Aéronautique : la sous-traitance plie mais ne rompt pas

Forte hausse des cadences de production, réduction des prix, investissements... Depuis la fin de l'été dernier, Airbus et Boeing ont mis sous tension la sous-traitance aéronautique.
Michel Cabirol
Airbus achète environ pour 8,4 milliards d'euros chez les sous-traitants français

L'année 2016 sera un cap difficile à passer pour les PME et équipementiers aéronautiques. Depuis la fin de l'été dernier, la fameuse supply chain a été fortement mise sous tension par Airbus et Boeing. La poursuite de la forte montée en cadence prévue par les deux avionneurs conjuguée à des réductions de prix exigées par le duopole fait aujourd'hui plier la sous-traitance. D'autant que les programmes en phase de décollage comme l'A350 ne compensent pas intégralement pour le moment la baisse de cadence d'appareils matures et rentables à l'image de l'A330. C'est pour cela que le président du comité des PME au sein du Gifas, Bertrand Lucereau, se dit "inquiet" pour 2016.

"Nous suivons un cycle un peu différent de celui des avionneurs et des plate-formistes. Nous avons un léger creux alors que nous sommes en phase d'industrialisation, nous sommes donc dans un contexte d'activité un peu moins florissant", avait expliqué en début d'année le vice-président de l'équipementier du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), Emmanuel Viellard.

Chez Airbus, qui achète environ pour 8,4 milliards d'euros chez les sous-traitants français (sur 32,7 milliards), on prévoit par exemple de sortir trois A320 par jour (voire 3,2), contre 2,5 actuellement. "Nous avons identifié des fournisseurs de rang un qui n'ont pas assuré, reconnait-on chez l'avionneur. Il y a effectivement des tensions". Pour autant, Airbus et Boeing ont aujourd'hui une assez bonne maîtrise de leur supply chain même s'ils ne sont pas à l'abri d'un accident industriel tel que Zodiac, qui a provoqué la colère de l'avionneur européen.

Les petits avionneurs sous pression

Mais d'autres avionneurs plus modestes ne peuvent pas autant peser que les deux grands du secteur, capables de faire la pluie et le beau temps chez leurs sous-traitants. Ainsi, l'avionneur franco-italien ATR a raté son objectif de livraisons en 2015 en raison d'une petite poignée de fournisseurs en retard. Le constructeur de turbopropulseurs (50-80 sièges) n'a livré que 88 appareils au lieu de 95 espérés début 2015. "Sans ces retards, j'aurai livré un peu plus de 90 appareils", a reconnu le président exécutif d'ATR, Patrick de Castelbajac, lors du bilan commercial de son groupe.

Pourquoi de tels retards? "Notre propre montée en cadence est déjà un challenge pour certains de nos fournisseurs, explique le patron d'ATR. Nous avions certains d'entre eux qui étaient dimensionnés pour fabriquer une cinquantaine d'appareils, puis nous sommes passés de 50 à 70 livraisons, puis de 70 à 90. C'est difficile pour eux". En outre, certains fournisseurs, rappelle-t-il, donnent la priorité à la montée en cadence d'Airbus et de Boeing. "Oui c'est aussi un facteur limitant", explique-t-il. Confrontés à un secteur en croissance, les sous-traitants ne peuvent pas toujours suivre le rythme de tous les avionneurs et arbitrent en faveur des gros.

Guerre de prix entre Airbus et Boeing

Selon Airbus, Boeing s'est également lancé dans une guerre des prix féroce sur la gamme des monocouloirs de l'actuelle génération. Du coup, l'avionneur européen a notamment demandé à ses fournisseurs de réduire leurs prix de 10% sur l'A320 d'ici à 2019 dans le cadre du programme d'économies SCOPe. "La bataille contre Boeing se gagne également sur la compétitivité industrielle, explique-t-on chez Airbus. On demande forcément des baisses de prix à nos fournisseurs mais on est là pour remettre de la compétition dans le système. Il faut gagner en efficacité".

"Les sous-traitants râlent parce qu'on leur demande de baisser les prix. Mais il faut savoir qu'on leur donne de la visibilité industrielle et plus de volume. L'effort doit être partagé pour gagner en compétitivité face à Boeing et... en profitabilité", précise une autre source chez Airbus. Les résultats de 2016 seront les juges de paix...

Michel Cabirol

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Commentaires 5
à écrit le 09/02/2016 à 12:02
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Encore une fois on ne parle que de la production, qui se porte on ne peut mieux avec un carnet de commande assuré pour les 10 années à venir. Quid de l'ingeniérie ? Avec l'absence de nouveaux programmes en développement sous-traitants sont dans le...

le 09/02/2016 à 13:12
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+1000 Situation tellement Vraie !

le 09/02/2016 à 13:28
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La situation que connait l'ingénierie était annoncée depuis longtemps. J'ai travaillé 9ans en ingénierie pour Airbus, j'ai connu les joies de la sous-traitance... Ça s'est terminé par des licenciements économiques fin 2014. Mais comme toute personn...

à écrit le 09/02/2016 à 10:24
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Bonjour, Attention sur les rythmes de productions de l'A320. Nous sommes aujourd'hui à 42 appareil par mois, soit 2 par jours TRAVAILLES ce qui est assez différents de 2,5 par jours. Et il est prévu 60 appareils par mois en 2019 soit 3 là encore ...

à écrit le 09/02/2016 à 9:09
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Voilà bien des problèmes de riches ! Bon nombres de sous traitants aimeraient bien être surbookes de travail de la sorte.

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