Comment Paris va prendre l'initiative de relancer l'Europe de la défense

La France réunit ce jeudi à Paris les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de cinq pays (Allemagne, Pologne, Italie, Espagne et France) dans le cadre du projet Weimar Plus. Les dossiers opérationnel, capacitaire et industriel seront à l'ordre du jour. Les cinq pays veulent relancer l'Europe de la défense par des projets concrets.
L'A400M, le programme emblématique de la coopération européenne en matière d'armement Copyright Reuters

L'Europe de la défense est l'une des priorités de Jean-Yves Le Drian. Et le ministre de la Défense mouille son maillot pour tenter de convaincre de la pertinence de sa vision. C'est dans cet esprit qu'il co-organise avec le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, l'initiative spectaculaire de réunir les cinq ministres de la Défense et les cinq ministres des Affaires étrangères de la structure "Weimar Plus" (France, Allemagne, Italie, Pologne et Espagne). Les pays de "Weimar Plus" se sont accordés "sur l'objectif de relancer l'Europe de la Défense sur des projets concrets", explique-t-on de source proche du dossier à "latribune.fr". Un texte dont la nature reste encore à définir sera très certainement publié à cette occasion afin de ranimer cette ambition.

Une intervention au Mali fin décembre ?

Trois volets seront à l'ordre du jour de cette réunion: un volet opérationnel, un volet capacitaire et un volet industriel. "Il n'y aura pas le 15 novembre de décisions sur tel ou tel projet", précise-t-on, à l'exception du volet opérationnel pour lequel les cinq pays pourraient s'engager sur une mission européenne d'entraînement des forces africaines au Mali, qui pourrait mobiliser 200 militaires. Mais au-delà du Mali, les cinq pays vont réfléchir sur comment l'Europe dans son environnement actuel peut coopérer plus étroitement sur le plan opérationnel. Cela vaut aussi bien sur la lutte contre la piraterie que sur de futurs conflits.

Le ministre de la Défense s'est personnellement impliqué dans le dossier du Mali. Il s'est le 27 septembre à la réunion des ministres de la Défense de l'Union européenne, pour demander l'organisation d'un dispositif de soutien européen, "dans lequel la France jouerait un rôle majeur pour des raisons tenant à l'histoire comme à son positionnement actuel". Cette proposition avait été retenue. Pour des raisons climatiques, les opérations doivent se dérouler "avant le début du mois de janvier prochain, sous peine d'être repoussées à l'automne suivant, ce qui laisserait toute latitude aux groupes fondamentalistes pour descendre plus bas encore. Le calendrier est donc serré", avait expliqué, début octobre, le ministre de la Défense.

Pourquoi "Weimar plus" ?

Le format  "Weimar Plus" est "un bon moyen d'afficher une masse critique susceptible de rallier sur la question de la relance de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) d'autres nations européennes, comme la Suède ou la Finlande", estime le directeur chargé des affaires stratégiques (DAS) du ministère de la défense, Michel Miraillet. Et de préciser que ces "deux derniers pays, comme l'Italie, sont aujourd'hui des promoteurs fervents de la relance européenne même s'il ne faut pas se faire d'illusion sur les moyens que tous ces partenaires peuvent aujourd'hui consacrer à un tel projet".

L'objectif est de créer une masse centrale. Même si, je le répète, nous ne nourrissons pas de faux espoirs sur la volonté de certains de nos partenaires", explique le patron de la DAS Au sein du cabinet du ministère de la Défense, on considère que "Weimar Plus" est le "bon outil pour animer" l'idée de l'Europe de la Défense. "J'entends de plus animer les deux cadres de collaborations - Lancaster House et Weimar - de concert, car ils ne sont pas contradictoires à mes yeux. La France est le seul pays à être engagé dans les deux processus", avait d'ailleurs expliqué, début juillet, Jean-Yves Le Drian.

Et les Britanniques ?

Paris ne veut pas mettre hors jeu les Britanniques. En dépit de leurs "réticences bien connues", à l'idée de l'Europe de la défense, la France a "une politique de transparence" à leur égard, explique Michel Miraillet. Ainsi, Londres s'est récemment opposé à Paris, Berlin et Varsovie sur le dossier du quartier général opérationnel (OHQ), qui pourrait être un jour un centre de planification et de commandement militaire pour les opérations de l'Union européenne (UE). Et pourtant "les Américains y seraient favorables », rappelait de son côté Jean-Yves Le Drian.

Pour autant, Londres semble plus à l'aise dans les relations bilatérales, notamment avec la France. La Grande-Bretagne "ne s'est pas opposée à ma proposition d'étendre la collaboration dans le domaine des forces conventionnelles à trois, voire à quatre partenaires dans certains domaines", avait rappelé Jean-Yves Le Drian en juillet dernier. "Nous devons être pragmatiques, du fait que, depuis de nombreuses années, notre relation avec les Britanniques repose sur la solidarité dans le combat, ce qui crée des liens, de la fidélité et de la compréhension dans les échanges. C'est toutefois resté insuffisant jusqu'à présent pour passer à la mutualisation des objectifs capacitaires bien identifiés à Lancaster House", avait pourtant souligné le ministre de la Défense.

Une Europe de la Défense ?

Outre les Allemands, "les Italiens eux aussi sont demandeurs d'une coopération plus approfondie, d'autant que leur industrie de Défense est loin d'être négligeable, sans oublier les Polonais et les Espagnols", avait fait valoir en juillet le ministre, qui expliquait que "notre pragmatisme doit avoir un objectif : construire l'Europe de la Défense. Les Allemands et les Italiens viennent de faire des déclarations en ce sens". Selon Michel Miraillet, "les initiatives trouvent également une illustration dans le domaine des capacités. J'en veux pour exemple le lancement avec les Allemands et les Néerlandais d'une initiative portant sur l'acquisition et l'emploi de ravitailleurs". A ce titre, Jean-Yves Le Drian a estimé que "la question des ravitailleurs (en France, ndlr) pourrait être traitée dans le cadre d'une mutualisation européenne". Au-delà, les cinq pays de "Weimar Plus" vont évoquer jeudi sur le principe d'un "socle industriel européen" avec l'objectif qu'il soit "pérenne et compétitif", explique-t-on à La Tribune.

"La question de l'Europe de la défense se pose avec d'autant plus d'acuité que le contexte est difficile pour tous les pays", a souligné en octobre devant les députés de la commission de la défense Jean-Yves Le Drian pour défendre son budget. Et de souligner qu'aujourd'hui, "avec nos amis européens, nous avons l'obligation d'être ambitieux et imaginatifs. La mutualisation est plus que jamais l'une des pistes pouvant nous permettre de résoudre l'impossible équation entre la situation géostratégique et la situation budgétaire".

Un déclassement de l'Europe ?

Pour Jean-Yves Le Drian, l'Europe de la défense est un moyen de lutter contre "un risque de déclassement stratégique global" du Vieux Continent. "Notre pays doit peser de tout son poids pour relancer l'Europe de la défense. Je m'y emploie mais je ne vous cacherai pas que c'est difficile du fait que, contrairement à moi, mes homologues ne voient pas dans cette perspective de déclassement stratégique de l'Europe un enjeu majeur", regrettait-il. Pour lui, "les contraintes budgétaires représentent peut-être une chance pour l'Europe de la défense car il faut éviter que l'Europe ne connaisse un déclassement stratégique. Telle est notre responsabilité commune. La France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et que puissance européenne importante, doit porter cette volonté".

Pour autant, l'Europe qui désarme alors que dans un même temps la Chine montre toute sa puissance en Mer de Chine, est-elle à même d'être le bon vecteur pour la protection des Européens? Car "des pays aussi importants que l'Espagne et le Royaume-Uni ont décidé des coupes sévères, voire brutales dans leur budget de défense  (il en est de même de la Belgique et des Pays-Bas). Nous n'en sommes pas là", a rappelé le ministre. Mais selon lui, "il va de soi que, dans ce contexte, on ne peut que souhaiter l'accélération de la mutualisation de nos moyens au sein d'une Europe de la défense".

Et la France ?

Contrairement à l'Europe, pas de risque de déclassement de la France, affirme Jean-Yves Le Drian. "La France garde toute sa crédibilité en matière de défense grâce à sa force de dissuasion", a-t-il précisé devant les députés. "Nous sommes au deuxième rang des pays européens, y compris en pourcentage du PIB - 1,8 % pensions comprises. C'est un demi-point au-dessus de l'Allemagne. Nous devons poursuivre le nôtre tout en favorisant le partenariat avec nos partenaires européens. C'est à cette seule condition que notre défense sera en mesure de répondre aux menaces futures. En effet nous ne pourrons pas y arriver tout seul, nos voisins non plus". A l'image de la mutualisation des avions ravitailleurs...

Pour autant, le chef d'Etat-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, estimait que la France était en train de baisser les bras. "L'effort de défense était, aux normes OTAN - c'est-à-dire hors pensions et hors gendarmerie -, de 2 % du PIB en 1997, avant de se stabiliser ces dix dernières années entre 1,6 % et 1,7 %. En 2012, il est de 1,55 %. À l'horizon de 2015, il dépassera à peine 1,3 %. Compte tenu de la situation des finances publiques, le modèle en vigueur n'est plus soutenable. Nous devrons donc penser autrement".
 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 31
à écrit le 17/11/2012 à 16:47
Signaler
Bonjour, il nie a pas de défense européen et il nie en aura avant bien longtemps. Car pour cela ils fraudaient que beaucoup (anglais et pays nordique) ne repose pas leur volonté derrière une OTAN totalement soumisse a la volonté des américains. Ens...

à écrit le 13/11/2012 à 0:21
Signaler
Il paraît difficile d?envisager une autonomie pour la défense européenne, sachant que pratiquement toutes les tentatives ont été torpillées et que nos finances publiques et notre industrie ont payé un lourd tribut aux dernières guerres du Moyen-Orien...

à écrit le 12/11/2012 à 18:48
Signaler
Le projet WEIMAR Plus...Pas un bon titre , ça rappelle des mauvais souvenirs WEIMAR... La Russie réarme et modernise, la Chine a plus que des ambitions territoriales et maritimes. CED...et si nous nous occupions d'abord de nos fesses! L'Europe, on v...

à écrit le 12/11/2012 à 18:48
Signaler
Le projet WEIMAR Plus...Pas un bon titre , ça rappelle des mauvais souvenirs WEIMAR... La Russie réarme et modernise, la Chine a plus que des ambitions territoriales et maritimes. CED...et si nous nous occupions d'abord de nos fesses! L'Europe, on v...

à écrit le 12/11/2012 à 17:24
Signaler
L europe de la defense c est l arlesienne !!!personne n y croit car qui donnera des ordres à cette armée??et parler defense européenne c est faire passer la pillule d une diminution des credits des armées de la france !!!ca fait plus de 30 ans qu on...

à écrit le 12/11/2012 à 16:03
Signaler
Une défense commune ne peut être mise en place que par un gouvernement fédéral européen. Nous en sommes loin. D'ici là, il faut reconnaître que toute intervention européenne a nécessité et nécessitera le soutien de l'OTAN. Les partenaires éventuels d...

à écrit le 12/11/2012 à 14:33
Signaler
La Russie réarme à toute vitesse, les pays du sud de la Méditerranée sont en révolution et ne sont pas encore passés en phase expansionniste( à part les Libyens qui continuent la guerre en.. Syrie), la Turquie devient chaque jour plus forte par son i...

le 12/11/2012 à 18:50
Signaler
Une petite armée contrôle un petit territoire, la France est un petit territoire, il lui faut une armée ad hoc.

le 12/11/2012 à 22:45
Signaler
@ JB38: vous oubliez que la France possède la 2ème ZEE derrière les USA...

à écrit le 12/11/2012 à 14:13
Signaler
Comment faire confiance à l'Armée sachant que le Ministère de la Défense peine depuis presqu'un an à payer ses soldats. Le Ministère aurait-il changé de logiciel informatique et aurait-il recruté ses informaticiens au pays de Dracula? Il paraît que ...

à écrit le 12/11/2012 à 12:03
Signaler
Une vraie armée europeene serait surement le moyen de resoudre de nombreux problemes ! une caisse de guerre commune, un uniforme commun ! . Bruxelles a deja une armée de fonctionnaires européens. Alors pourquoi pas une vraie armée des...

le 12/11/2012 à 12:24
Signaler
C'est pas faux mais il faudrait avoir une politique commune de défense (ce n'est pas gagné) et des intérêts communs, genre la France et la GB interviennent en Libye et pas l'Allemagne. Comment fait-on ? Unanimité ou majorité ? Très compliqué de mettr...

le 12/11/2012 à 14:05
Signaler
Totoff a mis le doigt dessus, le veritable probleme, c'est celui de la diplomatie europeene... qui decide d'engager nos troupes avec quels moyens etc. quelle est lq politique etrangere de l'europe? Et avec quel budget? Enfin on voit que meme au nivea...

le 12/11/2012 à 18:55
Signaler
L'Europe n'est qu'un assemblage de vieux pays et il est heureux qu'il en soit ainsi encore longtemps. Que chacun de ces pays s'occupe de sa propre défense et s'offre l'armée qui lui est nécessaire. Qu'adviendrait-il en cas de conflit si on devait tr...

à écrit le 12/11/2012 à 11:53
Signaler
cinq pays (outre la France, Allemagne, Pologne, Italie et Espagne)...outre signifiant "En plus de, en sus de, indépendamment de quelque chose" ... quels sont les cinq autres pays ??! ... ou alors, Mr CABIROL, merci de rectifier votre phrase !! ;-)

à écrit le 12/11/2012 à 10:45
Signaler
Ce reportage contraste le discours nécessairement précis des militaires, avec celui des politiciens qui peut relever d'une fantaisie poétique. M. Le Drian sait bien que le coût des pensions ne doit pas être pris en compte dans la comparaison des budg...

à écrit le 12/11/2012 à 10:43
Signaler
A la vitesse ou nous nous désarmons,j'espère que Andorre ne va pas nous attaquer .

à écrit le 12/11/2012 à 10:37
Signaler
Pour les Polonnais c'est plutot avec les Americains. Que cherchent t'ils a Paris? et en Europe?

le 12/11/2012 à 12:35
Signaler
Des subventions pour acheter plus de matos US !!

à écrit le 12/11/2012 à 9:56
Signaler
avec quels moyens?

le 12/11/2012 à 10:05
Signaler
pas d'initiatives. La diversion ne cachera pas l'incohérence de cette présidence et du gouvernement.

à écrit le 12/11/2012 à 9:20
Signaler
illusions de la république hollandaise ! *******************************************Les dirigeants hollandais sont prétentieux et sans moyens réels !

le 12/11/2012 à 10:44
Signaler
n'avait pas plus de moyen quand il voulait relancer le deuxième porte avion, ni les moyens d'équiper convenablement nos soldat en Afghanistan. Il faut arrêter de tirer un boulet rouge sur Hollande.

à écrit le 12/11/2012 à 9:11
Signaler
"Pour autant, Londres semble plus à l'aide dans les relations bilatérales, notamment avec la France." Avec l'aide des correcteurs bénévoles...

le 12/11/2012 à 11:45
Signaler
Merci pour votre vigilance. Bonne journée. Michel Cabirol

à écrit le 12/11/2012 à 8:24
Signaler
L'Europe de la défense, c'est un serpent de mer !!! Qui va croire que la France va la relancer alors qu'elle a mis ses armées au régime maigre ? Nous n'aurons même pas de second porte-avions ! Les Rafales sont achetés au compte-goutte ! Des milliers ...

le 12/11/2012 à 8:38
Signaler
On peut rêver, mais si l'Europe avait une armée commune à la place de plusieurs armées nationales, elle aurait plus d'équipements et de matériels avec les économies d'échelle permises (ne serait-ce que sur la partie administrative et "bureaucratie" t...

le 12/11/2012 à 10:10
Signaler
Il est assez raisonnable de penser qu'une armée paneuropéenne serait largement plus crédible que des confettis d'armées mis au régime sec dans chacun des pays de la zone. Mais pour cela, il faudrait , encore une fois, que nos chères élites de tous po...

le 12/11/2012 à 13:52
Signaler
Vous avez tout à fait raison, mais une armée paneuropéenne, c'est pour dans combien d'années-lumières ? Ce n'est pas notre procastinateur national "président-normal" éternel atermoyeur qui l'instituer !!!

le 12/11/2012 à 14:19
Signaler
Bien d'accord avec Tartarin, (le système Louvois a bon dos - il n'y a juste plus de trésorerie), Alors que la France continue de plier devant l'administration européenne, ayant progressivement renoncé aux différents aspects de sa souveraineté, comme...

à écrit le 12/11/2012 à 7:29
Signaler
A crédit puisque'on n'a pas de sous.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.