Frégates FREMM : le mirage de la coopération franco-italienne

Le programme phare franco-italien, les frégates multimissions (FREMM) n'a généré que 30 millions d'économies pour la France. Soit 1% à 1,5% du coût total du programme franco-italien.
Michel Cabirol
Le programme de frégates multimissions (FREMM) est aujourd'hui estimé à 6,4 milliards pour la construction de huit FREMM (contre 8,2 milliards pour 17 FREMM initialement)

La coopération entre la France et l'Italie dans le naval a-t-elle toujours aussi été fructueuse que ne le suggèrent Paris et Rome pour justifier le rapprochement entre Naval Group et Fincantieri? Pas vraiment si l'on n'en croit l'ancien PDG de Naval Group Patrick Boissier, qui avait été auditionné en mars 2013 sur la conduite des programmes en coopération en présence de Jean-Jacques Bridey, à l'époque rapporteur. Une audition qui vaut aujourd'hui son pesant d'or dans le contexte du rapprochement entre les deux groupes navals européens. Il y a un peu plus de cinq ans maintenant, Patrick Boissier avait affirmé que la France avait "économisé environ 30 millions d'euros, soit 1 % à 1,5 % du coût total du programme" FREMM (frégates multimissions) grâce à la coopération.

L'ancien patron de Naval Group en conclut que "le programme FREMM aurait sans aucun doute pu être mené à bien dans un cadre franco-français, avec des conséquences nulles en termes de délai et infinitésimales en termes de coût". Et de rajouter : "Il est certain que nous n'avons pas affaire à un véritable programme en coopération".

Seulement 15% du programme en commun

Les frégates FREMM ont été commandées par les marines française et italienne, au titre d'un contrat passé entre l'Occar et un consortium industriel réunissant DCNS (devenu Naval Group), pour la France et, pour l'Italie, Orrizonte Sistemi Navali constituée de Fincantieri et Finmeccanica. Selon le rapport d'information sur la conduite des programmes d'armement en coopération réalisé en juillet 2013 par François Cornut-Gentille, Jean Launay et Jean-Jacques Bridey, seulement 15 % des éléments du programme sont communs aux frégates françaises et italiennes et les entreprises, DCNS, du côté français, Orizzonte Sistemi Navali, pour l'Italie travaillent de manière indépendante.

En outre, les deux types de frégates FREMM s'affrontent sur les marchés export. "Nous nous retrouvons désormais en compétition frontale avec l'Italie à l'exportation, puisque nous vendons un matériel qui porte le même nom", avait expliqué l'ancien chef d'état-major de la Marine, l'amiral Édouard Guillaud, auditionné par les rapporteurs.

Seulement 10 % du coût des études mutualisées

L'économie de 30 millions d'euros est dérisoire au regard d'un programme qui est estimé aujourd'hui à 6,4 milliards pour la construction de huit FREMM (contre 8,2 milliards pour 17 FREMM initialement), selon une récente évaluation du ministère des Armées. Soit 800 millions par frégates (contre 482 millions au début du programme). Précisément, il était prévu pour le programme FREMM une conception commune en amont ainsi que l'achat en commun de la turbine, du système de stabilisation, du système de guerre électronique et du sonar. "Ces matériels représentant environ 10 % du coût du navire, l'opération permet d'économiser à peu près 1 million d'euros par bâtiment", avait détaillé Patrick Boissier.

Finalement, "moins de 10 % du coût des études a été mutualisé, ce qui représente une économie apparente de 50 millions d'euros pour chacun des partenaires", avait-il précisé. Toutefois, si l'on tient compte du coût supplémentaire des études spécifiques relatives aux plateformes différentes pour chaque pays, et du surcoût lié à la coordination, "le montant économisé est ramené à une quinzaine de millions d'euros. En définitive, grâce à cette coopération, la France aura donc économisé environ 30 millions d'euros, soit 1 % à 1,5 % du coût total du programme".

"Les FREMM n'ont de commun que leur nom"

Interrogé sur les différences de spécifications entre les frégates françaises et italiennes, Patrick Boissier avait répondu : "À vrai dire, elles sont si nombreuses qu'il serait plus facile de faire la liste des spécifications communes. Les plateformes sont différentes. La vitesse maximale des FREMM françaises et italiennes est différente, ce qui a des conséquences sur la puissance des navires et sur leurs chaînes de propulsion. Les FREMM françaises sont très automatisées - elles embarquent un équipage de 108 marins, détachement hélicoptère compris, soit un personnel deux fois et demi moins nombreux que sur les frégates antiaériennes en service actuellement -, alors que les frégates italiennes ont besoin de 145 marins. Les radars sont différents, de même que les armements choisis. De plus, les frégates italiennes sont équipées d'un canon à l'arrière, contrairement aux nôtres".

"Finalement, les FREMM n'ont de commun que leur nom et quatre équipements (turbine, système de stabilisation, système de guerre électronique et sonar). Même leur silhouette est différente. Malgré cela, par rapport à la complexité des programmes Horizon, la simplification est considérable : nous produisons, en fait, des programmes nationaux avec une coopération pour certains équipements".

Au final, les bénéfices de cette coopération très limitée entre la France et l'Italie sont ont été logiquement réduits. Pour autant, ils restent supérieurs aux faibles surcoûts engendrés. L'honneur est sauf mais...

Michel Cabirol

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Commentaires 10
à écrit le 31/08/2018 à 6:46
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Pour que un programme economique soit rentable , ils faut un minimum d'élément commun pour pouvoir faire une economie d'échelle .... Si chaqu un souhaitent trops dè modification, les bénéfices sont perdu lors de la réalisation.... L'armement n'e...

à écrit le 28/08/2018 à 13:02
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je ne comprend pas les différences d'approches, en théorie on combat ensemble les même menaces avec les même tactiques et stratégies, alors pourquoi tj des équipements différents ?!

à écrit le 28/08/2018 à 2:54
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En affaires, il n'y a pas d'amis. Les enarques l'ignorent encore.

à écrit le 27/08/2018 à 11:49
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Voilà une Histoire qui rapelle le Jaguar franco-anglais: les avions anglais et français avaient tellement d'équipements spécifiques qu'ils n'avaient en commun que le nom, les économies de développement avaient été jugées décevantes, et les performanc...

à écrit le 27/08/2018 à 11:06
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Finalement, cette cooperation n'en est pas une comme le dit l'article... Une coopération est censé mettre le maximum de choses en commun pour réduire les frais de développement et surtout d'acheter mutuellement les armements , les radars, les moteurs...

à écrit le 27/08/2018 à 8:56
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Les italiens ne peuvent que l'avoir mauvaise après le coup qu'ont encore fait nos marcheurs corrompus, on ne peut pas leur en vouloir de faire preuve de mauvaise volonté, nos dirigeants français sont une véritable honte: "Soupçons de conflits d'i...

le 27/08/2018 à 9:45
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Non, les italiens ne vont pas l'avoir mauvaise pour le conflit d'intérêt dont le secrétaire général de l’Élysée est soupçonné... puisqu'il s'est fait à leur profit ! Quand on veut jeter l’opprobre sur quelqu'un, il faut encore ne pas se tromper su...

le 27/08/2018 à 10:16
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@ multipseudos: Ouahou ! Vous êtes vachement fort dites moi ! Vous avez déjà résolu le dossier avant même que les juges le bouclent ! On se demande comment vous pouvez gérer aussi mal le pays avec une efficacité pareille hein !? "Une e...

le 27/08/2018 à 11:32
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Pour ce qui concerne la corruption, l'exploitation de la misère et le non respect des règles européennes ou internationales, les italiens sont incontestablement bien meilleurs que nous !

le 27/08/2018 à 15:54
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"Pour ce qui concerne la corruption, l'exploitation de la misère et le non respect des règles européennes ou internationales, les italiens sont incontestablement bien meilleurs que nous !" Et donc parce que c'est pire ailleurs il faudrait se cont...

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