Le Livret A à 3 % risque de bouleverser la hiérarchie des produits d’épargne

Le relèvement du taux des livrets réglementés représente pour les épargnants une rémunération supplémentaire de l’épargne de 5,7 milliards d’euros en année pleine. Mais il pourrait également provoquer des arbitrages en défaveur des dépôts à vue et de l’assurance-vie, ce qui risque d’alourdir la facture pour les banques. Décryptage.
Les encours du Livret A et du LLDS dépassent pour la première fois les 500 milliards d'euros à la fin novembre 2012.
Les encours du Livret A et du LLDS dépassent pour la première fois les 500 milliards d'euros à la fin novembre 2012. (Crédits : © Reuters Photographer / Reuters)

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a donc confirmé vendredi le relèvement à 3 % du taux du Livret A, à partir du 1er février, proposé plus tôt par la Banque de France. Cette hausse est cependant inférieure à la stricte application de la formule de fixation de ce taux tous les six mois, et qui aboutissait à 3,3 %. Le gouverneur de la Banque de France a tout le loisir de déroger à cette formule en cas de « circonstances exceptionnelles ».

Le gouverneur a justifié ce choix pour ne pas (trop) déstabiliser le financement du logement social, assis sur les ressources du Livret A, mais aussi pour éviter tout mouvement d'épargne trop brusque en faveur du livret. Sans compter le coût que représente cette hausse pour les banques, qui centralisent 40% de l'encours des livrets réglementés. En revanche, la banque centrale et Bercy ont accepté que la formule soit pleinement appliquée au Livret d'épargne populaire (LEP) dont le rendement est ainsi porté à 6,1%, soit une rémunération supérieure à l'inflation (5,2% en moyenne en 2022).

Un surcoût de 2 milliards d'euros pour les banques

La décision n'est pas neutre. Selon les calculs de la Fédération bancaire française (FBF), sur la base de l'encours fin décembre 2022, le relèvement à 3 % du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) et celui du LEP à 6,1% représente, en année pleine, un surcroît de rémunération d'épargne de 5,7 milliards d'euros. Dont 2,28 milliards d'euros à la charge des banques.

C'est la première fois depuis 2009 que le taux du Livret A est aussi élevé mais son rendement réel reste négatif. Toutefois, ce taux de 3 % - soit une hausse de 250 points de base en un an - pourrait bien bouleverser la hiérarchie des produits d'épargne des ménages, avec en ligne de mire les dépôts à vue, encore très importants, et le fonds en euros de l'assurance.

« Le Livret A occupe une place à part dans l'imaginaire des épargnants », souligne ainsi Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne. Avec 55 millions de livrets en circulation, il est de loin de le produit d'épargne le plus distribué, même si son encours (370 milliards d'euros) le place loin derrière l'assurance-vie (1.856 milliards fin novembre, selon France Assureurs, dont 1.374 milliards placés dans un fonds en euros). Il est surtout un repère, une référence en matière de rémunération de l'épargne.

Arbitrages

Il sera d'autant plus une référence que le taux de 3 % se rapproche, selon l'Observatoire BPCE de l'Epargne du « taux incitatif », celui qui encouragerait les Français à déplacer leur épargne ou liquidités vers le Livret A, et qui ressort selon les sondages, entre 3 et 5%. D'ailleurs les flux de collecte se sont accélérés lorsque le taux est passé à 2 % au 1er août, bien plus que lorsque le taux a été remonté de 0,5 % à 1 % il y un an.

C'est d'ailleurs les ménages les plus aisés qui font bouger les lignes. Le livret A n'est pas vraiment le produit populaire que l'on croit sachant que 20% des livrets représentent 80% des encours. Selon l'Observatoire, une hausse du taux à 3 % inciterait 58% des détenteurs à effectuer leurs versements ou des transferts, contre seulement 31% lorsque le taux était à 1%.

« Les banques craignent qu'une trop forte hausse du taux du livret A inciterait trop d'épargnants à se détourner des placements en assurance », souligne Eric Dor, directeur des Études économiques à l'IESEG School Management.

Toujours selon BPCE, les modèles économétriques montrent qu'une hausse de 30 points de base peut se traduire par une décollecte de 3,8 milliards sur les dépôts à vue et de 6,5 milliards sur l'assurance-vie (dont 60% du fonds en euro), au profit des livrets (+11,2 milliards d'euros).

De fait, les fonds en euros de l'assurance-vie devraient délivrer en moyenne un taux compris entre 1,8 et 1,9 % au titre de 2022, soit un rendement moins élevé que le livret A au 1er février. Or, dans cette période de remontée des taux, les fonds en euros doivent attirer de la nouvelle collecte brute afin d'accélérer le renouvellement du portefeuille.

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Commentaires 3
à écrit le 15/01/2023 à 6:08
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C'est vrai, 3% pour une inflation qui galope et depasse les 10%, ca fait rever. Les francais et l'economie, ca fait deux.

à écrit le 13/01/2023 à 19:03
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Bonjour, Tiens le gouvernement a besoin de l'argent des petits épargnants, les pauvres qui travaille chaque jours , pour une petite retraites, d'ailleurs que 29% serons morts avant d'arriver a l'âge l'égale..(62ans ). Alors a 64 ans ou 67 ans combi...

le 14/01/2023 à 10:51
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Epargner ou se payer des cours d'orthographe, il faut donc choisir....

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