
Traditionnellement considérées comme des placements pour « bon père de famille », les sociétés civiles de placement en immobilier (SCPI) donnent des sueurs froides à leurs investisseurs. Pour rappel, les SCPI sont composées de trois parties : un parc immobilier, une société de gestion et des investisseurs particuliers ou professionnels qui confient leur argent au gestionnaire pour investir dans des biens et attendent en retour une partie des loyers et des plus-values sous forme de dividendes. Sauf que ces dernières semaines, les poids lourds du secteur, comme Amundi Immobilier (42,5 milliards d'euros d'actifs sous gestion), BNP Paribas REIM (30 milliards) ou encore le Groupe La Française (49 milliards d'euros, en partenariat avec Crédit mutuel) ont tous annoncé une baisse des parts de certaines de leurs SCPI de 9 à 18%. Une part est un ticket d'entrée pour investir dans une SCPI, à l'image d'une action pour une société cotée. Diminuer sa valeur signifie donc une perte sèche pour l'investisseur.
Peut-on, dès lors, penser que tout le marché prend l'eau ? Pas du tout répondent, de leur côté, de nombreuses autres sociétés de gestion. Selon une estimation réalisée fin août par le site spécialisé MeilleureSCPI.com, près de 60 SCPI de rendement (dont l'objectif est d'offrir des dividendes les plus élevés possibles aux détenteurs de parts) ont attesté une tendance positive ou confirmé la stabilité de leur prix de parts, tandis que seulement 6 d'entre elles ont vu leur valeur dégringoler.
Un marché à deux vitesses
Et contre toute attente, ce sont les plus jeunes et petites sociétés de gestion, théoriquement plus fragiles, qui affichent une meilleure résilience (pour le moment) que leurs grandes sœurs. Ainsi, Novaxia Investissement (4 milliards d'euros d'actifs sous gestion), Sogénial (1 milliard), Norma Capital (1 milliard) ou encore Corum l'Epargne (6 milliards) communiquent allègrement sur le maintien voire la hausse des prix de leurs parts et des taux de rendement supérieurs à 5%, contre 2 à 5% pour les géants du secteur.
Ce marché à deux vitesses s'explique d'abord par la typologie de certains parcs détenus par des géants bancaires.
« Créées il y a plus de vingt ans, ces SCPI commencent à avoir du patrimoine daté avec des bureaux vieillissants, dont la valeur locative et à la vente décroît. Elles ont besoin de les remettre au goût du jour pour maintenir leurs loyers », explique Marc Sartori, directeur général de la Société d'analyses financières Deeptinvest.
Des pratiques controversées
Mais la forte dévalorisation des parts de ces grosses SCPI est aussi due à des pratiques controversées de leurs gestionnaires. Nombre de grands gérants ont accumulé beaucoup de capitaux ces dernières années. Ainsi, au premier trimestre 2020, période où les prix de l'immobilier étaient au plus haut, l'Association Française des Sociétés de Placement Immobilier (Aspim) faisait part d'une collecte en augmentation de 47% par rapport au premier trimestre 2019. « Les sociétés rattachées à des groupes bancaires ont beaucoup incité leurs clients à investir car cela a permis à leur maison mère de gagner beaucoup d'argent en commissions et autres frais », pointe du doigt un gérant.
Une stratégie qui a cependant obligé les gestionnaires à acheter à la hâte des biens leur permettant de maintenir un taux de distribution au-dessus de 3%. Des achats parfois peu rentables, qui se retournent aujourd'hui contre eux.
« Les actifs trop gros, de plus de 500 millions d'euros, que ces géants ont achetés, sont compliqués à vendre et sont difficiles à louer depuis le Covid car il s'agit de grosses tours louées à des grandes entreprises qui ont délaissé ces grandes surfaces, ayant maintenant recours au télétravail », analyse Faïz Hebbadj, président de Norma Capital qui a préféré, de son côté, opter pour l'achat d'une multitude de petits biens.
Un retournement du marché
Et cette boulimie acheteuse de certaines sociétés s'est accompagnée d'un fort recours à la dette « pour doper leurs rendements qui étaient trop faibles », pointe Frédéric Puzin, fondateur de Corum. Ainsi, « en achetant un bien à 4% de rentabilité avec 50% de capital et 50% de dette, ces sociétés pouvaient obtenir une rentabilité à 5,5% », rappelle-t-il. Un bénéfice qui s'est cependant transformé en amplificateur de baisse quand la valeur de ces biens à diminué.
A l'opposé de cette stratégie, nombre de petits gestionnaires ont affirmé avoir limité leur collecte ces dernières années pour ne pas être forcés d'acheter des biens peu rentables. « Nous avons gardé des liquidités et nous pensons que c'est à présent le moment pour nous de trouver des opportunités pour acheter des bureaux », affirme Laurent Boissin, président du directoire de Novaxia Investissement, partant du principe que le retournement de marché va forcer certains vendeurs à brader le prix de leurs biens.
Problèmes de gestion
Enfin, « l'un des points qui différencie aujourd'hui une bonne, d'une mauvaise SCPI, c'est la gestion interne », affirme Jonathan Dhiver, fondateur du site spécialisé MeilleureSCPI.com. « Déléguer la gestion entraîne des pertes d'informations et de réactivité et nuit aux relations avec les locataires », ajoute-t-il.
Or, cette pratique est courante chez les géants du secteur qui ont souvent trop de biens ou des biens trop grands par rapport à leur nombre d'employés disponibles. « Car les sociétés appartenant à des groupes bancaires ont moins d'intérêt à prendre soin de leurs locataires car s'ils partent et que cela fait perdre de la rentabilité à leur immeuble, ce n'est qu'une goutte d'eau dans leur panel d'actifs », dit encore Jonathan Dhiver.
Les petites SCPI ne sont pas parfaites
Les gros gérants de SCPI payent aujourd'hui ce que leurs petits frères qualifient de « mauvaise gestion » mais ces derniers ne sont cependant pas exempt de tout risque. Les nouvelles SCPI sont en effet exposées au risque de démarrage.
« Comme elles n'ont pas beaucoup de fonds, il peut être difficile, pour elles, d'acheter des biens rentables et elle peuvent ne pas trouver le rendement qu'elles promettent à leurs investisseurs », rappelle le fondateur de MeilleureSCPI.com qui met aussi en garde contre le risque de surexposition des très jeunes acteurs à un petit nombre de biens.
Finalement, l'expert conseille aux particuliers intéressés par la pierre papier, d'étaler leur budget sur « six, sept ou dix SCPI, pour diversifier le risque, en investissant progressivement et régulièrement sur ces dernières », conclut-il.
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