Immobilier : les SCPI rattrapées à leur tour par la crise immobilière

La baisse des prix de l’immobilier et la fuite des investisseurs mettent certaines Sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) dans une situation très difficile et les poussent même à baisser la valeur de leurs parts. Une décision très rare mais que viennent de prendre Amundi et BNP Paribas Reim, des géants de la gestion d'actifs. De nombreuses SCPI pourraient suivre ces exemples.
Maxime Heuze
Au premier semestre 2023, la collecte nette des SCPI s'est élevée à 4,1 milliards d'euros, en repli de 23 % par rapport au premier semestre 2022.
Au premier semestre 2023, la collecte nette des SCPI s'est élevée à 4,1 milliards d'euros, en repli de 23 % par rapport au premier semestre 2022. (Crédits : DR)

Au carrefour de la pierre et de la finance, les Sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) entrent dans une période difficile. Le géant de la gestion d'actifs Amundi a sonné le marché, lundi 24 juillet, en dévaluant de 12% à 17%, les parts de trois de ses principaux fonds immobiliers. Une décision qui pourrait faire tâche d'huile.

BNP Paribas Reim vient d'ailleurs d'annoncer une baisse de la valeur de la part de la SCPI Accimmo, comprise entre 15,28% et 17,28%. En mars dernier, une première alerte était passée presque inaperçue lorsque AEW Patrimoine a revu à la baisse la part de la SCPI Laffitte (-8,44%).« Je pense que quelques autres sociétés vont aussi suivre ce chemin », confie à La Tribune, Frédéric Puzin, cofondateur de la société de gestion Corum.

Un événement rare

Le prix d'une part de SCPI est basé sur la valeur de reconstitution, soit la valeur du patrimoine augmentée des frais payés pour son acquisition (frais de notaires, commissions, droits d'enregistrement). L'annonce d'une baisse n'est donc pas un événement anodin, loin de là. « C'est un événement qui se produit tous les quinze ans, lors de retournements de cycles haussiers », rappelle Frédéric Puzin.

Officiellement, Amundi explique que cette baisse est due aux difficultés que subit l'immobilier cette année. « Le contexte d'inflation favorise plutôt les rendements locatifs mais la hausse rapide des taux de financement impacte, elle, la demande immobilière, via une baisse des volumes des transactions locatives et elle provoque ainsi la baisse des valorisations des biens », justifie Marc Bertrand, directeur général d'Amundi Immobilier.

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Et l'audit réalisé fin juin sur les SCPI du gestionnaire d'actifs a en effet montré « une baisse des valorisations d'environ 10 %. De ce fait, le prix de part de la SCPI est devenu trop éloigné des nouvelles valeurs d'expertise. C'est pourquoi nous ajustons le prix de la part de la SCPI à la baisse », affirme ce dernier. Mais la baisse du prix de l'immobilier n'explique pas tout.

Accélération de la baisse de la collecte

Cette décision choc peut également s'expliquer par une volonté d'attirer à nouveau les investisseurs avec un prix plus attractif. Face à la hausse des rendements des placements obligataires, y compris sur la dette souveraine peu ou pas risquée, l'attrait de la SCPI proposant un rendement compris entre 3 et 4 % est forcément moindre. La SCPI a été longtemps vendu comme un actif alternatif intéressant pendant la longue période de taux bas. C'est clairement plus le cas aujourd'hui, alors que la Banque  centrale européenne a augmenté ses taux directeurs de 400 points de base en un an.

Selon l'Association française des placements en immobilier (Aspim),la collecte nette sur les SCPI est en recul de 23% au premier semestre à 4,1 milliards d'euros. Au second trimestre, la collecte nette a encore ralenti en avoisinant 1,7 milliard d'euros, soit un repli de 28 % par rapport au premier trimestre 2023 et de 35 % par rapport au premier trimestre 2022.

Un ajustement comme unique option

Pour tenter d'enrayer la fuite de capitaux qui menace la croissance de leurs activités, Amundi et AEW ont donc décidé d'augmenter leur taux de distribution, en urgence. « Pour cela, il faut soit parvenir à augmenter le rendement locatif de son parc, soit sacrifier à court terme les investisseurs déjà présents en baissant le prix de leurs parts », explique Jérôme Rusak.

Un choix qui n'en est plus vraiment un aujourd'hui. Pour augmenter la rentabilité du parc locatif, « l'une des solutions serait de vendre une partie des actifs « mûrs », détenus depuis plus de 6 ans et dont la plus-value permettrait d'être réemployée sur des nouveaux actifs, plus récents, à des prix réévalués dans le contexte actuel (et donc plus rentables, ndlr) », avance Flavien Michel, responsable des ventes investisseurs en immobilier d'entreprise chez Cushman & Wakefield. Mais c'est sans compter la crise qui secoue actuellement le marché de l'immobilier, résidentiel et professionnel, avec une chute des prix et des transactions.

En revanche, la dévalorisation de la valeur des parts, qui peut légalement osciller - au bon vouloir des gérants - entre +10% et -10% de la valeur de reconstitution, devrait permettre aux acteurs dans la tourmente d'augmenter mécaniquement le rendement de leurs SCPI vers la moyenne du marché située à 4,53 %, selon l'Aspim, et ainsi renouer avec la croissance de la collecte.

Trop de collecte

Toutes les SCPI ne sont cependant pas logés à la même enseigne. Si Amundi est victime d'une forte baisse de collecte, Corum AM, spécialisé sur les SCPI, revendique une hausse de 10 % de sa collecte au premier semestre à 609 millions d'euros. Epsilon 360, une SCPI créée en 2021 par Epsilon Capital, affiche une collecte multipliée par cinq et vise un encours de 80 millions d'euros à la fin de l'année, contre 40 millions fin 2022.

Ce sont deux SCPI qui ont volontairement freiné  la collecte ces dernières années pour assurer un taux de distribution de 6%. Les collectes trop abondantes présentent un défaut majeur : la nécessité d'investir dans des projets de moindre qualité. Ce qui dans un environnement de taux plus élevés ne pardonne plus.

« Il sera intéressant de revenir à l'achat dans 12 ou 24 mois car beaucoup de gérants vont devoir vendre des biens avec une décote », estime néanmoins Jérôme Rusak. Comme toujours, les pertes des uns font les gains des autres.

Maxime Heuze

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Commentaires 7
à écrit le 30/07/2023 à 11:03
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Dommage: la PUB à la télé était sympa!

à écrit le 28/07/2023 à 11:19
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De nombreuses scpi ont investi dans des locaux professionnels qui pour les uns sont vides d'occupants ( 12 boutiques vides rue de Renne à Paris ! ) et pour d'autres les occupants commerçants renégocient les loyers à la baisse !

à écrit le 28/07/2023 à 9:18
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Tellement prévisible. Et nous sommes encore très loin du plancher qui va durer très très longtemps.

à écrit le 28/07/2023 à 9:03
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Sérieusement, ça étonne qui? Ce n'est que le tout début d'un réveil brutal sur différents marchés, car les officcionados du gouvernement français ont beau jouer avec les indicateurs avancés et user et abuser de la méthode Coué, néanmoins ils ne pourr...

à écrit le 28/07/2023 à 8:21
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Le dégonflement de cette bulle immobilière ne peut que faire du bien ! Dégonflement ou explosion d'ailleurs ?

à écrit le 28/07/2023 à 8:17
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Juste le debut des faillites tous azimuts. Le but du kapo est de vous reduire a la dependance. Il serait temps de reagir ou vous allez avoir des lendemains qui vont dechanter. Recession en europe, stagflation et inflation galopante. Cette europe va v...

le 28/07/2023 à 11:05
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"Cette europe va vous désintégrer". Indubitablement puisqu'elle fut construite seulement par beau temps (c-à-d en n'ayant jamais dû véritablement gérer en commun de véritables crises financières et économiques) et érigée sur des fondations instables ...

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