Lemonade, Luko... les assurtech à la conquête du marché de l’assurance habitation

La coqueluche de Wall Street, Lemonade, propose désormais son offre d’assurance en France, son troisième marché européen. Parallèlement, la start-up française Luko, dont le modèle est proche de celui de Lemonade, vient de clore une levée de fonds de 50 millions d’euros. De quoi financer son développement accéléré sur un marché pourtant bien verrouillé par les assureurs mutualistes ou les bancassureurs.
Les start-up américaine Lemonade et française Luko s'attaquent au marché français de l'assurance habitation.
Les start-up américaine Lemonade et française Luko s'attaquent au marché français de l'assurance habitation. (Crédits : DR)

L'assurtech américaine Lemonade, encore auréolée de la flambée de son cours de Bourse lors de son introduction à Wall Street (environ 4 milliards de dollars de capitalisation), débarque en France. La start-up compte se faire une place en France sur le marché, pourtant très concurrentiel, de l'assurance habitation en appliquant les mêmes recettes qui ont fait son succès aux Etats-Unis : 100% mobile, instantanéité, prix d'appel cassés. Aujourd'hui, Lemonade revendique plus d'un million de clients dans le monde.

« Nous pensons que les produits et les valeurs de Lemonade sont de nature universelle. Bien que nous ayons adapté notre langage et notre couverture aux besoins du marché français, nous pensons que le consommateur de Paris, Berlin ou New York qui est frustré par son assureur actuel trouvera que l'expérience Lemonade est facile, instantanée et plaisante », indique Yael Wissner-Levy, vice-président Communication de Lemonade.

La France est son troisième marché européen, après l'Allemagne et les Pays-Bas où la société reste discrète sur ses résultats commerciaux.

Hasard de calendrier, l'autre start-up qui monte (vite), le Français Luko, fondé en 2018, annonce le succès de sa levée de fonds de 50 millions d'euros, un an après une précédente levée de 20 millions. De quoi poursuivre son développement alors que sa promesse de « disrupter » le marché de l'assurance habitation, avec un parcours client simplifié et des prix attractifs a déjà séduit, selon la société, quelque 100.000 assurés. Un nombre multiplié par six en un an ! D'ailleurs, son modèle et son approche marketing est très proche de celui de Lemonade.

Programme "Giveback"

L'offre proposée par Lemonade en France est accessible dès quatre euros de cotisation mensuelle et comprend, selon le communiqué, « une couverture plus étendue que les polices d'assurance disponibles sur le marché français, en plus d'être sans engagement ». Et sa cotation à Wall Street n'a pas remis en cause ses engagements solidaires. La start-up américaine, certifiée B.Corp (un statut proche de l'économie sociale) a, en effet, la particularité de reverser, via son programme Giveback, les fonds non utilisés des cotisations à des associations.

En France, huit associations ont été sélectionnées, dont les Restos du Cœur ou Médecins Sans Frontières. Un moyen efficace également, selon la société, pour lutter contre la fraude, l'assuré étant en principe moins enclin à frauder sachant qu'il défend une bonne cause.

Un modèle économique différent

Lemonade se rémunère sur une commission fixe sur les primes. Ce qui tranche radicalement avec le modèle traditionnel des assureurs, dont les marges sont inversement proportionnelles aux indemnisations versées.

Cette approche « éthique » se retrouve également chez Luko, également certifiée B.Corp, qui prélève 30 % de commissions sur les primes, le solde étant placé dans un fonds commun pour assurer les indemnisations. Si le solde de ce fond est positif en fin d'exercice, il est versé à une association choisie par l'assuré.

Technologie first

« Lemonade est unique car nous nous considérons comme une entreprise de technologie qui fait de l'assurance, et non l'inverse », souligne Yael Wissner-Levy. Un « état d'esprit » qui permettrait à l'assurtech de faire la différence. Dès l'origine, les fondateurs de Lemonade ont pensé leur modèle sur les nouvelles technologiques (algorithmes, IA, chatbots et assistants vocaux, plateforme d'API....), ce que ne peuvent pas faire les assureurs traditionnels, beaucoup plus contraints par leur informatique et la gestion de leurs données.

Tout le parcours client est ainsi piloté depuis l'application mobile et des algorithmes en apprentissage (deep learning) permettent de personnaliser, en quelques secondes, une police d'assurance (un contrat peut être souscrit en moins de deux minutes). La start-up se charge également de la résiliation de l'ancienne police.

Police d'assurance 2.0

Cette même promesse de rapidité se trouve dans la gestion des sinistres, via un chatbot, avec un versement quasi instantané après la déclaration du sinistre. Sur les prix, la start-up reconnaît que ces tarifs ne sont pas forcément les meilleurs du marché ; elle mise davantage sur l'expérience client et les garanties pour faire la différence.

Autre atout, sa simplicité et la transparence de sa police. Le co-fondateur de la start-up, Daniel Schreiber, aimait répéter à ses équipes qu'il avait lui-même du mal à comprendre certaines clauses du contrat qu'il proposait ! D'où l'idée de révolutionner également la rédaction des polices. Ce projet est parti donc d'une approche innovante, en publiant, sous licence libre, une première version, entièrement et régulièrement réécrite, avec une participation en ligne des assurés.

« L'idée est de proposer un document court et compréhensible par tous, en rupture avec les polices denses et séculaires qui dominent toujours le marché, rédigés dans une langue destinée aux avocats et non pas aux consommateurs », explique Yael Wissner-Levy . C

Certaines banques en France ont d'ailleurs tenté de suivre l'exemple, comme Orange Bank qui a « rafraichi » les conditions générales pour améliorer leur lisibilité, notamment auprès de la jeune clientèle.

Nul doute qu'aujourd'hui que cette police 2.0 n'attire l'attention des assureurs qui engagent  des réflexions sur la lisibilité des contrats, à l'aune de la crise de confiance née lors de la crise sanitaire entre assureurs et certains assureurs professionnels. Cette meilleure lisibilité des contrats est d'ailleurs une demande récurrente du régulateur.

Une disruption qui se fait attendre

Mais, pour l'heure, contrairement à l'univers bancaire, la disruption dans l'assurance se fait toujours attendre. L'assurance apparaît même comme l'un des secteurs les plus résilients aux changements des usages et à la digitalisation. Malgré tout, peu de nouveaux acteurs ont encore bouleversé le secteur.

Certes, il existe de nombreuses barrières à l'entrée, notamment réglementaires, même si les mécanismes de réassurance peuvent faciliter l'émergence de nouveaux assureurs. Le principe de mutualisation des risques, fondement même de l'assurance, offre également un avantage concurrentiel aux acteurs historiques qui gèrent des portefeuilles à la fois importants et anciens.

Toutefois, les investisseurs parient sur l'essor rapide de ces start-ups, comme en témoigne la valorisation très élevée de Lemonade en Bourse. Même si aucune assurtech n'est pour l'heure rentable, y compris les plus populaires aux Etats-Unis, comme Oscar (assurance santé). Toutefois, rares sont les néobanques à atteindre également la rentabilité alors qu'elles concentrent désormais près d'un quart des ouvertures de compte.

Luko, Lemonade, mais également Alan (assurance santé), les start-ups semblent se bousculer sur le marché français. Sans compter bientôt une nouvelle assurtech, Nostrum Care, « l'assurance qui rembourse ce que les autres ne remboursent pas ».
Tout un programme.

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Commentaires 3
à écrit le 09/12/2020 à 21:44
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Encore une fois, comme pour les GAFAs, même les journaux sont intoxiqués par les start-up américaines. Est-ce que les européens vont faire comme avec les GAFAs, sous prétexte d'un marketing enchanteur, faire confiance à une start-up américaine qui du...

à écrit le 09/12/2020 à 13:59
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Déjà que c'est pas facile avec les assureurs "traditionnels" en cas de problème pour se faire indemniser correctement, avec un "machin" en ligne, ce sera mission impossible. Ça devrait commencer par des appels facturés (très chers), la première rai...

à écrit le 09/12/2020 à 13:59
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Déjà que c'est pas facile avec les assureurs "traditionnels" en cas de problème pour se faire indemniser correctement, avec un "machin" en ligne, ce sera mission impossible. Ça devrait commencer par des appels facturés (très chers), la première rai...

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