affaires, banque de réseau, gestion d'actifs). Il représente même une brique indispensable pour une approche globale des clients, notamment les chefs d'entreprises. Enfin, c'est une activité peu consommatrice de fonds propres. Le prestige que confère la gestion privée ou de fortune à l'enseigne de la banque est également un plus.

Tous les grands réseaux développent ainsi ce métier. Même La Banque Postale affiche des ambitions dans ce domaine, via sa filiale Louvre Banque Privée (ex-BPE), avec un objectif de 25 milliards d'euros d'actifs gérés d'ici à 2025, soit une hausse de 80 % en quatre ans. Côté Société Générale, pas encore d'objectifs chiffrés, mais la banque privée est en première ligne sur le chantier de réorganisation des réseaux du groupe en France, avec le rapprochement avec Crédit du Nord Banque Privée.

D'ailleurs, Société Générale Banque Privée a quitté cette année le giron de la Banque de Financement et d'investissement pour rejoindre le pôle de Banque de détail, dirigé par Sébastien Proto, directeur général adjoint du groupe, en charge de la fusion des réseaux SG et Crédit du Nord. « La fusion va nous permettre d'être encore plus présent sur le territoire national en bénéficiant des fortes franchises du Crédit du Nord dans les régions », souligne Franklin Wernert.

Un marché en constante évolution

Loin d'une image encore conservatrice, le marché de la banque privée est en constante évolution. Il se caractérise récemment par la venue de nouveaux acteurs, américains, pour la plupart, et focalisés sur les segments les plus fortunés (plusieurs millions d'euros d'avoirs). Goldman Sachs propose ses services de gestion de fortune à Paris depuis 2021 (ticket minimum fixé à 10 millions d'euros) et étoffe depuis ses équipes, JP Morgan s'est beaucoup renforcé dans la gestion privée dans le sillage du Brexit, Credit Suisse relance son activité en France et Citi vient d'annoncer l'ouverture d'un bureau à Paris pour les grandes fortunes. A noter que les banques à réseau veulent également capter cette clientèle très haut de gamme et Société Générale a créé une structure dédiée, baptisée 29H, proche du family office.

Sur la clientèle patrimoniale, le marché des conseillers indépendants est en voie de consolidation, souvent à l'initiative de fonds d'investissement friands de ce segment de marché. Des groupes comme Cyrus ou Crystals jouent ainsi le rôle de « consolidateur » du marché, un mouvement indispensable face à des coûts croissants (conformité, informatique). Cependant, ces mouvements ne remettent pas vraiment en question les parts de marché de chaque catégorie d'acteurs.

La bataille se joue donc sur le numérique. Alors que la banque au quotidien promet, grâce au digital, des parcours de plus en plus personnalisés, comme une promesse de banque privée pour tous, la banque privée mise sur une certaine standardisation des parcours pour des services complexes, avec l'espoir d'automatiser le plus possible le service haut de gamme. Le monde à l'envers, en quelque sorte.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 01/07/2022 à 12:41
Signaler
Hey oh ! on, dit numérique pas digital, vous allez êtes compliant ou je vous dresse une amende salée ! Quoi? j'ai dit compliant, mais non...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.