
Un choix éminemment politique. La Banque de France doit proposer au gouvernement ce vendredi une hausse du taux des livrets réglementés, dont Livret A, applicable à partir du 1er février prochain. Et cette hausse pourrait être historique, compte tenu de la formule de calcul appliquée au Livret, renouvelée en 2020. Ce taux est en effet revu tous les six mois, sur la base de la moyenne semestrielle de l'inflation (hors tabac) et sur le taux interbancaire en zone euro, le tout arrondi au dixième supérieur.
Selon les calculs de BPCE, sur la base des chiffres de décembre, le taux du Livret A pourrait ainsi être porté à 3,3 %, contre 2% actuellement. Le gouvernement avait déjà accepté un doublement du taux du Livret A au 1er août dernier de 1% à 2%. Mieux, le Livret d'épargne populaire (LEP), un support encore mal connu des Français, pourrait voir sa rémunération grimper à 6,1%, contre 4,6% actuellement. Mais si la Banque de France propose, c'est bien Bercy qui dispose.
Certes, le gouvernement a toujours à cœur de préserver le pouvoir d'achat des Français, en l'occurrence des épargnants, en ces temps de forte inflation (plus de 6% sur les six derniers mois). Mais augmenter, d'un coup d'un seul, le taux du livret A de 130 points de base ne serait pas sans conséquences pour le financement du logement social (qui est le principal emploi des ressources collectées par le Livret A). La facture s'annonce également salée pour les banques, qui centralisent 40 % de la collecte des livrets réglementés.
Selon une estimation de l'agence de notation Fitch de l'été dernier, une augmentation de 100 points de base du taux du Livret A coûte aux banques près de 2 milliards d'euros. Il existe toujours un décalage, notamment à cause du taux d'usure mais aussi de la concurrence, entre l'évolution du coût de la ressource (livrets...) et celui des emplois (crédits). Enfin, une remontée brusque du taux des livrets aurait également des conséquences sur la structure même de l'épargne des Français.
Risque d'arbitrages massifs
« Nos modèles montrent que les impacts sur la structure de l'épargne liés à une hausse importante du taux du Livret A sont considérables », avance Alain Tourdjman, directeur des études et prospective de BPCE. Selon les modèles économétriques de la banque, l'impact d'une hausse de 30 points de base du taux du livret A peut générer un surplus de collecte sur les livrets de 11,2 milliards d'euros et une décollecte de 3,8 milliards sur les dépôts à vue et de 6,5 milliards sur l'assurance-vie (dont 60% sur les fonds en euros). Ces arbitrages se font d'ailleurs à somme nulle, une augmentation du taux du livret A ne provoquant pas en soi une hausse du niveau global de l'épargne.
« Il ne serait plus raisonnable d'avoir une augmentation plus progressive et raisonnée du taux du Livret A que de le précipiter dans un univers qui pourrait bousculer très violemment les arbitrages habituels des ménages », estime Alain Tourdjman, qui précise bien « que la décision revient au politique ». De sources bancaires, on avance ainsi un taux plus raisonnable de 2,5%, voire 3% maximum.
La décision est d'autant plus importante que les études sur le comportement d'épargne des Français indiquent un seuil psychologique du taux du livret A qui susciterait des arbitrages des épargnants, et ce seuil est généralement situé entre 3 et 3,5%. On s'en rapproche très vite.
Sujets les + commentés