Chasseurs de mines en Belgique : les trois raisons du succès de Naval Group

Dans la guerre des mines en Belgique, Naval Group a coulé le favori STX/Thales. Trois raisons expliquent le succès du groupe naval : une équipe déterminée, une offre industrielle séduisante et une offre financière imbattable.
Michel Cabirol
Explosion d'une mine sous-marine
Explosion d'une mine sous-marine (Crédits : Reuters)

C'est indéniable, Naval Group a fait un très gros coup en Belgique en remportant l'appel d'offres portant sur l'achat de douze chasseurs de mines par la marine belge (six bâtiments) et néerlandaise (six autres) pour un montant de près de 2 milliards d'euros. Associé à ECA dans le consortium Belgium Naval & Robotics, le groupe naval, en tant qu'outsider, a coiffé sur le poteaux le favori, le consortium français STX/Thales, ainsi que le groupe néerlandais, le chantier naval Damen, qui aurait pu prétendre à la victoire en étant le local de l'étape. La part d'ECA représente 450 millions d'euros environ. Au-delà d'une possible intervention de Jean-Yves Le Drian en faveur de Naval Group que le Quai d'Orsay a démenti, le groupe naval a construit une offre très séduisante, qui a séduit les Belges. D'ailleurs, le groupe est arrivé premier sur la totalité des critères : techniques, coopérations industrielles et prix.

Pour autant, cette compétition entre Naval Group et Thales, qui s'est fortement tendu dans les derniers jours, devrait laisser des traces dans les relations, déjà passablement compliquées, entre les groupes concernés. Surtout, elle devrait inciter l'Etat français, qui est actionnaire dans les trois groupes (STX, Thales et Naval Group), à mieux organiser les compétitions à l'export entre les groupes français. Pourquoi ne pas avoir tenté de regrouper les deux offres françaises ? D'autant que la direction générale de l'armement (DGA) avait dans un premier temps interdit à Naval Group de se porter candidat. D'une façon générale, les guerres fratricides à l'export ne sont jamais très bonne pour l'image de la France et des groupes concernés, qui se livrent une guerre commerciale trop féroce.

Une équipe de direction déterminée

Le PDG de Naval Group, Hervé Guillou, n'est jamais plus fort que quand il est au pied d'une falaise. C'est d'ailleurs lui qui a forcé les portes pour se lancer dans l'arène belge au grand dam de Thales. Jeudi dernier, il était encore en Belgique pour promouvoir l'offre de son groupe. "Nous avons fait une très bonne proposition, qui a plu aux Belges", confie une source en interne pas spécialement poche du PDG. Pour piloter l'offre de Naval group en Belgique, Hervé Guillou a confié cette mission à un fidèle qu'il est allé chercher à Airbus, Jean-Michel Orozco. Le patron de Naval Group l'a nommé patron des programmes de systèmes navals transverses. Architecte de l'offre, ce dernier l'a remercié en lui apportant un mégacontrat de plus de 2 milliards d'euros, qui était loin, très loin d'être gagné au départ.

En revanche, Thales a semble-t-il inquiété les Belges, qui ont eu peur d'être écrasés par l'électronicien, fait-on valoir à La Tribune. Fort du soutien de la France, le favori a peut-être cru qu'il allait rafler la mise sans forcer son talent. Aujourd'hui, le coup est très rude pour Thales, qui voulait capitaliser sur le programme franco-britannique novateur en matière de lutte contre les mines marines MMCM (Maritime Mine Counter Measures). C'est raté. Les nouveaux navires de lutte contre les mines proposés par Belgium Naval & Robotics n'auront pas besoin d'entrer dans la zone où les mines marines pourraient être localisées en raison de l'utilisation de systèmes sans équipage.

Une offre industrielle très séduisante

Jean-Michel Orozco a construit une offre très séduisante en dépit du point fort de Thales dans les sonars. Ce diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications (Telecom Paris Tech) a notamment eu l'idée de créer un centre d'excellence industrielle à Bruxelles, positionné sur des activités à très haute valeur ajoutée. L'objectif principal de ce centre sera de garantir l'autonomie et l'excellence stratégique de la Belgique. Ce centre permettra d'accompagner la Belgique dans l'évolution des systèmes dans des domaines tels que la robotique, l'intelligence artificielle ou la discrétion acoustique et la cybersécurité sur toute la durée du programme et au-delà.

Jean-Michel Orozco a également su fédérer 39 partenaires belges autour du programme et de ses évolutions futures. Ainsi, Naval group s'engage sur le plan de coopération industrielle, à la création de 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires en Belgique sur 20 ans, dont plus de 2,1 milliards de valeur ajoutée créée sur le sol Belge. Ainsi, Belgium Naval & Robotics a proposé aux autorités belges un plan visant à créer plusieurs centaines d'emplois sur 20 ans : 350 emplois en moyenne et par an créés et répartis sur toute la Belgique (35% en Wallonie, 15% à Bruxelles et 50% en Flandre), avec des pics au-delà de 500 emplois sur plusieurs années, soit un total de 7.000 emplois équivalent temps plein sur 20 ans. Les emplois créés sont essentiellement des emplois qualifiés, stables et pérennes dans des domaines de hautes technologies.

Enfin, Naval Group prévoit la construction de 30 navires, dont les 12 navires pour le programme MCM. Car l'ensemble des activités export du domaine seront menées depuis la Belgique, notamment grâce au réseau des 40 marines clientes de Naval Group. En outre, 1.550 drones (dont 1.300 drones sous-marins de destruction de mines) seront produits en Belgique sur 20 ans. Les drones proposés dans le cadre du programme, les solutions de mise à l'eau et récupération automatiques (LARS) sont déjà éprouvés et utilisés par de nombreuses marines dans le monde. Une grande partie de ces 1.550 drones produits seront eux aussi exportés depuis la Belgique notamment auprès des 30 marines clientes d'ECA Robotics.

Une offre financière imbattable

Pour appuyer une offre cohérente, Naval Group a fait une proposition financière imbattable afin de gagner ce marché. Le groupe a adressé une proposition financière en-dessous du budget demandé par les Belges et les Néerlandais tout en promettant de respecter le cahier des charges de la marine belge. L'écart est d'environ 200 millions d'euros, selon des sources concordantes. Soit environ 10% du budget de la Belgique. Une offre qui a permis à Naval Group d'être classé au premier rang pour ce critère, devant Damen et... STX/Thales. Le groupe naval tricolore a écrasé la concurrence... et les prix.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.