Drone VSR-700 : Airbus Helicopters prêt à proposer une coopération à l'Allemagne (2/5)

Airbus Helicopters réfléchit à proposer à l'Allemagne une coopération sur le drone de surveillance maritime VSR-700, qui a déjà des touches à l'export. Son PDG Bruno Even attend également une décision du ministère des Armées sur le lancement du programme Système de drone aérien pour la Marine (SDAM).
Michel Cabirol
Avec le programme SDAM (Système de drone aérien pour la Marine), la France a « l'occasion de démontrer dans le domaine des voilures tournantes qu'elle a un champion. Quand je dis un champion, il ne s'agit pas d'Airbus Helicopters seul, mais de tout un tissu d'acteurs français ».
Avec le programme SDAM (Système de drone aérien pour la Marine), la France a « l'occasion de démontrer dans le domaine des voilures tournantes qu'elle a un champion. Quand je dis un champion, il ne s'agit pas d'Airbus Helicopters seul, mais de tout un tissu d'acteurs français ». (Crédits : Airbus Helicopters)

Airbus Helicopters attend beaucoup du programme de drone VSR-700 : en France, à l'export et pourquoi pas en coopération avec l'Allemagne. « Le VSR-700 peut être un sujet de coopération avec Berlin. En Allemagne, le besoin d'avoir une capacité de surveillance maritime remplie par des drones afin de compléter celles fournies par les hélicoptères se pose comme en France (programme SDAM, ndlr). D'où la réflexion autour du VSR-700. Nous avons de bons arguments pour relancer la coopération avec l'Allemagne. Et pourquoi pas à travers un programme tel que le VSR-700 », confie le PDG d'Airbus Helicopters, Bruno Even, dans un entretien accordé lors du salon de Dubaï (13-17 novembre). Une coopération qui arriverait toutefois dans un contexte aujourd'hui difficile entre les deux pays.

« Dans un contexte compliqué tel que celui d'aujourd'hui, il faut créer à nouveau les conditions de la confiance sur chacun des programmes et progressivement relancer des projets. Nous sommes prêts à l'échelle d'Airbus Helicopters à porter notre pierre à travers des programmes concrets pour relancer la dynamique », explique Bruno Even.

Dérivé de l'hélicoptère biplaces Cabri G2 de la PME aixoise Guimbal d'une masse maximale au décollage d'environ 700 kg, le VSR-700 est, selon Airbus Helicopters, l'un des rares drones au monde pouvant embarquer trois capteurs permettant d'effectuer simultanément des missions de surveillance et de renseignement (détection et identification). Ce système, équipé d'un radar de surveillance maritime C-Ranger 200 développé par la PME Diadès Marine basée en Charente (Saint-Michel) et d'une boule optronique MX10 de L3Harris, permettra d'accroître significativement la portée de détection des menaces pour les frégates de première ligne de la Marine nationale en mer.

Grâce au système Deck Finder développé par Airbus, le VSR700 peut en outre effectuer des décollages et des appontages de précision sans intervention d'un télé-pilote, y compris dans des conditions météorologiques dégradées. Le VSR-700 peut ainsi être mis en œuvre à bord des frégates de premier rang (FDI, FREMM, FDA) et des trois porte-hélicoptères même dans une mer formée. Des atouts qui devraient permettre au VSR-700 de décoller à l'export, comme le pense Bruno Even : « A l'export, ce système intéresse beaucoup de monde. Nous avons aussi l'occasion de faire grandir cette graine à l'export ». Ce système aurait déjà reçu des marques d'intérêt un peu partout dans le monde, confie-t-on au sein d'Airbus Helicopters. Le constructeur attend néanmoins une commande de la France pour accélérer à l'export.

Des campagnes d'essais réussis

Ces derniers mois, le succès des campagnes d'essais du VSR-700 n'est pas passé inaperçu en Allemagne. « Une séquence très riche », se félicite Bruno Even. Ainsi Airbus Helicopters a pu tester ce drone à voilure tournante, qui apporte de nouvelles capacités jusqu'ici inexistantes, lors de deux campagnes d'expérimentation : en mai au large des côtes bretonnes à bord d'un navire spécialement affrété pour l'occasion, le Partisan de Seaowl équipé d'un pont d'hélicoptère, puis, en octobre, sur la frégate multi-missions (FREMM) Provence de la Marine nationale en Méditerranée. « Nous avons pu démontrer les capacités automatique du VSR-700 dans les phases de décollage et d'atterrissage et dans ses missions de surveillance avec les différents capteurs », explique Bruno Even.

En mai, la campagne a été un succès après 80 décollages et atterrissages réussis en toute autonomie sur le Partisan en dépit d'un incident sur un vol complémentaire entraînant la chute du drone à la mer. En octobre, la campagne d'essais à la mer avait pour objectif de démontrer la capacité opérationnelle du VSR-700 sur la base de scénarios opérationnels. « Tout comme la campagne d'essais sur le Partisan, elle s'est aussi très bien passée », souligne le PDG d'Airbus Helicopters.

Elle a permis de « confirmer la capacité du VSR-700 à décoller et apponter de manière automatique depuis un navire de combat dans une mer agitée (vent de 42 nœuds, mer de niveau 4, ndlr). Une réussite qui représente une avancée majeure sur le plan technologique et industriel pour un drone de cette catégorie (700 kg) », a expliqué fin octobre le ministère des Armées dans un communiqué. Cette campagne a également permis de tester toute l'étendue des performances du système de drone à l'occasion de sept vols totalisant plus de sept heures de mission.

« Les vols ont permis de valider la mise en œuvre du drone dans des scénarios de complexité croissante et de démontrer sa capacité à décoller et apponter de manière automatique, dans des conditions représentatives de son emploi opérationnel », a affirmé fin octobre le ministère des Armées.

Le VSR-700 en pole pour le programme SDAM mais...

Parmi les objectifs fin 2023, début 2024, Bruno Even souhaite très rapidement à la suite des campagnes d'essais concrétiser en coopération avec Naval Group la signature d'un contrat avec le ministère des Armées dans le cadre du programme SDAM (Système de drone aérien pour la Marine), un drone tactique marine. Un contrat de levée de risque a déjà été confié en cotraitance à Airbus Helicopters et Naval Group, qui fournit le système de mission I4Drones® connecté au système de combat du navire et de l'hélicoptère embarqué. Pour Bruno Even, le programme SDAM est « un enjeu important pour Airbus Helicopters dans le cadre de la Loi de programmation militaire ». Le ministère doit en principe lancer le programme en 2024, en cohérence avec la sélection du ou des industriels qui devrait être décidée fin 2023. Il estime d'ailleurs possible de livrer une première capacité opérationnelle d'ici à 2026.

« J'ai bon espoir que la décision de la Direction générale de l'armement (DGA), avec la Marine nationale, soit prise début 2024, si elle ne l'est pas à la fin de l'année, de s'engager sur le programme VSR-700. Ce système est vraiment une capacité unique à l'heure où l'on parle beaucoup de feuilles de route sur les drones et de développement d'une industrie dans ce domaine en France », fait observer le patron d'Airbus Helicopters.

Outre le lancement d'une filière industrielle souveraine, Airbus Helicopters s'est inscrit dans le cadre du programme SDAM dans « une logique d'économie de guerre à travers une approche incrémentale » du VSR-700, souligne-t-il. « Nous avons proposé cette logique incrémentale avec l'objectif de ne pas entrer dans un tunnel de développement puis de fournir dès le départ une capacité qui sait tout faire. Nous avons pris une capacité existante, qui est déjà très riche par rapport à la compétition, pour la mettre rapidement en service, puis progressivement de la faire grandir ». Le patron d'Airbus Helicopters estime que le VSR-700 possède « un potentiel de croissance ». Avec le programme SDAM, la France a « l'occasion de démontrer dans le domaine des voilures tournantes qu'elle a un champion. Quand je dis un champion, il ne s'agit pas d'Airbus Helicopters seul, mais de tout un tissu d'acteurs français ».

Pour autant, Airbus Helicopters devra lever certaines réticences de la Marine nationale qui reste partagée sur le VSR-700. D'autant qu'il a connu des difficultés techniques, notait-on encore en fin d'année dernière dans la Marine nationale. Certains dans la Marine seraient prêts à saborder le programme SDAM au profit d'un projet moins ambitieux. Ce qui laisserait le champ libre au système autrichien Schiebel 100, déjà à bord des porte-hélicoptères de la Royale et... promu par Thales. « Je ne comprends pas toujours ces questionnements puisqu'en termes de capacité intrinsèque, la plateforme démontre des capacités et un potentiel de croissance clair par rapport à certaines solutions existantes dont le Schiebel 100 », regrette pour sa part Bruno Even, interrogé sur les réticences de la Marine nationale. Pour lui, « ce qui importe, c'est vraiment d'avoir une vision de long terme » à travers cette logique incrémentale.

Pour autant, le succès de la campagne d'essais sur la frégate Provence devrait satisfaire le nouveau chef d'état-major de la Marine, l'amiral Nicolas Vaujour. Lui qui disait début octobre à l'Assemblée nationale : « Nous sommes sur le point de parvenir à une très grande avancée technologique sur le SDAM. Des essais sont en cours sur la frégate Provence pour réaliser une manœuvre inédite : l'appontage automatique d'un drone hélicoptère sur un bateau, qui n'a jamais été réussi jusqu'à présent. Si nous y parvenons, il s'agira d'une véritable rupture en matière de drone ». C'est fait ! Et le VSR-700 colle aux spécifications de la Marine : huit heures de surveillance à 80 miles nautiques avec 80 kilos de charge utile. Il est même au-delà (8 à 10 heures de surveillance avec 100 kg de charge utile).

Avant de quitter son poste de chef d'état-major de la Marine nationale, l'amiral Pierre Vandier avait expliqué en mai dernier au Sénat : « Nous recherchons la maturité, l'efficacité et la rentabilité. Le prix de la plateforme doit se situer dans un rapport très favorable par rapport au prix de l'hélicoptère. Il faut enfin que la cohabitation entre le drone hélicoptère et l'hélicoptère lui-même soit possible ».

15 systèmes SDAM à l'horizon 2035

À ce stade, la cible envisagée par le ministère des Armées est de quinze systèmes de drones (SDAM). La LPM 2024-2030 prévoit l'acquisition de dix systèmes d'ici à 2030, puis le ministère des Armées a prévu d'en acquérir au moins cinq supplémentaires à l'horizon 2035. Les crédits prévus dans le projet de loi de finances 2024 s'élèvent à 240 millions d'euros en autorisations d'engagement et 8,4 millions d'euros en crédits de paiements. Dans la continuité des travaux de préparation réalisés en 2023, la phase de réalisation du programme SDAM sera lancée en 2024.

« Le nombre de 15 SDAM correspond au contrat opérationnel retenu. Si des occasions industrielles d'en construire davantage se présentent, nous les saisirons peut-être », avait expliqué en mai à l'Assemblée nationale le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.

Michel Cabirol

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Commentaires 8
à écrit le 20/12/2023 à 16:07
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@ Appaches Les pays européens ne devraient pas se surestimer. Ils ne jouent plus dans la première division. Sa seule chance serait en coopération basée sur un partenariat qui regroupe les ressources nationales et apporte de la valeur ajoutée à tous ...

à écrit le 25/11/2023 à 13:09
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Chaque coopération avec l'Allemagne DOIT prévoir préalablement les conditions d'exports futures ! Quelles sont les capacités des États a bloquer unilatéralement les exports ??? L'Eurofighter est l'exemple le plus récent du problème : le concurrent (...

à écrit le 24/11/2023 à 11:03
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Les coopérations ne sont que la deuxième meilleure solution. Le plus sûr est les solutions nationales. L'Allemagne a les ressources et le potentiel de réaliser les projets d'armements les plus importants par eux-mêmes. La technologie reste dans le pa...

le 25/11/2023 à 8:05
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100% d'accord avec vous!!!! Les francais se plaignent que les Allemands que les Allemands les lâchent en matiere d'armement mais ce sont les francais qui sonr toujours ä l'initiative de coopérer avec l'Allemagne!!!! Comme si il n y a aucune autre nat...

à écrit le 24/11/2023 à 10:43
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"qui a déjà des touches à l'export" l'Allemagne dira NEIN s'il faut exporter et qu'elle participe au projet. Chacun ses critères, exporter c'est délicat, le matériel peut être "mal" utilisé (critères qui peuvent changer selon les coalitions en place)...

le 25/11/2023 à 9:37
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Une entreprise doit être utile pour les deux partenaires. Mais je ne vois aucun avantage pour l'Allemagne avec cette offre. L'offre vise à renforcer l'industrie des armements français. L'Allemagne ne serait interrogée qu'en tant que financier et four...

à écrit le 24/11/2023 à 6:42
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Bonjour, ils est claire qu'ils y a un marché sur les drones, de surveillance ( maritimr , terreste ), que se soit des hélicoptères ou des avions ). Maintenant, si Airbus veux se lancer dans la course, ils faut des système, fiables mécaniquement ...

le 25/11/2023 à 9:31
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La communauté des pays européens n'est pas unie en Europe, mais une organisation de pays européens souverains qui ont rarement des intérêts compatibles. Chaque État membre parle d'Europe, mais signifie son intérêt national. Pour des raisons pragmatiq...

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