Quand l'intelligence artificielle peut anticiper les décisions des banques centrales

Des chercheurs sont parvenus à déceler, dans le comportement du gouverneur de la Banque du Japon en conférence de presse, les signes annonciateurs d'un changement de politique monétaire.
Jean-Christophe Catalon
De gauche à droite, le gouverneur de la Banque du Japon Haruhiko Kuroda, la présidente de la Fed Janet Yellen et le président de la BCE Mario Draghi, lors de la réunion des banquiers centraux à Jackson Hole en août dernier.

Il n'est pas meilleur maître en l'art de la langue de bois qu'un président d'une banque centrale. Après chaque réunion du Conseil des gouverneurs, où des décisions de politique monétaire sont prises, le responsable de l'institution se présente devant la presse pour en soumettre les conclusions. Dans sa restitution, il se livre à un exercice de communication, savant mélange d'annonces prudentes et d'insinuations.

La raison ? Le moindre effet de surprise peut conduire à des mouvements importants sur les marchés et, à l'heure où la reprise économique émerge enfin mais demeure fragile, les banquiers centraux sont tenus de prendre toutes les précautions.

A la fin de chaque rendez-vous, les analystes et la presse s'engouffrent dans un vaste travail d'interprétation et de spéculation. Pour leur faciliter la tâche, des chercheurs commencent à mettre au point des technologies capables de décrypter les messages implicites.

Expressions faciales du gouverneur de la Banque du Japon

La première expérience a été menée par deux chercheurs japonais, l'un travaillant pour le financier Nomura Securities, l'autre pour le géant américain de la tech Microsoft.

Grâce à l'intelligence artificielle, ils ont passé au crible les expressions faciales du gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), Haruhiko Kuroda, raconte Reuters. Résultat, les deux chercheurs ont repéré de brefs signes de "colère" et de "dégoût" sur le visage du dirigeant, lors des conférences de presse qui ont précédé deux grandes annonces de politique monétaire, en janvier et septembre 2016.

Ces réactions physiologiques montraient que Haruhiko Kuroda sentait les limites des politiques existantes six ou sept semaines avant que la banque centrale ne décide de les changer, selon les deux chercheurs japonais.

Ces derniers ont utilisé le logiciel "Emotion API" de Microsoft pour réaliser cette première expérience et comptent bien la poursuivre en analysant le comportement des homologues de Haruhiko Kuroda : Janet Yellen (Fed) et Mario Draghi (BCE) en tête.

La boj entend maintenir sa politique ultra-accommodante

Le gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), Haruhiko Kuroda (Crédits : Reuters).

Du plus "colombe" au plus "faucon"

Une autre technologie s'est intéressée, non pas aux expressions faciales, mais aux déclarations des prétendants à la présidence de la Réserve fédérale (Fed). Le président américain, Donald Trump, doit donner le nom du successeur de Janet Yellen d'ici au 3 novembre.

Les chercheurs de Prattle, une société spécialisée dans l'opinion mining (ou analyse des sentiments) des banques centrales et des entreprises, a analysé plus de 600 textes (discours, interviews, etc.) dans lesquels les candidats commentent la politique monétaire, selon le Financial Times.

A partir d'une analyse sémantique, les chercheurs ont donné une note à chaque candidat. Ils les ont ensuite classés du plus "colombe" (dovish en anglais) au plus "faucon" (hawkish), autrement dit du plus favorable à une politique de taux bas pour stimuler l'activité économique, au plus favorable à une hausse des taux pour maintenir la stabilité des prix.

L'analyse en conclut que le gouverneur Jerome Powell est le plus "dovish", ce qui ne surprend pas tant il a soutenu la politique de taux bas de l'actuelle patronne de la Fed, Janet Yellen. En revanche, le conseiller économique de Donald Trump, Gary Cohn, est défini comme le plus "faucon", alors que les experts s'accordent à le classer parmi les "colombes". En réalité, Gary Cohn s'est très peu exprimé sur le sujet, seulement 10 documents le concernant ont été analysés, ce qui n'est pas suffisant pour lui attribuer une position reflétant effectivement sa pensée. Il reste encore des progrès à faire donc, mais nul doute que ce type de technologie devrait intéresser les investisseurs qui font déjà appel au big data pour prendre leurs décisions.

An interesting graphic depicting #Fed chair candidates from dovish-to-hawkish@prattledata @biancoresearch @FT pic.twitter.com/m7CYebLAVH

— Liz Ann Sonders (@LizAnnSonders) 20 octobre 2017

| Lire aussi : Fed : qui sont les cinq prétendants à la présidence ?

Jean-Christophe Catalon

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Commentaire 1
à écrit le 24/10/2017 à 19:19
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faut quand meme pas oublier que pendant la campagne presidentielle francaise , tout le monde s'est gausse des methodes bigdata qui avaient decele la montee du fn ( ce qui soit dit en passant etait plus qu'evident via d'autres methodes...), puis const...

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