Le climat s'invite aux assemblées d'actionnaires de BNP et Société Générale

Des militants écologistes ont posé plusieurs questions sur l'implication des banques dans le financement de projets controversés comme l'oléoduc Dakota Access.
Delphine Cuny
La veille des AG, des militants d'ONG, dont les Amis de la Terre, ont organisé un happening devant une agence de la Société Générale à Paris, contre le financement de projets d'oléoduc ou de gaz naturel liquéfié affectant les populations autochtones.

Les assemblées générales d'actionnaires constituent chaque année une tribune et une caisse de résonance inespérées pour des associations et défenseurs de cause. Ce mardi, un groupe d'ONG écologistes a profité de la tenue le même jour des AG de BNP Paribas, le matin, et de la Société Générale, l'après-midi pour donner de la voix sur le thème du climat. La veille déjà, des militants, notamment des Amis de la Terre, avaient organisé un happening devant une agence de la Société Générale à Paris, boulevard Malesherbes, contre le financement de projets d'oléoduc ou de gaz naturel liquéfié affectant les populations autochtones, en particulier le controversé Dakota Acces Pipeline (DAPL). Des chefs de tribu indiens avaient même fait le déplacement.

D'un coût de 3,8 milliards de dollars, le projet d'oléoduc, qui doit être mis en service dans quelques jours, a été financé par 17 banques, dont plusieurs françaises, BNP, Crédit Agricole, Natixis et Société Générale, à hauteur de 120 millions chacune sur un prêt global de 2,5 milliards de dollars. Les membres de la tribu Sioux de Standing Rock jugent que la construction de la dernière section de l'oléoduc sous le lac artificiel Oahe menace les nappes phréatiques et des terres indiennes sacrées, comme l'explique Juan Mancias, le chef de la tribu Estok'k Gna dans un courte vidéo des Amis de la Terre.

Retrait de la BNP du DAPL

Début avril, la BNP a justement annoncé la vente de sa part de 120 millions dans le prêt, "suite à une réévaluation du projet prenant en compte des éléments nouveaux, résultant notamment de la consultation des parties prenantes concernées", emboîtant le pas de la banque norvégienne DNB et de la néerlandaise ING.

A l'AG, mardi matin, le directeur général de la BNP, Jean-Laurent Bonnafé a cependant été interpellé sur le sujet.

"BNP a vendu sa part, mais vous pourriez faire beaucoup mieux comme la banque ING qui a arrêté de financer les entreprises impliquées dans le Dakota Access Pipeline" a lancé Lucie Pinson, la chargée de campagne finance privée des Amis de la Terre France, qui l'a enjoint de cesser de financer des oléoducs et plus généralement des énergies fossiles.

Le patron de la première banque de la zone euro en termes d'actifs a promis que le sujet serait examiné "très sérieusement, avec le temps nécessaire" :

"Nous sommes en train de regarder ces projets et de les évaluer. Nous ne financerons pas les projets qui, du point de vue du climat, ne sont pas convenables. Si besoin nous en sortirons, soit projet par projet, soit par classe d'actifs."

Il n'est pas pour autant question de cesser tout financement aux groupes d'énergie même encore investis dans les mines à ciel ouvert. Interrogé sur celui d'une centrale à charbon en Pologne, Jean Lemierre, le président du conseil d'administration de BNP Paribas, a répondu :

"Nous demandons à nos clients d'avoir une stratégie de réduction de la part du charbon au moins en ligne avec les engagements de l'UE. Nous avons décidé de diminuer notre soutien à certaines entreprises polonaises et refusé de participer à une émission obligataire. C'est une question de transition, par définition c'est progressif" a-t-il plaidé.

Fin des financements carbonés à la SG

Rebelote en fin d'après-midi, à l'AG de la Société Générale, à la Grande Arche. Priée de sortir du projet Dakota Access, la banque de La Défense a répondu sans ambages, par la voix de son directeur général délégué et patron de la banque de financement, Didier Valet :

"En effet, nous sommes une des 17 banques ayant financé le pipeline, dont les premières gouttes de pétrole doivent couler d'ici à la fin mai. Nous avons demandé un audit mesurant son impact sur les populations autochtones qui a été remis en début d'année. Les Principes de l'Equateur ne sont peut-être pas suffisants pour des pays comme les Etats-Unis" a-t-il estimé. "Nous avons demandé avec d'autres membres de l'association des Principes de l'Equateur de faire évoluer rapidement le cadre d'évaluation des risques, en ligne avec les meilleures pratiques internationales.

Nous aurions pu vendre notre participation, comme l'ont fait d'autres banques, mais c'est un peu se chercher une excuse" a-t-il objecté.

Interrogé sur les financements d'autres projets contestés par les écologistes, Didier Valet a plaidé que :

"Le gaz naturel liquéfié est une énergie moins carbonée que les d'autres énergies fossiles, et très recherchée par les énergéticiens dans le cadre de leur transition énergétique. Etre financier de ce type de projet n'est pas contraire à nos principes, voire est favorable à cette transition énergétique."

Ce qui n'est pas le cas du charbon. Or la Société Générale a financé un projet de centrale en République dominicaine, à Punta Catalina.

"Ce projet a été mis en place avant notre changement de politique sur le charbon", à savoir la décision d'arrêter de financer tout projet carbone à partir de 2017 prise en octobre 2016. "Il y a des faits de corruption qui pèsent sur l'entreprise opératrice du projet : tous les tirages bancaires sont suspendus à ce stade. En fonction des résultats de l'enquête, il est possible que ce prêt ne soit pas déboursé."

Delphine Cuny

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