
La préparation de la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) se révèle être finalement aussi difficile et complexe que les précédentes LPM qui entérinaient les baisses de format et les réductions capacitaires (1997-2018). Pourtant la trajectoire budgétaire de la future LPM augmente par rapport à la précédente qui était déjà en hausse (413 milliards d'euros sur sept ans, contre 295 milliards pour la précédente) et qui est actuellement exécutée au plus près des projets de budgets annuels. Mais, en même temps, les besoins capacitaires actuels et futurs des armées (réparation par rapport aux choix du passé et nouveaux besoins) sont tels que tout ne peut pas rentrer dans cette trajectoire budgétaire certes ambitieuse mais qui reste in fine contrainte par rapport aux nouveaux enjeux.
En outre, l'inflation va grignoter 30 milliards d'euros environ, même si le ministère a pris « des critères très dégradés et très pessimistes sur lesquels j'ai bon espoir qu'on aura des renversements de tendance (...) pour bâtir la copie », comme l'a récemment affirmé au Sénat le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. C'est très cruel pour le ministère des Armées mais la réalité de la construction laborieuse de la future LPM en raison de ces paradoxes est incontestable. Cruel donc pour Sébastien Lecornu obligé d'arbitrer sur les programmes, qui pourraient subir un impact (arrêt ou étalement) et qui font l'objet d'une attention médiatique. Ce qui agace à juste titre le ministère. Mais...
Des menaces sur la cible des A400M et sur Syracuse 4C
Le groupe Airbus pourrait être impacté par des décisions sur plusieurs de ses grands programmes militaires. Ainsi, selon nos informations, le ministère des Armées réfléchirait à une réduction de la cible finale de l'avion de transport militaire A400M, un programme réalisé en coopération européenne qui passerait de 50 à 35 appareils. Ce serait l'une des conséquences de la France de réduire ses opérations extérieures, notamment en Afrique. L'armée de Terre aurait donc moins besoin d'avions de transport tactique dotés d'une allonge stratégique et capables de réaliser des missions sur tous les théâtres d'opérations extérieures et les implantations outre-mer. Ce programme fait travailler plus de 10.000 personnes en Europe, dont 2.400 en France, et plus de 80 entreprises françaises, dont des PME. L'A400M, dont le premier exemplaire a été livré en 2013 à l'armée française, a été commandé à 178 exemplaires par dix pays, dont l'Allemagne (53 appareils).
En outre, de très forte menaces pèsent sur le satellite de télécoms militaires Syracuse 4C doté d'une propulsion électrique (Airbus et Thales), le troisième et dernier satellite de la constellation Syracuse, selon des sources concordantes. Le programme serait abandonné au profit de la constellation européenne IRIS². Il devait être commandé d'ici à 2025 dans le cadre de la LPM 2019-2025. Si l'abandon était confirmé, cette décision serait surprenante. Car ces satellites de nouvelle génération offrent une bien meilleure résistance aux attaques et sont conçus pour résister aux agressions militaires depuis le sol et dans l'espace. Protégés contre les menaces telles que le brouillage ou les attaques cyber, ils fournissent aux armées des liaisons de communication hautement sécurisées et résilientes. Ce qui sera moins le cas avec IRIS². Le premier satellite - Syracuse 4A - a été lancé en 2021 tandis que Syracuse 4B sera lancé par la dernière Ariane 5 en juin 2023.
Tigre : modernisation Mark 2+ ou Mark 2++ ?
Enfin, Airbus Helicopters nourrit de fortes inquiétudes sur le Tigre Mark 3, qui en dépit du contrat signé en mars 2022, pourrait faire finalement l'objet d'une modernisation moins ambitieuse que prévue, baptisée Mark 2+ ou 2++. Cette modernisation permettrait toutefois à cet appareil de rester opérationnel « jusqu'en 2040/2045 », a estimé au Sénat Sébastien Lecornu, qui n'a pas atténué les inquiétudes autour du Tigre Mark 3. Pour le ministre, « le vrai sujet, c'est le saut technologique ».
Le ministre a donc demandé aux armées de regarder « si ce qui est imaginé pour le Tigre standard 3 correspond bien à ce que l'on veut ». Notamment sur le plan technologique par rapport à la forte émergence capacitaire des drones. « Est-ce qu'on n'aura pas un super hélicoptère déjà démodé. La question n'est pas médiocre me semble-t-il. J'assume de la poser publiquement », a-t-il expliqué. « Deuxième question, a-t-il poursuivi, c'est la soutenabilité économique du Tigre standard 3 : si l'hélicoptère est génial mais on ne peut qu'en acheter que quelques exemplaires... »
« Je ne réinterroge pas le principe du standard 3, je réinterroge le modèle tel qu'il existe aujourd'hui. Et j'ai donné mandat aux armées et à la DGA en lien avec les industriels le cas échéant de le mettre à jour ou de le faire évoluer si besoin en est parce qu'en 2040 personne ne comprendrait que je fige complètement la copie. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, c'est juste une bonne nouvelle qu'il faut adapter », a précisé le ministre.
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