« Nous avons beaucoup d'enjeux commerciaux en fin d'année » (Bruno Even, Airbus Helicopters) 1/5

La fin d'année va être très chargée pour Airbus Helicopters sur le plan commercial. Le constructeur de Marignane attend des commandes très importantes tant sur le plan quantitatif qu'au niveau stratégique. Notamment en Allemagne et en France. Premier volet d'une série sur le constructeur franco-allemand.
Michel Cabirol
Airbus Helicopters fait observer « beaucoup de discussions » sur le plan commercial et « très clairement dans toutes les parties du monde ».

Airbus Helicopters entre dans le money time. C'est très clairement la période qui peut rapporter gros, très gros au constructeur de Marignane. Plusieurs campagnes majeures doivent en principe arriver à leur conclusion en fin d'année, voire au début de l'année prochaine. Ce qui peut faire basculer Airbus Helicopters dans une année exceptionnelle, voire record, ou à défaut dans un année cauchemardesque si le constructeur perd ces compétitions stratégiques. « Nous avons beaucoup d'enjeux sur cette fin d'année, confirme le PDG d'Airbus Helicopters, Bruno Even, dans un entretien accordé à La Tribune lors du salon aéronautique de Dubaï (13/17 novembre). Nous sommes toujours en course sur l'ensemble des campagnes que nous avions identifiées comme stratégiques. C'est le bon côté des choses ».

Deux campagnes cruciales en Allemagne

En Allemagne, le constructeur attend le résultat de deux campagnes très importantes pour les sites de Marignane et de Donauwörth en Bavière. Tous les regards se portent essentiellement sur le renouvellement massif de la flotte de Super Puma de la police fédérale allemande (Bundespolizei), qui doit sélectionner avant la fin de l'année son futur hélicoptère lourd. Plus de 40 appareils sont en jeu. Un marché que se disputent le S92 de Sikorsky et le H225 d'Airbus Helicopters. En principe, cette commande ne devrait pas échapper au constructeur franco-allemand, qui est d'ailleurs extrêmement bien implanté en Allemagne. « C'est pour cela que je suis optimiste, se rassure Bruno Even. En termes à la fois de capacités opérationnelles, de compétitivité et de taille, Airbus Helicopters a la bonne solution avec le H225 ».

« Le H225 est capable d'offrir une diversité de missions qui est exigée par la Bundespolizei. Cet appareil est un hélicoptère polyvalent à la fois pour des missions de police et de maintien de l'ordre mais aussi des missions de secours lors de catastrophes naturelles. Le H225 offre une  capacité d'emport et un rayon d'action dans des situations qu'a connu l'Allemagne lors des inondations de l'été 2022. Je pense que le client en est convaincu », note le patron d'Airbus Helicopters.

En cas de victoire, Airbus Helicopters pourrait positionner au-delà de cette campagne, le H225 comme « la seule plateforme hélicoptère lourd étant certifiée sur le marché civil, estime le patron du constructeur. Ce serait un positionnement unique sur le marché civil. Il y a beaucoup d'enjeux liés à cette campagne. Et cela questionnerait très clairement le futur du S92 sur le marché ». Le constructeur a livré près de 30 hélicoptères de ce type par an grâce à une « supply chain » performante, y compris en termes de support. Ce qui apporte des garanties supplémentaires par rapport à Sikorsky.

Airbus Helicopters vise également en Allemagne une commande géante de plus de 60 H145M (voire 80) pour les forces armées allemandes. Berlin « a identifié un besoin urgent se se doter d'un hélicoptère léger militaire polyvalent capable d'adresser différents types de missions. Il ne s'agit pas toutefois de remplacer le Tigre », précise Bruno Even. L'armée allemande a d'ailleurs déjà des H145M, qui équipent notamment les forces spéciales. Pressé par les tensions internationales et la guerre en Ukraine, Berlin pourrait passer très rapidement une commande d'ici à la fin de l'année. « C'est un scénario possible », juge-t-il. Airbus Helicopters s'est mis en position pour être capable de répondre à cette exigence de la part du ministère de la Défense allemand.

France : une commande supplémentaire de NH90

En France, Bruno Even attend la traduction de la loi de programmation militaire (LPM) en commandes fermes. Du côté français du Rhin, le constructeur a également de « gros enjeux », rappelle-t-il. Notamment avec le renouvellement de la flotte Puma de l'armée de terre. « Nous avons bon espoir de pouvoir signer une commande complémentaire de huit NH90, qui tomberait d'ici à la fin de l'année pour engager l'armée de terre dans le renouvellement de la flotte Puma. C'est pour nous un jalon important sur lequel nous travaillons avec la DGA (Direction générale de l'armement, ndlr) », explique le patron d'Airbus Helicopters. Une commande qui va faire du bien à ce programme en souffrance à l'international en raison des décisions de retirer cet appareil des flottes australiennes et norvégiennes.

En outre, Airbus Helicopters est en négociation avec le ministère de l'Intérieur pour finaliser un contrat « d'ici à la fin de l'année en vue d'engager une première tranche du renouvellement de la flotte vieillissante » des EC145 de la sécurité civile et de la gendarmerie, qu'il estime à une « quarantaine d'hélicoptères ». Ce renouvellement avait déjà été initié à travers le plan de relance, qui avait permis à la direction générale de la sécurité civile et de gestion des crises (DGSCGC) de commander quatre H145. La flotte d'hélicoptères de la sécurité civile a perdu trois appareils (deux en 2019 et un en 2021) portant à 33 le nombre de EC145. Elle évalue de son côté un besoin à 38 appareils. Pour Airbus Helicopters, c'est une « fin d'année très, très chargée », souligne Bruno Even.

Des difficultés sur le grand export ?

Si Airbus Helicopters a sécurisé une commande de 14 Caracal aux Pays-Bas, dont le contrat doit être mis en vigueur en 2024, - une compétition « gagnée à la loyale face au Black Hawk, qui est très présent à l'export » -, le constructeur de Marignane donne l'impression de rencontrer quelques difficultés sur les marchés du grand export dans le domaine militaire. Ce que réfute Bruno Even, qui cite les succès du Caracal au Koweït, aux Émirats Arabes Unis, en Hongrie et plus récemment aux Pays-Bas pour les forces spéciales ou encore le NH90 au Qatar.

« Sur le grand export militaire, ce sont des grosses campagnes qui mettent du temps à se concrétiser, rappelle-t-il. Ce sont programmes qui sont lourds et ambitieux et qui ne se décident pas en l'espace de six mois ». En revanche, il sait qu'il retrouvera immanquablement - mais comme d'habitude - sur son chemin ses rivaux américains, qui seront favorisés par les contrats FMS (Foreign military sales) dans le cadre d'achats de gré à gré entre les Etats-Unis et les gouvernements des pays acheteurs.

« Je serais inquiet si Airbus Helicopters était dans une situation où de gros contrats étaient signés à l'export avec nos concurrents sans que nous puissions concourir. Aujourd'hui, je n'ai vraiment pas ce sentiment et je ne constate pas de dégradation de notre positionnement dans les compétitions auxquelles nous participons », explique-t-il.

Dans un contexte géopolitique où les crises se succèdent, le constructeur fait observer qu'il a « beaucoup de discussions » et « très clairement dans toutes les parties du monde ». « Beaucoup d'armées se posent aujourd'hui la question du renouvellement de leur flotte, notamment certains pays qui opèrent des appareils russes MI-17 », qui est l'hélicoptère de transport le plus vendu au monde, observe-t-il. Pour Bruno Even, ce contexte international renforce le besoin des armées de disposer de nouvelles capacités opérationnelles performantes, y compris dans le domaine des hélicoptères. « De par leur polyvalence, ils ont démontré leurs capacités en termes de transport et de combat », explicite-t-il.

Compétiteur dans l'âme, Bruno Even va devoir se multiplier pour renforcer le carnet de commandes d'Airbus Helicopters. Il sera d'ailleurs très attendu au tout début de 2024 sur le remplacement de la flotte des Puma en Angleterre, qui veut acquérir une quarantaine d'appareils. Ce qui va au-delà du seul renouvellement des Puma. Dans ce cadre, Airbus Helicopters propose la version militaire du H175, le H175M, qui fera ainsi ses premières armes sur le marché militaire. Le PDG d'Airbus Helicopters est convaincu du potentiel export important du H175M.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.