Un pas de plus de l'Europe en matière de défense... européenne. Certes modeste, l'initiative de Thierry Breton n'en reste pas moins intéressante. "Alors que la guerre fait rage aux frontières de l'Europe, la Commission répond à l'appel des chefs d'États en présentant aujourd'hui un nouvel instrument pour soutenir, au niveau européen, l'acquisition conjointe d'armement", explique Thierry Breton. Le commissaire européen responsable du marché intérieur (industrie, numérique, défense, espace...) estime que cet instrument doté de 500 millions d'euros sur deux ans marque "une nouvelle étape dans l'intégration européenne en matière de défense". Solide sur le plan juridique, cet instrument aura un effet levier, espère-t-on dans l'entourage du commissaire.
Ce nouvel outil, qui sera rétroactif au 24 février 2022, complète le Fonds Européen de Défense (plus de 8 milliards d'euros sur la période 2021-2027), qui se concentre essentiellement sur les programmes de Recherche et de Développement. Ce fonds sera d'ailleurs pérennisé par un futur programme permanent d'acquisitions conjointes d'ici à la fin de l'année.
Reconstituer les stocks de munitions
Cette initiative va permettre de reconstituer une partie des stocks d'armements (missiles, artillerie, munitions notamment) qui ont été donnés à l'Ukraine pour se défendre face à l'invasion russe. "Nous créons un mécanisme incitatif abondé par le budget européen, pour que les États Membres - nombreux sont ceux qui ont annoncé une augmentation significative de leur dépense de défense - achètent ensemble. Cela permettra de mieux dépenser l'argent public, et de booster notre base industrielle européenne", estime Thierry Breton. Trois pays au moins devront se mettre d'accord pour acheter le même matériel. "Les stocks des pays européens se sont affaiblis", rappelle-t-on dans l'entourage du commissaire.
Cet instrument répond d'abord à une des conséquences des transferts d'armes vers l'Ukraine. Il servira notamment à reconstituer les stocks de munitions de 155 mm des obusiers Caesar, Crab (Pologne) et Howitzers (Etats-Unis) mais aussi de missiles antichars et des systèmes portatif de défense aérienne (Manpads), les missiles sol-air léger portés à l'épaule mais aussi des pièces d'artillerie légères et lourdes. Au-delà de l'urgence de la guerre en Ukraine, il devrait aider la Base industrielle technologie et de défense européenne (BITDE) à réussir sa montée en cadence (ramp up) pour faire face à ses propres défis du retour de la guerre de haute intensité. Soit produire plus vite pour constituer des stocks nécessaires tout en ayant une coordination au niveau européen avec la mise en place d'une Task force européenne. Enfin, cet instrument devrait permettre de renforcer l'interopérabilité de ces matériels, dont de nombreux modèles équipent les armées de l'UE.
Bataille pour les armements étrangers
Thierry Breton s'est battu contre certains pays, qui voulaient intégrer sans état d'âme des achats d'armements étrangers, notamment américains et israéliens. La Commission a finalement tranché en faveur des critères d'éligibilité du Fonds européen de défense : être établi et avoir sa structure de management dans l'UE, ne pas être contrôlé par des entités d'États tiers non membres de l'UE et ne pas avoir des équipements ayant des restrictions d'emploi comme la réglementation ITAR ou équivalentes (Israël). Tel Aviv a ainsi refusé la réexportation de missiles Spike vers l'Ukraine, précise-t-on. Tout comme la Suisse a bloqué le transfert de munitions vers l'armée ukrainienne. "Nous voulions éviter de tomber dans certaines dépendances, précise-t-on dans l'entourage du commissaire. Nous ne voulons pas que la BITDE soit assujettie à des contrôles d'autorités étrangères pour utiliser ces armements".
Le montant de 500 millions provient de marges de budgets européens non alloués (Ending 5). Cette initiative arrive au moment où les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne (UE) ont convenu lundi d'un financement supplémentaire de 500 millions d'euros de l'UE pour fournir des armes à l'Ukraine, portant ce soutien à 2,5 milliards d'euros depuis que la Russie a envahi l'Ukraine le 24 février.
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