Sanctions : la filiale russe de la banque Raiffeisen impose une commission de 50% sur les virements en dollars

La principale banque occidentale toujours présente en Russie limite le nombre de virements entrants en dollars au profit de sa filiale russe. Cette décision illustre les difficultés croissantes du maintien des activités bancaires en Russie, qui représentent pourtant 40% des profits du groupe bancaire autrichien. La banque n’a toujours pas présenté de plan de sortie du marché russe, malgré les pressions croissantes des Etats-Unis et des autorités européennes.
Les activités russes de la banque autrichienne Raiffeisen génèrent 40% des profits
Les activités russes de la banque autrichienne Raiffeisen génèrent 40% des profits (Crédits : EVGENIA NOVOZHENINA)

La branche russe de la banque autrichienne Raiffeisen va prélever une commission de 50% sur tous les transferts entrants libellés en dollars américains, a annoncé la banque lundi dans un communiqué. « La banque est contrainte de limiter le nombre de virements entrants en dollars américains en raison de l'évolution des conditions du marché. Nous encourageons nos clients à utiliser d'autres méthodes de paiement », a-t-elle ainsi indiqué. La commission minimale prélevée à partir du 1er septembre s'élèvera ainsi à 1.000 dollars, avec un maximum de 10.000 dollars.

Avec les sanctions occidentales (et les mesures de rétorsion russes), il est devenu pratiquement impossible pour les banques basées en Russie de traiter avec des dollars américains. Plusieurs banques russes ont été exclues du réseau financier SWIFT après l'invasion de l'Ukraine en février 2022 et interdites, dans les faits, d'opérations en devises occidentales. De son côté, Moscou a imposé un strict contrôle des changes, en limitant les retraits en dollars et en euros qui peuvent être sortis du pays.

La décision de la banque autrichienne intervient également dans un contexte de chute du rouble et de nouvelles menaces de renforcement du contrôle des capitaux. La banque centrale russe a même été contrainte de relever ses taux à 12% à la mi-août, pour enrayer la chute de la monnaie russe, avec un dollar qui a franchi le seuil des 100 roubles. Ce qui est inacceptable pour le Kremlin qui redoute une nouvelle spirale inflationniste dans le pays avant les « élections » présidentielles de 2024.

40% des profits du groupe

La banque autrichienne est la plus grande banque étrangère opérant dans le pays avant l'invasion et avait, pendant de longues années, développé, de façon assez agressive, ses activités de banque commerciale, auprès d'entreprises russes et d'entreprises européennes opérant en Russie, et de banque privée.

En un mot, le marché russe représentait le marché le plus rentable de la banque. Et cette performance s'est poursuivie après la guerre : la banque a affiché au premier trimestre un profit net de 300 millions d'euros dégagé en Russie (+200% !), soit 40% des profits totaux de la banque. Mieux, la banque a même développé son business en Russie depuis l'invasion, selon Reuters, avec des actifs en hausse de 36% à 27 milliards d'euros et des dépôts en hausse de 28% à 21 milliards d'euros.

Mais cette stratégie résolument pro-russe de la banque autrichienne risque de lui coûter cher à terme. Les Etats-Unis commencent se pencher sur le dossier pour voir si la banque respecte bien les embargos. La Banque centrale européenne (BCE) et les autorités européennes commencent à hausser le ton à l'égard des banques européennes encore présentes en Russie. La BCE leur a notamment demandé en juin dernier d'accélérer « leur stratégie de sortie ». Et la banque autrichienne, sans être précisément citée, est clairement dans le collimateur des autorités européennes.

Embourbée en Russie

La banque a, certes, annoncé son intention de se retirer progressivement du marché russe. En revanche, elle n'a rien annoncé de véritablement concret, alors que d'autres établissements européens concurrents, comme Société Générale, n'ont pas hésité à enregistrer de lourdes pertes pour quitter le pays. Selon l'agence Reuters, la banque autrichienne table davantage sur la fin du conflit pour éviter une sortie très coûteuse de la Russie. Bref, elle joue la montre jusqu'au moment où la BCE, les actionnaires ou même le gouvernement russe pousseront à bouger. Pour le moment, la banque peut au moins se prévaloir du soutien du gouvernement autrichien qui souligne « qu'une banque ne peut pas quitter un tel pays du jour au lendemain », comme le relève l'agence Reuters.

D'autant que le Kremlin menace les banques occidentales toujours présentes, du moins celles considérées comme stratégiques pour assurer un accès, même ténu, aux paiements internationaux. Moscou aurait clairement fait entendre son opposition à ce que la banque autrichienne quitte le pays, en agitant le risque d'une nationalisation ou d'une confiscation des actifs russes au profit d'un oligarque. Cela a déjà été le cas pour des entreprises européennes, comme la filiale russe Danone, reprise par la famille du dictateur tchétchène, Razam Kadyrov.

Ce sont surtout les clients européens de la banque autrichienne qui risquent aussi de payer la facture, faute de pouvoir rapatrier leurs avoirs. D'autant que très nombreuses entreprises européennes toujours présentes en Russie ont ouvert des comptes auprès de Raiffeisen au fur et à mesure que les grandes banques européennes ou américaines quittaient la Russie.

Un coût à 100 milliards d'euros

La filiale russe de Raiffeisen représente 4,5 milliards d'euros de fonds propres, quelque 4 millions de clients, 2.600 clients entreprises et quelque 10.000 salariés. Soit peu ou prou la taille de Rosbank l'ancienne filiale de Société générale, dont la vente « forcée » s'est soldée par une perte de 3,2 milliards d'euros en 2023.

Selon un décompte fait par le Financial Times cet été, le retrait du marché russe aurait déjà coûté aux entreprises européennes plus de 100 milliards d'euros, de charges et dépréciations d'actifs. Trois secteurs ont été particulièrement touchés : le secteur de l'énergie, la finance et l'automobile.

Dans le secteur pétrolier et gazier, trois groupes (Shell, BP et TotalEnergies) totalisent, à eux seuls, 40 milliards d'euros de pertes (largement couvertes cependant par les profits générés par la flambée des prix de l'énergie depuis la guerre). Pour le deuxième secteur le plus touché, la banque et l'assurance, la facture s'élève à ce jour à 17,5 milliards d'euros, selon les calculs du Financial Times.

(avec Reuters)

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Commentaires 3
à écrit le 23/08/2023 à 6:20
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Quel pays connait le touriste nommément aucun par contre le tourisme dans le PIB surtout des pays comme l'Autriche avec + de 10 points ,regarde l'impact sur ce chiffre. Le matin calme me semble un peu nerveux aujourd'hui bonne journee

à écrit le 22/08/2023 à 18:12
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Le gouvernement autrichien peut être considéré comme un allié de la Russie dans le conflit actuel Le gouvernement autrichien laisse transiter mais également continue les échanges sur des produits sensibles avec M.Poutine. Je pensais visiter l'Autri...

le 23/08/2023 à 4:48
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L'Autriche se passera de vous. Sait-elle seulement que vous existez ?

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