La crise bancaire n'est pas encore derrière nous, selon les autorités allemandes

La crise bancaire, qui a éclaté en mars en partant de faillites d'établissements américains, pourrait connaître de nouveaux « à-coups », a prévenu ce mardi le patron du gendarme financier allemand. Pour Mark Branson, la « vigilance » est donc de mise. Il est désormais « crucial » d’en tirer les leçons. Cette crise a rendu les banques plus frileuses pour prêter de l'argent à leurs clients, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis.
Les banques de la zone euro ont durci leurs critères d'octroi de prêts à l'économie au premier trimestre, au rythme le plus élevé depuis la crise de la dette souveraine en 2011.
Les banques de la zone euro ont durci leurs critères d'octroi de prêts à l'économie au premier trimestre, au rythme le plus élevé depuis la crise de la dette souveraine en 2011. (Crédits : Thomas Hodel)

Les récentes faillites de banques aux États-Unis, qui ont fait flancher l'ensemble du secteur, n'ont peut-être pas encore fini d'affecter l'économie mondiale. « Depuis mars, le système financier mondial subit une sorte de test de résistance en temps réel », a déclaré Mark Branson, président de l'organisme Bafin, le gendarme financier allemand. Il fait ainsi référence à la série de faillites de banques régionales américaines et à l'acquisition forcée du Crédit Suisse en déroute par son rival suisse UBS. Si la phase aiguë de cette crise semble passée, « les périodes de stress se produisent généralement souvent par à-coups », a-t-il prévenu devant la presse ce mardi 9 mai.

Lire aussiLes banques régionales américaines sont à nouveau sous la pression des marchés

En zone euro, avec les hausses de taux d'intérêt en cours, les banques profitent de produits d'intérêt en hausse. En revanche, la valorisation d'obligations à leur bilan peut rapidement perdre en valeur lorsque les taux remontent. Ce même phénomène a provoqué la chute brutale de la banque californienne Silicon Valley Bank (SVB). La « vigilance » est donc de mise alors que « les paniques bancaires et les crises de liquidité se produisent de nos jours beaucoup plus vite qu'avant », selon Mark Branson.

Des banques européennes robustes

Le patron du gendarme financier allemand se veut toutefois confiant. Il n'y a « pas de raisons rationnelles pour une crise de liquidité dans les institutions allemandes », a-t-il assuré. Un avis déjà exprimé par le patron de la fédération allemande des banques mi-avril.

« Les banques en Allemagne et dans l'Union Européenne sont toujours extrêmement robustes », et « très bien équipées en fonds propres et en liquidités », avait indiqué Christian Sewing, par ailleurs PDG de la première banque allemande Deutsche Bank.

Pour Mark Branson, il est néanmoins « crucial de tirer les leçons des derniers mois » et de regarder « attentivement si, le cas échéant, où nous devrions renforcer la réglementation, la surveillance » dans l'Union européenne. « Des renflouements gouvernementaux coûteux et impromptus ne peuvent pas être la voie à suivre », a-t-il martelé.

En d'autres termes, sortir les petits instituts défaillants plus vite du marché devrait être possible, selon lui. S'agissant des grandes institutions d'importance systémique, « aucune ne devrait être trop grande pour faire faillite » et être dissoute, a jugé l'ancien patron du superviseur suisse Esma jusqu'en 2021 et qui avait directement le Crédit Suisse sous sa surveillance.

Lire aussiLe patron de Credit Suisse fera partie de la direction d'UBS

Le FMI reste inquiet

Ce mardi, le chef économiste du Fonds monétaire international (FMI) a jugé l'Europe « vulnérable », bien que ses banques semblent « solides ». « L'Europe est vulnérable parce que l'union bancaire n'est pas terminée », a estimé Pierre-Olivier Gourinchas à Paris lors d'une rencontre organisée par l'Association des journalistes économiques et financiers (Ajef).

« On n'a pas encore d'union des dépôts : ça veut dire que la France est responsable de ses propres banques, l'Allemagne est responsable de ses propres banques s'il y a un choc en termes de garantie des dépôts », a-t-il expliqué.

Or « on est en droit de se poser des questions sur la capacité des pays (européens, NDLR) à prendre en charge leurs propres banques si jamais il y avait un choc bancaire important », comme les autorités américaines l'ont fait après les faillites de la SVB, de Signature Bank ou de First Republic. Les marges financières des Etats européens pour voler au secours des banques qui feraient défaut sont limitées, après les importantes dépenses publiques consenties depuis la pandémie de Covid-19.

Le FMI « est quand même un peu inquiet de cette instabilité bancaire, parce qu'une fois que les investisseurs deviennent nerveux par rapport aux institutions financières, il y a toujours la possibilité de mouvements de marché qui s'amplifient et ne soient pas très bien contrôlés », a fait valoir Pierre-Olivier Gourinchas.

Cependant, les banques européennes disposent de « coussins de capitaux plus importants » que leurs homologues américaines et elles se sont soumises aux tests de résistance (stress tests) de manière « plus rigoureuse » qu'aux Etats-Unis, a-t-il tenu à rassurer. « Dans la zone euro, on n'a pas eu de grandes banques qui ont été mises en difficulté ». L'Europe « a des banques plus solides, mais moins d'outils (que les Etats-Unis) pour répondre" à leurs éventuelles difficultés », a-t-il résumé.

Une crise qui durcit l'accès au crédit

Outre-Atlantique, cette crise a rendu les établissements plus frileux pour prêter de l'argent à leurs clients. Ce, dans un contexte où il était déjà devenu plus onéreux d'emprunter de l'argent, la Fed relevant son taux directeur depuis mars 2022 pour faire ralentir la consommation et ainsi lutter contre la forte inflation. La situation ne serait pas prête de s'améliorer. Les banques américaines prévoient en effet de continuer à resserrer l'accès au crédit cette année, selon une enquête publiée lundi par la banque centrale américaine (Fed).

Lire aussiEtats-Unis : l'accès au crédit va encore se durcir pour les ménages et les entreprises (Fed)

Les banques de la zone euro ont, elles aussi, durci leurs critères d'octroi de prêts à l'économie au premier trimestre au rythme le plus élevé depuis la crise de la dette souveraine en 2011, a souligné la Banque centrale européenne (BCE) la semaine dernière. Ce resserrement en cours du robinet du crédit fait suite une décennie d'argent bon marché. Il a été enclenché en réponse à l'envolée des prix dans le sillage de l'offensive russe en Ukraine.

Le milliardaire Warren Buffett dénonce la « communication médiocre » de la crise

Les autorités américaines ont été critiquées pour leur gestion de la crise bancaire. Pour l'homme d'affaires Warren Buffett, elles ont mal géré leur communication autour de cette crise, ce qui explique que la confiance ne soit pas revenue chez les consommateurs américains.

« La communication a été médiocre », selon le fondateur de Berskshire Hathaway. « Elle a été médiocre chez les politiques, qui y ont parfois intérêt. Elle a été mauvaise chez les agences » gouvernementales en charge de la supervision bancaire. « Et elle a été aussi médiocre dans les médias », a-t-il asséné lors de l'assemblée générale de son conglomérat.

Alors que le rachat en urgence de l'établissement régional First Republic par le géant JPMorgan Chase semblait de nature à calmer l'anxiété autour des banques, la semaine a été mouvementée. Plusieurs banques de taille moyenne ont été prises pour cible à Wall Street, en particulier la Californienne PacWest, qui a fondu de 68%, avant de reprendre 82% sur la seule séance de vendredi.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.