Olivier Goy, l'entrepreneur invincible

A L'AFFICHE - Fin 2020, Olivier Goy, le cofondateur de la fintech October, a appris qu'il était atteint de la maladie de Charcot pour laquelle il n'existe à ce jour aucun traitement. Pour cet entrepreneur passionné, une réalité s'impose : « créer, c'est être en vie », comme « un pied de nez à la mort ». Handicapé par la maladie qui paralyse les membres, Olivier Goy a décidé de libérer sa parole au travers du documentaire « Invincible Eté ». A La Tribune, le chef d'entreprise partage son ambition pour le film, ses combats pour la recherche médicale et les enseignements d'une vie hors norme.
Jeanne Dussueil
Olivier Goy, cofondateur d'October.
Olivier Goy, cofondateur d'October. (Crédits : DR)

Si le jour (ou l'année) de sa mort était connu d'avance, chacun s'imaginerait alors les idées les plus originales et les voyages les plus extraordinaires pour passer ses derniers instants de vie. Olivier Goy, fondateur de la fintech October, à qui l'on a diagnostiqué en décembre 2020 la SLA (Sclérose Latérale Amyotrophique) ou maladie de Charcot, a, lui, choisi de rester derrière son bureau, dans l'entreprise qu'il a cofondé neuf ans plus tôt. Pourtant, cette maladie incurable, contractée par 1.500 personnes par an en France et qui a pour particularité d'enfermer l'esprit dans un corps dont les membres se paralysent petit à petit jusqu'aux poumons, laisse en moyenne entre 3 à 5 ans d'espérance de vie une fois le diagnostic établi.

« Je suis entrepreneur depuis l'âge de 26 ans. Je refuse que la maladie m'enlève toute utilité sociale ! Au contraire, elle m'a ouvert les yeux. Sur la réalité de la vie. Elle m'a permis de voir le monde tel qu'il est », partage à La Tribune celui qui, il y a quelques mois encore, vantait dans les médias avec la pugnacité du startupper « le milliard d'euros prêté à plus de 4.000 PME européennes, au travers de filiales en France, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, et en Allemagne.» De quoi même hisser, en 2017, le numéro un français du financement participatif dans le Top 100 des fintech mondiales avec sa solution de prêts en ligne aux petites et moyennes entreprises, adoubé par le ministre de l'Economie Bruno le Maire et par la Banque européenne d'investissement (BEI). A l'époque, avec Lendix, Olivier Goy voulait « ouvrir une brèche dans le monopole bancaire sur un marché hyper réglementé. »

Aujourd'hui, Olivier Goy a perdu l'usage de la parole. C'est par écrit qu'il répond : « J'ai la chance de pouvoir encore bouger mes doigts. Ma dextérité est limitée mais elle existe. Quand je ne pourrai plus taper, j'utiliserai une commande oculaire », explique celui qui reste présent en tant que président du conseil de surveillance d'October.

« La bonne nouvelle est que mes capacités intellectuelles sont - et resteront - intactes », souligne-t-il.

Ces facultés, il entend toujours les employer pour orienter les décisions d'October, dans un contexte difficile avec la remontée des taux d'intérêts qui assèche le financement des entreprises.

L'ambition internationale

Aussi, à l'heure où les procès en discours « bullshit » sont à la mode dans le monde de l'entreprise, la parole d'Olivier Goy devant ses associés, ses salariés, et partenaires, prend naturellement une dimension toute autre. Olivier Goy l'a bien perçu, et de ce besoin viscéral de continuer à s'exprimer est né le documentaire « Invincible Été »*, sorti le 31 mai et produit par plusieurs sociétés, dont Mediawan (dont l'un des fondateurs est l'entrepreneur Xavier Niel). « Le film sera ensuite diffusé sur Canal+, puis sur une chaîne gratuite.» Et pourquoi pas l'international : « le producteur Mediawan et moi avons envie d'être ambitieux. Plus il sera acheté et vu, plus nous ferons de profits. Et 100% des profits iront à l'Institut du Cerveau », explique celui qui a fait de la recherche médicale un combat. « Pas pour moi, c'est trop tard. C'est pour les générations futures ! », précise ce père de famille. D'ores et déjà, l'entrepreneur a « sécurisé 1,2 million d'euros de financement » pour l'institut. En raison de la faible espérance de vie après le diagnostic, la recherche sur cette maladie, dont souffrait pourtant des personnalités tel le scientifique Stephen Hawking, peine à trouver les fonds.

Conscient d'être « un privilégié » face à cette maladie rare, Olivier Goy fait jouer son réseau et s'invite dans les grandes groupes qu'il énumère « BNP, Natixis, KPMG, Deloitte, Cap Gemini, AIG, CIC AM », pour aller parler du handicap en entreprise, « un sujet tabou », reconnaît le dirigeant de 49 ans. « Les mentalités évoluent. Les grands patrons changent. Comme Arthur Sadoun (qui a partagé sur les réseaux sociaux son combat face au cancer ndlr) chez Publicis », constate-t-il toutefois.

C'est aussi sans tabou qu'il partage les valeurs qui font un grand dirigeant, lui qui veut rester utile aux 110 salariés d'October :

« Avoir les pieds sur terre et être en accord avec soi-même. Je le dis souvent, il faut veiller à ce que l'on prétend être et ce que l'on est vraiment, ne soit pas trop éloigné. Parfois, on a besoin de se mettre en déséquilibre. Mais cela ne doit pas durer trop longtemps. »

« Il ne faut pas penser que la France est un paradis pour les malades »

Aux responsables politiques, dont le président Emmanuel Macron qu'il a rencontré en février dernier, Olivier Goy est prêt à adresser un discours aussi combatif : « Je veux dire à tous que notre système médical et de recherche est à la traîne. Il ne faut pas penser que la France est un paradis pour les malades parce qu'elle remboursait à 100% les tests Covid ! Je ne dis rien de scandaleux, beaucoup de praticiens partagent mon constat. Mais la santé n'est pas un secteur comme les autres. Il dépend beaucoup des politiques. Et, on le sait, les politiques regardent là où les électeurs regardent », cingle-t-il. Son combat a payé, avec le remboursement à 100% des fauteuils roulants en 2024, annoncé par Emmanuel Macron en avril.

Et de lancer un appel : « Dites-leur que la santé et la recherche ne sont pas que des coûts. Ce sont aussi de formidables leviers de création de valeur ! Faisons ensemble de la France une nation en pointe sur la recherche et la santé ! »

Mais la prouesse d'Olivier Goy est sans doute de réussir à faire de son invincibilité un virus contagieux. A ses associés et à d'autres créateurs d'entreprise qui apprennent de son histoire singulière, il leur confie : « N'espérez pas une vie lisse et sans accroc. Préparez-vous plutôt à toujours apprécier la vie, même dans ses difficultés. Et vous serez alors invincible ! »

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* « Invincible Eté » (mai 2023), réalisé par Stéphanie Pillonca. (Voir la liste des cinémas diffuseurs.) Le nom du documentaire est inspiré d'une citation de l'écrivain Albert Camus : « Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été », extraite de l'oeuvre « L'Eté » (1954).

Invincible Eté Olivier Goy

Jeanne Dussueil

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Commentaire 1
à écrit le 16/06/2023 à 8:47
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J'allais venir dire que personne n'est invincible mais j'ai vu un reportage sur lui et en effet lui est vraiment invincible, merci pour cet article et merci à lui d'exposer comme l'humanité peut-être magnifique malgré tout ces financiers qui la salis...

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