Levées de fonds : une année 2020 en demi-teinte pour la Fintech française

Selon l’Observatoire de la Fintech, les levées de fonds ont légèrement progressé en 2020, ce qui dénote un coup de frein par rapport à 2019. Ce sont les petites opérations qui ont le plus souffert de la crise sanitaire. L’année a également été caractérisée par la montée en puissance de l’Assurtech et par l’arrivée de la big tech chinoise Tencent en France.
Le montant des dix premières opérations en 2020 est équivalent à celui du TOP 10 de 2019. Source : Observatoire de la Fintech.
Le montant des dix premières opérations en 2020 est équivalent à celui du TOP 10 de 2019. Source : Observatoire de la Fintech. (Crédits : Observatoire de la Fintech)

La fintech Lydia, un des acteurs phares du paiement mobile en France, aura ouvert et clôturé l'année 2020 en beauté. Après avoir finalisé une première levée de fonds de 40 millions d'euros en janvier, la startup a annoncé ce mois une extension de cette opération à hauteur de 72 millions d'euros, ce qui porte le total de cette « série B » (pour financer le développement commercial) à 112 millions d'euros, un record pour la Fintech française. Preuve que ce secteur a finalement bien encaissé le choc de la pandémie.

C'est ce que montre l'Observatoire de la Fintech dans sa dernière édition semestrielle. Les levées de fonds observées en 2020 s'inscrivent en légère hausse de 4 % à 664 millions d'euros. Et encore, ces chiffres, arrêtés au 15 décembre, ne prennent pas en compte la dernière levée de Lydia. En l'intégrant, le montant total atteint 736 millions, soit une croissance de 15%. Toutefois, la progression est loin d'atteindre celle de 2019, soit 60%.

Les petites opérations les plus touchées par la crise

« Sans la crise, ces montants auraient atteint sans doute le milliard d'euros », estime Michäel Ptachek, président de l'Observatoire de la Fintech. « Après un bon premier trimestre et quelques opérations déjà engagées au second trimestre, l'activité s'est nettement tassée au second semestre, notamment pour les petites opérations de financement early stage, ce qui pourrait créer en 2021 des ruptures dans le cycle de financement des plus jeunes startups », précise-t-il.

Dans le détail, le nombre de transactions a effectivement baissé (58 opérations en 2020 contre 85 en 2019), avec un ticket moyen qui a mécaniquement fortement progressé à 11,4 millions d'euros (+50%). Mais, sur les grosses opérations, les dix premières levées de 2020 ont attiré autant de capitaux de l'année précédente (423 millions contre 420 millions). Dans le trio de tête du palmarès 2020, nous trouvons (hors extension de Lydia) Qonto (financement de TPE/PME), Swile (titres-restaurant dématérialisés) et Alan (mutuelle de santé pour les entreprises).

Montée en puissance de l'Assurtech

« Les investisseurs ciblent en priorité les modèles qui ont déjà fait leurs preuves, comme le paiement, un métier à coûts fixes. Mais l'Assurtech s'est installée comme le deuxième métier qui attire le plus les capitaux, devant le financement », relève Michäel Ptachek. Ainsi, le spécialiste de l'assurance habitation Luko a réussi à lever 50 millions d'euros début décembre.

Autre exemple, Alan, une des toutes premières assurtechs lancées en France (2015), a également bouclé un nouveau tour de table de 50 millions (après 40 millions en 2019). Au total, les assurtechs ont mobilisé 163 millions d'euros contre 199 millions pour les startups spécialisées dans le paiement en 2020. En cumul depuis le lancement des sociétés, l'Assurtech aura levé 443 millions d'euros, contre 790 millions pour le métier du paiement.

United Credit en tête des levées de fonds

Le mouvement en faveur des assurtechs s'est accéléré ces deux dernières années, et deux assurtechs figurent désormais dans le top 5 des levées de fonds cumulés : le spécialiste de la lutte contre la fraude aux assurances, Shift Techonology (87 millions) et Alan (75 millions).

Dans ce classement figurent également United Credit, spécialisé dans le crédit à la consommation (167 millions), la plateforme de paiement Wynd (111 millions) et Payfit, une solution B2B de gestion de la paie en ligne (89 millions). Bien sûr, Lydia a désormais sa place dans ce classement.

À noter qu'une seule fintech s'est à ce jour introduite en Bourse : il s'agit d'Hipay, en 2015, lors de sa scission avec le groupe Hi-Media. « Les sociétés sont encore jeunes et les acteurs de la technologie en France n'ont pas encore réalisé des parcours remarquables en Bourse. Ce n'est pas un marché qui rémunère le risque, contrairement aux États-Unis », analyse Mickaël Ptachek.

Intérêt croissant des big tech chinoises

Autre nouveauté soulignée par l'Observatoire : l'arrivée des premiers investissements en provenance des BATX, ces géants de la tech chinoise. L'année 2020 a été en effet marquée par deux investissements importants du chinois Tencent, presque coup sur coup, dans Qonto et Lydia.

Ce qui pose, en creux, la question de la faiblesse des acteurs français du capital-risque, alors même que des investisseurs étrangers de renom (Valar, DST Global) sont déjà présents en France depuis de longues années. Cette aversion au risque en France s'illustre également par la prime accordée aux modèles B2B, notamment ceux qui s'adressent aux grandes entreprises.

Mais derrière les investissements de Tencent se profile surtout l'arrivée des big tech en France. « L'arrivée des géants de la tech est sans doute le mouvement le plus dangereux, avec des conséquences sur l'emploi et les données », estime le président de l'Observatoire. Pour l'heure, les GAFA américaines ont beaucoup moins investi en France que les BATX qui semblent privilégier les sociétés déjà bien valorisées.

Les banques en retrait en 2020

À cet égard, Tencent est sans doute la tech la plus présente dans le paiement et possède notamment en Europe un ticket dans la néobanque N26. Mais les big tech pourraient bien reproduire dans la Fintech le schéma qu'elles ont mis en place il y a vingt ans sur l'Internet et le commerce en ligne.

Les banques ne restent pas inertes. Initiée pour une large part par le Crédit Mutuel Arkéa, la coopération entre la Fintech et les acteurs traditionnels est désormais un fait acquis. Toutes les banques (et de plus en plus les assureurs) ont investi dans la Fintech, avec BNP Paribas, BPCE et Crédit Mutuel Arkéa parmi les plus actives.

Toutefois, note l'Observatoire, ces acteurs traditionnels ont participé à seulement quatre opérations en 2020, dont deux par le groupe d'assurance CNP (Cybelangel et Paylead), une par le courtier d'assurance April (Eloa) et une par BNP Paribas (Kantox).

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