L'investissement responsable, une histoire de pionnières

Fonds d'investissement éthique ou spécialisé dans la transition énergétique, agence de notation extra-financière, plateforme d'épargne citoyenne... Derrière ces projets pour une finance plus juste, il y a systématiquement des femmes.
Juliette Raynal
En 1983, sœur Nicole Reille est à l'origine du tout premier fonds d'investissement éthique en France.
En 1983, sœur Nicole Reille est à l'origine du tout premier fonds d'investissement éthique en France. (Crédits : DR)

Maria Nowak, fondatrice de l'Agence pour le droit à l'initiative économique (Adie) démocratise, dès 1988, le microcrédit pour favoriser la réinsertion par l'emploi des personnes n'ayant pas accès au système bancaire classique. Geneviève Férone, crée en 1997 Arese, la première agence de notation sociale et environnementale en France. Nicole Notat quitte, en 2002, ses fonctions de secrétaire générale de la CFDT pour reprendre Arese qui devient Vigeo, une référence dans la notation extra-financière. Sophie Paturle cofonde, en 2005, le fonds de capital-investissement Demeter, spécialisé dans la transition énergétique. Anne-Catherine Husson-Traore cocrée, en 2010, Novethic, le centre de recherche et le média de référence sur la finance durable en France. En juin 2017, deux ans après l'accord de Paris sur le climat, Anne-Claire Roux propulse Finance for Tomorrow, l'initiative de promotion de la finance verte de Paris Europlace. Les fondations d'une finance plus responsable, plus juste et plus durable ont-elles été posées par des pionnières ? Jocelyne Lemaire-Darnaud, réalisatrice du film « Moi, la finance et le développement durable », sorti en 2010, pourrait le confirmer avec un énième exemple.

Investir éthique

Dans le cadre de son enquête, elle a rencontré sœur Nicole Reille, à l'origine du tout premier fonds d'investissement éthique en France, qui a vu le jour en 1983. Économe de la congrégation Notre Dame, cette religieuse devait faire face aux besoins de financement des retraites de ses Soeurs. Au début des années 1980, elle a l'idée de faire fructifier l'argent de la congrégation en le plaçant, mais sous certaines conditions. L'épargne devait ainsi être gérée « en tenant compte des valeurs de justice, de respect de l'homme et de son environnement », explique, sur son site, l'association Éthique et Investissement, née de cette réflexion.

Comment expliquer le rôle clé des femmes dans cette transformation de la finance ? « Statistiquement, on sait que les femmes sont plus averses au risque et plus sensibles aux questions environnementales, sociales ou d'éducation. En revanche, le pourquoi reste une boîte noire. Est-ce une raison culturelle ? Génétique ? Est-ce que cela se joue dans les toutes premières années de vie ou bien plus tard ? On ne le sait pas », répond Tiphaine Saltini, titulaire d'un doctorat en finance comportementale et cofondatrice de la startup Neuroprofiler.

Si aucune étude scientifique n'a permis d'identifier clairement les facteurs de cette sensibilité, quelques pistes expliquant la part plus importante de femmes dans ce secteur de la finance peuvent être avancées. « Pendant très longtemps, les questions de développement durable étaient rattachées aux directions de la communication, voire des ressources humaines, qui sont historiquement des bastions féminins », note Anne-Claire Roux de Finance for Tomorrow.

Lire aussi : Les femmes dans la finance, majoritaires sauf au sommet

L'exigence de la traçabilité

« Le modèle masculin de ploutocratie, qu'incarnent très bien Donald Trump et Boris Johnson, est très répandu dans la finance. Le trader est une figure masculine par excellence. C'est un modèle fossile qui n'est pas pérenne. Il semble logique que son anti-modèle ait été bâti par des femmes », analyse, pour sa part, Anne-Catherine Husson-Traore de Novethic.

Aujourd'hui encore, de nombreuses femmes œuvrent à une finance plus responsable. Judith Hartmann, directrice financière d'Engie, a fait de l'énergéticien le plus gros émetteur d'obligations vertes en 2019. Marine de Bazelaire porte les sujets de développement durable pour l'Europe continentale chez HSBC et Laurence Pessez est directrice de la RSE (responsabilité sociale des entreprises) depuis bientôt dix ans chez BNP Paribas. Devenant centraux, ces sujets liés au développement durable devraient renforcer l'attractivité de la finance aux yeux des femmes, estime Diony Lebot, directrice générale déléguée de Société Générale.

Lire aussi : "En se transformant, la finance devient plus attractive pour les femmes", Diony Lebot (Société Générale)

Eva Sadoun milite quant à elle pour une finance éthique. Du haut de ses 23 ans, elle a créé en 2014 la plateforme de financement participatif Lita.co pour reconnecter l'épargne des citoyens à l'économie réelle en leur permettant d'acheter des obligations « vertes » dans des projets d'énergies renouvelables ou des actions de startups à impact positif et dans l'immobilier social. Lita. co a collecté 30 millions d'euros et vise les 100 millions pour 2020. « Notre rêve est que les particuliers puissent connaître précisément l'impact de leur épargne sur la société », explique cette entrepreneuse militante, pour qui la traçabilité est l'avenir de la finance. La relève semble assurée.

Juliette Raynal

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