Immobilier : au cœur de la crise, les SCPI attendent avec impatience la baisse des taux

Les Sociétés civiles de placement en immobilier (SCPI) cotées connaissent des jours difficiles depuis le début de l’année 2023. Avec de nouvelles baisses de valeur de parts en 2024, de nombreux gestionnaires voient les investisseurs fuir et s'inquiètent d'un potentiel manque de liquidité. Malgré les difficultés, les experts du secteur entrevoient cependant le bout du tunnel, scrutant avec attention la baisse des taux directeurs à venir.
Maxime Heuze
La crise de l'immobilier de 2023 qui a vu nombre de biens voir leurs prix diminuer, surtout ceux dédiés aux professionnels (bureaux, commerces, logistique, etc).
La crise de l'immobilier de 2023 qui a vu nombre de biens voir leurs prix diminuer, surtout ceux dédiés aux professionnels (bureaux, commerces, logistique, etc). (Crédits : Reuters)

Il y a comme un air de traversée du désert chez les SCPI (Sociétés civiles de placement en immobilier coté). Alors que l'année 2023 a été marquée par la baisse de la valeur des parts d'une vingtaine d'entre-elles (sur 215 existantes sur le marché), avec une chute moyenne de 11%, signifiant une perte sèche pour les investisseurs, le début d'année semble avoir été de même augure. Référençant une centaine de SCPI parmi les principales du marché, le site MeilleureSCPI.com a repéré des baisses de parts chez 8 fonds au cours du premier trimestre 2024 et chez 2 au cours du deuxième.

Pour rappel, les SCPI sont composées de trois parties : un parc immobilier, une société de gestion et des investisseurs particuliers ou professionnels qui confient leur argent au gestionnaire pour investir dans des biens en échange d'une partie des loyers et des plus-values. Pour investir dans ce placement, les particuliers et professionnels de la finance doivent acheter des parts, qui correspondent à une partie du parc et évoluent donc en fonction de la valeur de ce dernier. Or, ce sous-jacent a beaucoup souffert avec la crise de l'immobilier de 2023 qui a vu nombre de biens voir leurs prix diminuer, surtout ceux dédiés aux professionnels (bureaux, commerces, logistique, etc).

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Si « nous arrivons à la fin des annonces de baisse de parts », estime Jonathan Dhiver, fondateur de MeilleurSCPI.com, interrogé par La Tribune, les annonces en chaîne ayant eu lieu au cours de l'année 2023 et en ce début 2024 ont effrayé les investisseurs désormais frileux face à la pierre-papier.

Gel des collectes et des transactions

Ainsi, sur l'année 2023, la collecte nette des SCPI a connu une forte baisse à 5,7 milliards d'euros, contre 10,1 milliards pour l'année 2022, selon les chiffres de l'Association française des sociétés de placement immobilier (Aspim). Et les professionnels du secteur confient encore aujourd'hui rencontrer des difficultés à collecter. Une situation qui touche cependant bien davantage les grosses SCPI bancaires que les petites indépendantes selon Jonathan Dhiver. « Ces dernières y parviennent tout de même car elles n'ont pas baissé leurs parts, voire ont réussi à les augmenter et ont su bien communiquer pour rassurer leurs investisseurs », précise le spécialiste de l'immobilier papier.

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Reste que le manque d'argent frais est là, et que beaucoup société de gestion n'ont aujourd'hui pas les fonds pour acheter de nouveaux biens... provoquant par ricochet un effondrement des transactions. Seul 1,6 milliard d'euros ont été investis dans le marché immobilier professionnel (terrain de jeu des SCPI) sur les trois premiers mois de 2024, contre 4,6 milliards un an plus tôt, selon une étude de BNP Paribas Real Estate Knight Frank. « Alors que les acheteurs sont revenus au Royaume-Uni, en France, ils se font toujours rares », note Jean-François Chaury, directeur général d'Advenis REIM. Une situation stressante pour les vendeurs qui les poussent parfois à fortement décoter leur biens pour vendre rapidement.

Le spectre de la crise de liquidités

Cette précipitation s'explique notamment par une crainte nouvelle et inquiétante pour certaines sociétés de gestion : le manque de liquidités.

« Dans les SCPI à capital variable, qui sont majoritaires, quand le gestionnaire ne trouve pas de nouveaux acheteurs pour ses parts il ne peut pas rembourser les investisseurs souhaitant vendre les leurs », explique Jonathan Dhivers.

En cas de manque de liquidités, les sociétés de gestion sont alors parfois contraintes de mettre en place un « fonds de remboursement » qui consiste à vendre des biens en urgence pour retrouver des liquidités... quitte à brader l'immeuble.

Autre option pour ces dernières : activer la « suspension de variabilité ». Il s'agit d'une mise en vente des parts sur un marché secondaire. Un mécanisme qui désindexe le prix des parts - normalement corrélé à la valeur du parc immobilier - et les fait fluctuer en fonction de l'offre et la demande, faisant cependant peser le risque d'une sérieuse décote pour les vendeurs.

Vers une reprise en 2025 ?

Le printemps n'est donc pas encore arrivé pour la pierre papier, mais les professionnels du secteur affirme cependant entrevoir le bout du tunnel. « Le marché devrait repartir d'ici 7 à 8 mois », avance Philippe Cerversi, président du gestionnaire de SCPI Corum AM. Et l'impulsion devrait venir, ni plus ni moins, de la Banque centrale européenne. Pour rappel, cette dernière a porté ses taux directeurs entre 4% et 4,75% -contre 0% en 2022- entraînant une hausse du coût de l'endettement... et une crise du marché immobilier confronté à la raréfaction des acheteurs et à la baisse des prix.

Mais la baisse des taux se fait aujourd'hui palpable, avec une première marche attendue pour sa réunion du 6 juin. « Cela va nous permettre d'avoir une baisse du coût du crédit et donc des capacités de financement plus fortes ce qui pourrait faire repartir le marché immobilier », analyse Jean-François Chaury.

Parallèlement, les sociétés de gestion attendent un retour des investisseurs puisque la baisse des taux d'intérêt se répercutera aussi sur les obligations et autre comptes à terme, redonnant de l'attractivité aux SCPI qui proposent un rendement moyen de 4,5% selon l'Aspim, et se retrouvent donc aujourd'hui concurrencée par les placements à faible risque. « Nous attendons surtout le retour des institutionnels (assureurs, fonds d'investissement, NDLR) puisque ces derniers investissent de gros montants », détaille une société de gestion. « Mais cela ne se fera pas avant 2025 », rétorque Jean-François Chaury.

Maxime Heuze

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Commentaires 6
à écrit le 23/05/2024 à 14:36
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"Perte nette"... cela n'est vrai que si le détenteur vend. Et que son objectif ait été de spéculer. Ce qui ne semble pas être le gros des troupes. Si, par contre, l'objectif est de générer un revenu, la valeur de la part n'est pas une bonne référence...

à écrit le 23/05/2024 à 11:09
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La baisse de la valeur des scpi a du bon , ça diminue l'IFI !!!

à écrit le 23/05/2024 à 9:34
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L'immobilier se déprécie et n'a plus la côte ! Mieux vaut investir dans Nvidia.

à écrit le 23/05/2024 à 9:21
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Quelle lamentable inertie. Pourriez vous chercher pour voir s'il y reste de la vie quand même svp ? Parce que pour m a part je vois pas grand chose bouger dans notre économie bétonnée par la finance.

à écrit le 23/05/2024 à 8:43
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Elles peuvent attendre longtemps : c'est les taux à court-terme qui devraient baisser, pas trop les taux à long-terme qui financent l'immobilier. Et qui sont revenus à un niveau normal.

à écrit le 23/05/2024 à 8:29
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Comme si la baisse des taux directeurs pouvaient suffire à elle seule !

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