Le microcrédit : une arme efficace de lutte contre le chômage

Ce jeudi 17 octobre se tient la cinquième Journée européenne de la microfinance. L’occasion de revenir sur les actions de l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie), pionnière du microcrédit en France. En 2018, elle a permis de créer et maintenir près de 21.000 emplois.
Juliette Raynal
Aux côtés de trois bénévoles, Maria Nowak est la cofondatrice de l'Adie. Son action est profondément marquée par le travail de Muhammad Yunus, le banquier des pauvres, qu'elle a rencontré au Bangladesh alors qu'elle travaillait à l'Agence française de développement (AFD).
Aux côtés de trois bénévoles, Maria Nowak est la cofondatrice de l'Adie. Son action est profondément marquée par le travail de Muhammad Yunus, le "banquier des pauvres", qu'elle a rencontré au Bangladesh alors qu'elle travaillait à l'Agence française de développement (AFD). (Crédits : Adie)

En 2013, Virginie Legrand, professeure d'allemand et de français dans le privé, se retrouve au chômage. L'établissement, dont elle devait prendre la direction dans le cadre d'une promotion, se retrouve en liquidation judiciaire. Plutôt que de patienter jusqu'à la rentrée scolaire suivante, elle décide de saisir cette opportunité pour créer sa propre entreprise de cheffe à domicile. Pour lancer son projet, Virginie Legrand se tourne vers l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie) qui lui accorde un microcrédit de 1.500 euros. Six ans plus tard, elle vit toujours de sa passion "et bien mieux que lorsque j'étais professeure", ajoute-t-elle fièrement.

Cette histoire n'est qu'un exemple parmi tant d'autres bénéficiaires de l'Adie, dont la mission est de permettre à des personnes qui n'ont pas accès au système bancaire traditionnel de créer leur propre entreprise, et donc leur propre emploi, grâce au microcrédit. Cette association, reconnue d'utilité publique en 2005, est née en 1989, sous l'impulsion de la franco-polonaise Maria Nowak profondément marquée par le travail de Muhammad Yunus, le "banquier des pauvres", qu'elle a rencontré au Bangladesh alors qu'elle travaillait à l'Agence française de développement (AFD).

"Personne n'y croyait"

"J'ai d'abord introduit un programme de microcrédit en Afrique, puis en Europe de l'Est. A l'époque, personne n'y croyait. Tous pensaient qu'il ne fallait pas prêter aux pauvres car ils n'étaient pas en mesure de rembourser ni de créer une entreprise, faute d'avoir fait des études", se souvient cette économiste, aujourd'hui âgée de 84 ans, qui fut, entre 2001 et 2003, conseillère spéciale de Laurent Fabius, alors ministre de l'Economie.

Concrètement, grâce à la loi de 2001 "Nouvelles régulations économiques", l'Adie, en tant qu'institution de microfinance (IMF), peut emprunter auprès de banques partenaires pour pouvoir ensuite prêter directement aux personnes exclues du système bancaire classique. Le taux d'intérêt proposé est de 7,53% quel que soit le profil de l'emprunteur ou la nature de son projet. En moyenne, le montant des crédits oscille entre 3.000 et 5.000 euros. "Nous pouvons prêter jusqu'à 10.000 euros. Cela reste des petites sommes car nous nous adressons à des personnes qui ont peu de ressources. L'objectif étant de les sortir du chômage", explique Maria Nowak.

Les femmes se révèlent de très bons entrepreneurs

"45% des personnes à qui nous prêtons sont des femmes. C'est un chiffre supérieur à la moyenne nationale", souligne-t-elle. En France, 39% des entreprises ont été créées par des femmes en 2018, selon l'Insee. "Et 25% des personnes à qui nous prêtons de l'argent savent à peine lire et écrire et elles se révèlent de très bons entrepreneurs", ajoute la fondatrice.

Virginie Legrand reconnaît pour sa part qu'elle aurait pu se tourner vers le système bancaire classique.

"Mais avec l'Adie, vous sortez d'un rapport uniquement financier. J'y ai trouvé une relation plus bienveillante et de l'humanité", explique-t-elle.

Outre l'octroi de microcrédits, l'association propose, en effet, à chaque emprunteur un accompagnement avant, pendant et après la création de son projet via des formations collectives et individuelles.

Plus de 13.000 emplois créés en 2018

Cette approche du "microcrédit accompagné" fait ses preuves :

"Le taux d'insertion est de 84%. Cela signifie que sur 100 personnes à qui nous prêtons de l'argent, 84 ont un emploi par la suite", se félicite Maria Nowak.

Le taux de pérennité des entreprises s'élève quant à lui à 76% au bout de deux ans. "Les personnes à qui nous prêtons sont les mieux préparées à mener tel ou tel projet. Le plus important, c'est qu'elles fassent ce qu'elles ont envie de faire et ce qu'elles savent faire", estime Maria Nowak en prenant l'exemple d'un ancien chômeur aujourd'hui à la tête d'un élevage de chiens, organisateur de courses de traîneaux et à l'origine de cynothérapies pour les enfants. L'Adie, elle, enregistre un taux de perte de 4%. C'est-à-dire que sur 100 euros prêtés, il y en a 4 que l'association ne récupère pas.

L'Adie est aujourd'hui présente sur tout le territoire français, y compris outre-mer. Elle emploie 533 salariés et compte quelque 1.400 bénévoles répartis dans 142 antennes. En 2018, l'association a octroyé 17.701 microcrédits professionnels, un chiffre en hausse de 10% par rapport à l'année précédente, et 5.748 microcrédits mobilité (+ 15,9%) destinés à financer les moyens de locomotion indispensables pour une activité professionnelle. Sur cette même période, les microcrédits professionnels ont permis de créer 13.143 emplois et d'en maintenir 7.710.

"Je pense qu'il y a un champ encore très vaste à couvrir avec le microcrédit. Nous avons octroyé plus de 23.000 prêts l'année dernière. Nous pourrions faire beaucoup plus si nous avions les fonds nécessaires pour l'accompagnement des entrepreneurs. La partie crédit est couverte par les banques, mais celle de l'accompagnement est couverte par 600 institutions différentes. C'est très complexe et cela coûte cher, notamment en temps que l'on pourrait consacrer à l'aide directe", regrette Maria Nowak.

Les ressources de l'Adie proviennent à 56% de subventions publiques (Europe, Etat, collectivités), à 14% du mécénat et à 30% de la marge financière dégagée sur les prêts.

Harmoniser le cadre à l'échelle européenne

En France, l'Adie n'est pas la seule IMF réglementée à proposer des microcrédits. L'association CréaSol, créée en 2005 à l'initiative de la Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse, lutte également contre l'exclusion bancaire. L'encours total des microcrédits de ces deux associations réunies s'élevait en France à 160 millions d'euros en 2018. L'Adie pesant pour plus de 90%. En Europe, l'encours total des microcrédits représentaient environ 3 milliards d'euros en 2017, selon la dernière enquête réalisée par le Réseau européen de microfinance (REM) et Microfinance Center (MFC).

En juillet dernier, dans un livre blanc intitulé "Libérer le potentiel du microcrédit pour une Europe plus inclusive et plus dynamique", Paris Europlace a émis sept recommandations pour favoriser le développement de la microfinance en Europe. Parmi ces propositions : promouvoir une définition commune de la microfinance et du microcrédit dans tous les Etats-membres, converger vers une réglementation harmonisée de la microfinance ou encore renforcer le cadre réglementaire pour l'entrepreneuriat et l'auto-entrepreneuriat et renforcer et diversifier les dispositifs financiers de soutien aux IMF.

Juliette Raynal

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Commentaires 9
à écrit le 13/12/2019 à 14:08
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C'est absolument scandaleux, comment faire de l'argent sur les plus démunis en leur proposant du crédit. Pole emploi est il devenu une agence bancaire ? Prêter de l'argent à des gens qui auront les plus grandes difficultés à rembourser le crédit avec...

à écrit le 19/10/2019 à 11:14
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Cette dame a eu de la chance , elle est tombée sur des personnes qui ont des bagages solides pour la conseiller à l’Adie. Ça dépend , vous avez des fois des personnes qui démarrent sur un poste , elles ne peuvent ni vous entendre ni vous comprendre ...

à écrit le 18/10/2019 à 9:58
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7, 53% tout de meme. On ne se mouche pas avec les doigts

à écrit le 17/10/2019 à 10:54
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C'est marrant du fait du prix nobel de l'économie et de l'article il y a deux jours. Toute la question est dans le taux! Mais pour cela il suffit juste d'avoir la même chose que les crédits a la consommation. La ce sera pour se maintenir a flo...

à écrit le 17/10/2019 à 10:35
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Quand on parle de chômage, on parle de salariat et le "micro crédit" doit n'avoir d'autre but que de les faire disparaître et non pas de créer de futurs versements de salaire!

à écrit le 17/10/2019 à 9:43
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Le microcrédit : une arme efficace de lutte contre le chômage reformulons Le microcrédit et le statut auto-entrepreneurs : une arme efficace pour enraciner les bénéficiaires dans la l'auto-pauvreté et la misère sociale "durable" la France 9 80...

le 17/10/2019 à 11:03
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Encore une personne qui se défoule sur son ennemi politique sans connaître la réalité économique et sociale. Le micro-crédit, comme le statut de micro-entrepreneur (ex auto-entrepreneur) sont des dispositifs qui accompagnent ceux qui veulent créer, ...

le 17/10/2019 à 14:39
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@vive l'industrie "Le micro-crédit, comme le statut de micro-entrepreneur (ex auto-entrepreneur) sont des dispositifs qui accompagnent ceux qui veulent créer, être acteur de leur vie et ne plus attendre passivement une aide de la collectivité". ...

à écrit le 17/10/2019 à 8:48
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C'est pas le micro crédit qui est intéressant c'est la formation qui l'accompagne, parce que cela reste une économie de la misère, les miettes qui tombent de la bouche de nos mégas riches qui se gavent parce qu'il n'y a pas d'alternative il faut que ...

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