Cryptos : le champion français Ledger va licencier 12% de ses effectifs

La startup française se sépare d'une centaine de salariés, a annoncé dans une lettre le PDG. Le spécialiste de la conservation de cryptomonnaies dans un portefeuille physique explique qu'il n'a pas réussi à atteindre ses objectifs de ventes sur ces derniers produits. Le tout dans un contexte de marché plutôt attentiste et qui fait la part belle à de nouveaux produits financiers qui ne nécessitent pas de solution de stockage. Explications.
Pascal Gauthier, PDG de Ledger, a posté une lettre sur le blog de l'entreprise.
Pascal Gauthier, PDG de Ledger, a posté une lettre sur le blog de l'entreprise. (Crédits : Samuel Kirszenbaum)

Le champion français des cryptomonnaies, qui s'est spécialisé dans le stockage physique des jetons numériques échangés sur les blockchains, a annoncé ce jeudi 5 octobre être contraint de se délester de 12% de ses effectifs, sur un total de 800 employés. Une décision « non voulue, mais nécessaire » selon son dirigeant qui va toucher une centaine de salariés de l'entreprise dont le siège se trouve en France. Son PDG Pascal Gauthier a publié une lettre en anglais et en français sur le blog de la société.

« La situation macroéconomique actuelle limite notre capacité à générer des revenus. En réponse à ce contexte difficile, nous sommes contraints de réduire nos effectifs à l'échelle globale. Cela signifie malheureusement que nous devons prendre la difficile décision de réduire les effectifs de Ledger de 12 % », explique le PDG.

Contactée par La Tribune, la société créée en 2014 ne commente pas davantage sa décision. Cette nouvelle peut en tout cas surprendre aux premiers abords puisqu'il y a six mois, l'ETI tricolore, valorisée 1,3 milliard d'euros, pouvait se vanter d'avoir réussi à boucler une levée de fonds de 100 millions d'euros de capitaux frais, en plein marasme financier lié à la remontée des taux d'intérêts qui a asséché les crédits.

Un « marché baissier »

Ledger impute la nécessité de licencier à « un marché baissier ».

Auparavant, la société avait du rattraper sa communication autour du lancement de sa nouvelle solution de récupération des accès à sa clé de stockage en mai dernier : le Ledger Recover. La solution, qui devait à l'origine rassurer les détenteurs de cryptomonnaies avait produit l'effet inverse auprès de la communauté. Ledger se concentre aujourd'hui sur la sortie de son Ledger Stax : « cela prend plus longtemps qu'attendu », admet le PDG dans sa lettre.

Ledger vise essentiellement les détenteurs de bitcoin ou d'ethereum. Ceux-ci se trouvent à l'étranger avec une nette concentration aux États-Unis, en Asie (Japon, Corée du Sud) et en Europe (Allemagne, Royaume-Uni). La France reste un marché marginal.

Aussi, les besoins en financements de l'entreprise, dont la moitié des effectifs sont des ingénieurs spécialisés, sont colossaux. L'univers dit du « Web 3 » et des échanges décentralisés paraît certes attractif, mais la compétition des salaires fait rage et les coûts en recherche et développement sont exponentiels. Enfin, la mise sur le marché de ces nouveaux produits nécessitent également de nombreuses dépenses en marketing et surtout en matières premières électroniques - en pleine inflation. « Avons-nous été parfaits en toutes circonstances? Non. Nous avons déjà fait des erreurs, et cela fait partie du processus », concède le PDG.

Une marché plus « exigeant »

Pour justifier sa décision, l'entreprise française décrit un contexte difficile. Avec la remontée des taux d'intérêt, les liquidités se sont taries, en même temps que l'envie de prendre le risque vers les cryptomonnaies. « Ledger a déjà vécu de multiples marchés baissiers par le passé, et le marché que nous traversons actuellement est également exigeant », écrit le PDG.

Pour autant, de l'aveu même du directeur, Ledger avait bénéficié d'un regain d'intérêt à la suite des nombreux scandales qui ont émaillé le monde des cryptos, principalement causés par des plateformes en ligne dont la retentissante affaire des malversations de l'ex-poids lourd FTX. Face aux défauts de ces solutions de détention de cryptos dématérialisées, les solutions de stockage physique, telles que Ledger, était censée profiter de la crainte des propriétaires de jetons numériques.

Surtout, le bitcoin, malgré les scandales et une réglementation qui se durcit dans le monde, a tendance à résister. En octobre, le jeton star a pu réaliser des gains qui l'ont conduit au niveau de 28.227 dollars, le plus élevé depuis la fin du mois d'août dernier. De même, l'Ethereum a pu réaliser des gains notables, atteignant le niveau de 1.755 dollars, également le niveau le plus élevé depuis la mi-août dernier.

Le marché est donc sur une tendance haussière, de quoi favoriser l'appétit pour le stockage des jetons. Un gâteau qui risque toutefois de se diversifier avec de nouveaux produits financiers, tels les ETF bitcoin qui ne nécessiteront pas de solutions de stockage pour les investisseurs.

Lire aussiETF bitcoin, ethereum...: les enjeux de ces produits financiers indexés aux cryptomonnaies

Ledger n'en est pas à son premier plan de licenciements. En 2019, face à la baisse de la demande, la société présente à San Francisco, New York et Hong Kong, n'avait pas hésité à couper dans ses effectifs.

« Nos priorités restent inchangées », assure le dirigeant. Mais les concurrents du Français (Trezor, Cool Wallet), sur un marché en plein essor, sont en embuscade. La société compte développer ses services de stockage physiques que sont les Ledger Nanos, « et des nouveaux produits et services à venir, dont Ledger Recover (transformé en un abonnement par rapport à la version initiale NDLR) et Ledger Stax.» Ledger revendique 6,5 millions de Ledger Nano vendus depuis sa création et la sécurisation de plus de « 20% des actifs digitaux dans le monde ».

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Commentaires 2
à écrit le 06/10/2023 à 9:39
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Très bonne entreprise avec un très bon produit. La communication sur Ledger Recover a été désastreuse, mais depuis ils s'étaient engagés à rendre progressivement Open source leurs logiciels. L'article ne dit pas s'il y a des progrès sur cette voie. ...

à écrit le 05/10/2023 à 22:08
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Des superpertes qu'il faut financer par péréquation juste par une ponction sociale bienveillante sur les rentiers de guerre de la fonction publique intolérante

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