A quelques jours de son assemblée générale, qui se tiendra le 16 mai prochain, le géant bancaire BNP Paribas, régulièrement attaqué par les ONG pour son financement de l'industrie des hydrocarbures, vient de mettre à jour sa politique climatique. Après avoir annoncé en janvier dernier l'arrêt des financements dédiés au développement de nouveaux champs pétroliers, elle prend désormais une mesure similaire sur les nouveaux champs gaziers, en s'engageant à ne plus financer directement ces projets.
« Bien que bienvenues, les mesures annoncées restent largement insuffisantes pour aligner la banque sur les projections du scénario 1,5°C de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et répondre aux attentes des scientifiques et associations qui appellent BNP Paribas à ne plus financer l'expansion pétrolière et gazière », regrette Lucie Pinson, à la tête de l'association Reclaim Finance.
Si l'ONG française reste sur sa faim, c'est parce que BNP Paribas ne s'interdit toujours pas de financer les entreprises qui peuvent développer ces nouveaux champs gaziers, tant que l'argent n'est pas directement affecté à ce type de projets.
BNP Paribas ne finance plus les projets, mais continue de financer les entreprises
Or, « la majorité des financements de BNP Paribas au pétrole et au gaz passe par des services financiers fournis non à des projets spécifiques mais à des entreprises », pointe Lucie Pinson.
Le géant bancaire a bien prévu de stopper les financements consentis aux acteurs non diversifiés de l'exploration-production pétrolière, mais cette exclusion ne concerne pas les entreprises intégrées, comme les grandes majors pétrolières telles que TotalEnergies, l'anglo-néerlandais Shell ou l'italien Eni, qui ont des activités à la fois sur le pétrole et le gaz, mais aussi de transports et de transformation.
« Le gros problème, c'est que toutes les entreprises, qui ne sont pas spécialisées uniquement dans la production pétrolière mais qui ont une activité intégrée, ne sont pas couvertes par les mesures de BNP Paribas. Or, les principaux clients de la banque comme Shell, BP, Eni et TotalEnergies sont à l'avant-garde de l'extension pétrolière et gazière », explique Lucie Pinson.
L'ONG appelle ainsi le groupe bancaire à aller jusqu'au bout de sa démarche en exigeant des entreprises de son portefeuille l'arrêt du développement de projets qu'elle-même n'entend plus financer directement. « A défaut d'exclure dès maintenant les entreprises intégrées, BNP Paribas devrait commencer par faire des demandes publiques en exigeant, par exemple, de TotalEnergies qu'elle arrête de développer de nouveaux projets pétro-gaziers », expose Lucie Pinson.
Soutien aux terminaux de gaz naturel liquéfié
« Antoine Sire [le responsable de l'Engagement d'entreprise de BNP Paribas interviewé par la rédaction, ndlr] semble se satisfaire de la stratégie de diversification d'un TotalEnergies, qui ne repose pas sur la sortie d'énergies fossiles », regrette la militante. En effet, si la major française investit des montants colossaux dans les énergies renouvelables (4 milliards de dollars en 2022), ces investissements restent encore très minoritaires par rapport à ceux dédiés aux hydrocarbures.
Surtout, TotalEnergies prévoit de pivoter largement vers le gaz et le gaz naturel liquéfié (GNL), dont la production doit augmenter de 40% entre 2021 à 2030. Or, si cette énergie est moins émettrice de CO2 que le pétrole, elle reste une énergie fossile et son développement n'est pas compatible avec les recommandations scientifiques et les conclusions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Reclaim Finance déplore d'ailleurs que BNP Paribas n'ait pas emboîté le pas de la banque néerlandaise ING, première banque à s'être engagée à ne plus financer directement les terminaux de GNL, ces installations portuaires qui permettent de regazéifier le gaz acheminé par navires sous forme liquide.
« Depuis janvier 2023, l'AIE considère que l'on peut répondre aux besoins énergétiques internationaux sans développer de nouveaux projets de terminaux GNL. D'autant plus que, chaque nouvelle infrastructure de ce type verrouillera de facto des émissions de gaz à effet de serre pendant des années, émissions qui ne sont pas compatibles avec le budget carbone permettant de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré », relève Lucie Pinson.
Les obligations, l'autre angle mort
Autre grand angle mort de la politique climatique du géant bancaire : les obligations. « BNP Paribas, en tant que banque, n'aide pas seulement les entreprises à se financer via des prêts, mais aussi via des obligations. Cela signifie que la banque conseille et aide les sociétés à émettre de la dette sur les marchés pour se financer auprès des investisseurs. Or ces obligations ne sont absolument pas couvertes par les engagements de la banque », pointe Lucie Pinson.
Aujourd'hui, 54% des transactions de la banque sont des obligations et 46% des prêts. Toutefois, en valeur, les obligations ont représenté 30% des montants, contre 70% pour les prêts. « Mais cette répartition est liée à la crise sanitaire, période pendant laquelle la banque a accordé beaucoup de prêts. Habituellement c'est 50-50 », précise Lucie Pinson.
Actuellement, aucune grande banque dans le monde n'a pris l'engagement de ne plus financer les entreprises développant de nouveaux champs pétroliers et gaziers. Le britannique HSBC et le néerlandais ING s'étaient, eux, engagés, avant BNP Paribas à ne plus financer directement les projets d'extension d'hydrocarbures. « La place financière de Paris n'est plus du tout en pointe sur les questions climatiques », estime la militante. En 2015, les grandes banques françaises avaient pourtant été pionnières en se fixant des objectifs de désengagement sur le charbon.
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