Quelques jours après le projet Volcan, Airbus vient de poser un nouveau jalon dans ses projets de décarbonation du transport aérien. Le constructeur européen vient de réaliser un vol de démonstration grandeur nature au-dessus de l'Atlantique dans le cadre de Fello'Fly. Basé sur le biomimétisme, celui-ci consiste à faire voler des appareils commerciaux en formation à la manière des grands oiseaux migrateurs. Lancé en 2019 au sein d'Airbus UpNext, ce projet pourrait permettre aux appareils long-courriers de réduire leur consommation de carburant et donc leurs émissions de CO2.
Deux A350, les appareils d'essais MSN1 et MSN59, se sont ainsi envolés le 9 novembre de Toulouse pour rejoindre l'aéroport international Montréal-Trudeau, au Canada. Le premier s'est placé en tête, tandis que le second s'est positionné dans son sillage avec un léger écart latéral à l'image des formations en V observées chez les oies, si ce n'est qu'ils ont dû respecter une séparation longitudinale de trois kilomètres. Par ce positionnement, l'avion suiveur a pu récupérer l'énergie de sillage produite par l'avion de tête et profiter du courant ascendant d'air doux créé. Cela lui a permis de réduire la poussée de ses moteurs et donc sa consommation de carburant.
Airbus estime que 6 tonnes de kérosène ont pu être économisées au cours de cette traversée de près de 6.000 km. Le constructeur estime que cela confirme ses projections, à savoir une réduction de la consommation de carburant de plus de 5% pour un vol long-courrier. Lors de la présentation du projet en 2019, Airbus parlait davantage de 5 à 10%. Ce chiffre ne concerne en tout cas que le ou les avion(s) suiveur(s), l'avion de tête ne tirant aucun bénéfice.
Deux A350 dans le trafic régulier
Les deux appareils ont évolué selon les règles de la circulation aérienne générale (GAT) au sein de l'espace aérien transatlantique réglementé, sans que la sécurité des vols ne soit remise en cause selon Airbus. La séparation longitudinale de trois kilomètres ainsi que l'écart latéral sont jugés suffisants pour conserver le niveau de sécurité, ainsi que le niveau de confort des passagers par rapport aux turbulences. Pour rappel, pour éviter les « turbulences de sillage », les avions qui se suivent doivent pour l'instant respecter des règles de séparation longitudinales qui vont, en croisière, de 7,5 à 15 kilomètres.
Pour mettre en œuvre ce vol, le constructeur a collaboré avec les fournisseurs de services de navigation aérienne français (DSNA), britannique (NATS), canadien (NAV Canada), irlandais (IAA) et européen (Eurocontrol). Des pilotes des compagnies SAS Scandinavian Airlines et Frenchbee, partenaires du projet, étaient également présents en tant qu'observateurs. La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) française a apporté son soutien au projet.
Cette performance a été saluée comme « un exemple inspirant du niveau d'engagement actuel pour réduire les émissions de l'aviation » par Salvatore Sciacchitano président du Conseil de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), qui a accueilli les deux avions à Montréal en compagnie de Juan Carlos Salazar, secrétaire général de l'agence onusienne.
Vers une application opérationnelle en 2025
Cette « démonstration finale » validée, Fello'Fly va désormais devoir se confronter à un objectif tout aussi ardue, voire plus : l'application opérationnelle. Si Airbus a démontré que le vol en formation était techniquement et sécuritairement faisable, il faut désormais faire certifier le concept par les autorités de régulation. Une démarche qui prendra nécessairement plusieurs années.
Ensuite, il faudra convaincre les centres de contrôle aérien et les compagnies aériennes de l'appliquer. Ce qui nécessitera de coordonner les plans de vol entre chaque compagnie et d'établir des points de rendez-vous en vol avec l'aide d'outils logiciels spécifiques. Sans compter que le bénéfice ne va qu'à l'avion suiveur, d'où le besoin de compenser le déséquilibre par la suite.
Airbus s'est déjà saisi de la question en élaborant un concept opérationnel (Conops) avec ses partenaires. Sabine Klauke, sa directrice technique, se montre en tout cas confiante : « Nous avons reçu un fort soutien pour ce projet de la part de nos partenaires des compagnies aériennes et du trafic aérien, ainsi que des régulateurs. La possibilité de déployer ce système pour les avions de transport de passagers vers le milieu de cette décennie est très prometteuse. »
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