Charlie Munger, vice-président de Berkshire Hathaway depuis 1978, l'alter-ego de Warren Buffett, est mort à l'âge de 99 ans mardi 28 novembre. Moins connu que l'oracle d'Ohama, Charlie Munger était néanmoins son associé depuis toujours et, comme lui, l'artisan de l'incroyable réussite du groupe Berkshire Hathaway, devenu la pythie des marchés depuis les années soixante-dix, via les fameuses lettres aux actionnaires. Le principe d'investissement était simple et compréhensible par le commun des mortels : toujours investir dans une optique de long terme dans des entreprises dont on pouvait comprendre le modèle économique.
La disparition de Charlie Munger laissera un grand vide dans le monde de l'investissement et au sein du fonds où il continuait de travailler sans relâche. « Berkshire Hathaway n'aurait pas pu atteindre son statut actuel sans l'inspiration, la sagesse et la participation de Charlie », lui a ainsi rendu hommage Warren Buffet, dans un communiqué.
La vision à long terme plus que tout
Les deux hommes sont sans doute la preuve par mille que deux têtes en valent mieux qu'une. Leur réussite professionnelle, mais presque aussi leur réussite morale, est sans équivalent dans l'univers de la finance, en transformant une entreprise textile en quasi-faillite, en un immense conglomérat dont la capitalisation boursière se rapproche désormais des 800 milliards de dollars (+17% depuis janvier dernier). De fait, ce tandem a permis à des milliers de petits actionnaires de devenir... millionnaires. Et à des millions d'autres d'acquérir une myriade de connaissances pour investir en Bourse.
D'où l'adulation sans pareil dont bénéficient les deux financiers depuis des décennies aux Etats-Unis. Chaque année, des milliers de personnes venaient écouter la bonne parole des deux hommes à Omaha à l'occasion de l'assemblée générale de Berkshire Hathaway, durant laquelle ils passaient plusieurs heures à répondre aux questions du public.
Une succession préparée
La disparition de Charlie Munger laisse bien sûr un grand vide au sein de Berkshire. Ce qui faisait la force de ce duo était, en effet, leur complémentarité. En clair, Charlie Munger était celui qui osait dire non à Warren Buffet ! Il avait notamment réussi à détourner celui-ci de ses premiers amours, c'est-à-dire des entreprises très décotées; mais à l'avenir incertain, au profit d'entreprises beaucoup plus solides mais délaissées, par la Bourse dans une perspective de très long terme.
« Charlie Munger a changé ma façon de voir les choses (...). Il m'a forcé à me poser la question : est-ce que c'est une affaire que nous voulons garder pour toujours ? », racontait Warren Buffett lors d'un entretien enregistré en 2017, et cité par l'AFP. Les principales participations du conglomérat sont dans l'assurance, les chemins de fer, l'énergie, la distribution. Et si les deux investisseurs se sont toujours méfiés des nouvelles technologies, ils ont eu la bonne idée d'investir massivement dans Apple ou les batteries automobiles chinoises. Ces dernières années, ils avaient néanmoins commencé à investir dans la fintech, tout en restant soigneusement à l'écart des crypto-actifs, qualifiés par Charlie Munger de « poison nauséabond ».
Charlie ne sera sans doute pas remplacé à proprement parler. Mais Warren Buffet, toujours aux commandes à 93 ans, a pris soin de préparer sa succession en nommant Greg Abel, un collaborateur de longue date, à la vice-présidence du groupe. Il devrait devenir directeur général à la mort de Warren Buffet.
Donner après avoir reçu
Le décès de Charlie Munger survient une semaine après que Warren Buffett a fait don d'environ 866 millions de dollars d'actions Berkshire à quatre organisations caritatives familiales et a publié une rare lettre aux actionnaires dans laquelle il reconnaît que son temps est compté, au crépuscule d'une carrière d'investisseur riche en rebondissements.
Warren Buffet a créé avec Bill et Melinda Gates le « Giving Pledge » par lequel les milliardaires s'engagent à donner au moins la moitié de sa fortune à des œuvres. Il est même allé beaucoup plus loin en assurant que 99% de la sienne sera consacrée à la philanthropie. A la fin 2021, il avait déjà donné l'équivalent de 41 milliards de dollars.
Charlie faisait bien évidemment aussi partie du « Giving Pledge ». Sa fortune est actuellement estimée à 2,6 milliards de dollars, mais il avait déjà donné l'essentiel de son vivant à des œuvres caritatives.
(Avec agences)
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