Marché de tous les dangers pour Arianespace à partir de 2017

Deux des plus grands rivaux d'Ariane 5, Proton, qui casse les prix des satellites, et Falcon 9, font leur retour en vol à la fin de l'année. Ils vont mener la vie dure à Arianespace. D'autant plus que le marché est peu actif et les opérateurs de plus en plus exigeants sur les prix.
Arianespace va rester le leader mondial en matière de services de lancement de satellites grâce à la très belle fiabilité d'Ariane 5 du haut de son record de 75 vols réussis d'affilée

En dépit d'une extinction de voix tenace, le PDG d'Arianespace Stéphane Israël est un PDG heureux. Il peut l'être surtout après le lancement très réussi d'Ariane 5 ES, qui a mis sur la bonne orbite jeudi quatre satellites Galileo. Et ce d'autant que le leader mondial en matière de services de lancement de satellites va le rester encore cette année. Grâce à la très belle fiabilité d'Ariane 5 du haut de son record de 75 vols réussis d'affilée et faute de concurrents cloués au sol à l'image de SpaceX (Falcon 9) et d'International Launch Services (Proton). Mais les deux lanceurs rivaux d'Ariane 5 sont censés repartir d'ici à la fin de l'année.

"Nous avons fait une très bonne année sur le plan opérationnel et nous avons tenu notre rang en matière de commercialisation de nos lanceurs", a résumé vendredi Stéphane Israël à La Tribune.

Sur le plan opérationnel, Stéphane Israël reste confiant pour atteindre les objectifs de lancements en 2016. Arianespace a déjà lancé six Ariane 5, deux Soyuz et enfin un Vega. Le 5 décembre, il opérera le vol du second lanceur italien de l'année (satellite militaire turc Gokturk 1), puis le 20 décembre celui d'Ariane 5 ECA (Star One D1 and JCSAT 15). Soit comme prévu 7 Ariane 5, 2 Vega et 2 Soyuz.

Huit satellites de plus dans le carnet de commandes

En dépit d'un marché de lancement peu actif, Arianespace a réussi à signer à un mois et demi de la fin de l'année six lancements pour Ariane 5 : un satellite de télécoms pour le compte de l'opérateur américain ViaSat (Viasat-2), deux pour le ministère de la défense français (deux satellites de télécoms militaires Comsat-NG), un satellite de communication pour le compte de l'agence spatiale indienne (ISRO) et, enfin, deux gros satellites pour des clients non révélés.

Pour sa part, le petit lanceur italien Vega a obtenu deux contrats, CERES (Capacité de Renseignement d'origine Electromagnétique Spatiale) pour le compte du CNES et de la direction générale de l'armement (DGA) et le satellite ADM-Aeolus, mission clé dans le cadre du programme européen Earth Explorer. Enfin, Soyuz pourrait débloquer son compteur d'ici à la fin de l'année. Au total, Arianespace a gonflé son carnet de commandes de huit nouveaux satellites (contre 14 contrats en 2015). Pour autant, Stéphane Israël garde espoir de signer encore des contrats d'ici à la fin de cette année. Notamment pour le lanceur russe Soyuz.

"Des projets s'accélèrent et il y a des négociations dans les tuyaux depuis le mois d'octobre. Nous avons des espoirs de signature d'ici à la fin de l'année", confirme-t-il.

"Nous avons un programme de lancements complet jusqu'à fin 2018", précise également Stéphane Israël. Pour pouvoir lancer de nouveaux satellites en 2017 et 2018, la société de lancement européenne doit par exemple attendre que des fenêtres de lancement (slots) se libèrent grâce à un éventuel retard de fabrication d'un satellite. A moins qu'Airbus Safran Launchers (ASL) n'introduise un lanceur supplémentaire dans ses cadences comme il l'a récemment fait.

Car selon le PDG d'Arianespace, "la disponibilité est devenue clé pour les opérateurs qui souhaitent lancer le plus vite possible. Les clients formulent de plus en plus cette exigence. Par conséquent, nous portons tous nos efforts sur la disponibilité de nos lanceurs". C'est pour cela qu'Arianespace a fait le choix de jouer la transparence la plus totale en amont avec ses clients... quitte à les décevoir pour mieux les surprendre in fine. Ce qui ne ressemble pas aux pratiques du secteur où tous les acteurs cachent les cartes au maximum. Soit pour garder les clients (lanceurs) ou les créneaux (constructeurs de satellites et opérateurs).

Du côté de la concurrence, Proton, qui n'a jamais mis autant de temps pour revenir en vol, a rentré au moins deux contrats (Eutelsat et Orbital ATK). International Launch Services (ILS) a prévu de lancer au mois de décembre EchoStar 21. Pour sa part, SpaceX, qui ne communique pas sur les contrats gagnés, en a vraisemblablement remporté trois vers l'orbite géostationnaire. La société du milliardaire Elon Musk, qui a retenu un client souhaitant partir pour Arianespace, prévoit de lancer deux fois avec Falcon 9 d'ici à la fin de l'année : EchoStar 23 et 10 satellites de la constellation Iridium.

Un marché commercial qui se complique

"Le marché est calme", souligne le PDG d'Arianespace. Pour deux bonnes raisons, selon lui : les opérateurs des flottes de satellites sont sous pression en raison des tensions sur leur rentabilité et sur leurs prix, des surcapacités en orbite invoquées par certains, et de deux lanceurs majeurs cloués au sol. "Ces différents paramètres provoquent un certain attentisme de nos clients, explique-t-il. Ensuite, pour les projets qui seront à lancer au cours de la décennie 2020, les opérateurs misent sur de nouvelles perspectives de croissance, grâce notamment aux marchés de la connectivité et de la mobilité, avec le cas échéant des constellations".

Arianespace doit également faire face à la forte agressivité commerciale d'ILS, qui casse à nouveau les prix des lancements des gros satellites, observe Stéphane Israël. Et à l'image de la baisse des prix de lancement des petits satellites qu'il avait obtenu fin 2013 en vue de limiter les effets de l'arrivée tonitruante de SpaceX, il constate une pression accrue sur les prix des gros. Au point de les ajuster à la baisse ? Cette tactique avait été payante en 2014 et 2015, Arianespace raflant la quasi intégralité des petits satellites sur le marché. En sera-t-il de même avec les gros? A ce stade, Stéphane Israël reste prudent, insistant sur le différentiel de fiabilité entre Ariane et ses concurrents, et s'interrogeant sur la performance réelle du Falcon 9, au vu des risques pris par l'opérateur pour la pousser.

Bref, le marché des lancements va être très, très chaud à l'horizon à partir de 2017, puis de la prochaine décennie. D'autant que l'alliance entre Lockheed Martin et Boeing dans le cadre d'United Launch Alliance (ULA) va arriver en 2020 elle aussi sur le marché commercial avec le Vulcan, successeur de l'Atlas et du Delta. ULA souhaite réaliser 20% de son chiffre d'affaires sur le marché commercial, pour compenser ce que lui a ravi SpaceX sur le marché américain. Sans oublier le lanceur indien GSLV en bonne voie de maturation, le futur lanceur japonais H3 en voie de développement et, enfin, les projets de Jeff Bezos...

Les atouts d'Arianespace

Face à la gourmandise commerciale des nouveaux comme des anciens acteurs de ce marché, Arianespace peut toujours compter sur la fiabilité de ses lanceurs, à commencer par Ariane 5. Mais, regrette Stéphane Israël, la fiabilité ne pèse plus aussi fort sur les prix que lorsque la situation des opérateurs était plus florissante. Car, estime-t-il, les clients ne sont plus prêts comme ils l'étaient il y a encore deux, trois ans, à signer à des prix nettement plus élevés pour des lancements plus sûrs. Une telle situation pourrait ainsi générer une fin d'exploitation d'Ariane 5 (prévue pour 2023) sur le plan économique sous tension.

Entre fiabilité, disponibilité et compétitivité prix, les opérateurs font parfois le pari des prix bas...au détriment de la fiabilité et sans trop chercher à challenger leur fournisseur sur la disponibilité réelle du lanceur qu'ils achètent. Or, "on ne peut pas diviser les coûts par deux avec Ariane 5, comme nous le ferons avec Ariane 6", fait-il valoir.

Par ailleurs, avec l'élection de Donald Trump à la tête des États-Unis, le taux de change risque d'être favorable aux industriels qui exportent comme Arianespace... si bien sûr le nouveau président américain fait ce qu'il a promis de faire. Actuellement l'euro se traite sur le marché des changes contre 1,0620 dollar environ. "Pour nous, c'est un dollar très bon", sourit Stéphane Israël. Enfin en 2020, "l'avenir va se clarifier avec Ariane 6", espère Stéphane Israël, enfin soulagé de la confirmation du programme par l'Agence spatiale européenne (ESA). Le futur lanceur européen sera présent sur les deux segments des petits et gros satellites avec des prix attractifs.

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Commentaires 4
à écrit le 22/11/2016 à 23:09
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J'avais cru comprendre que la création de la Joint Venture ASL (AirbuSafran Launchers) - fournisseur du lanceur d'A5 à Arianespace devait permettre de réduire les couts en supprimant des notions de de client / fournisseur. ... et de ce fait, qu'Aria...

à écrit le 22/11/2016 à 18:05
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Concernant SpaceX, attendons le retour en vol de sa fusée. Laissons la com à la com. La NASA n'a pas l'air très contente de méthode de remplissage du LOX sur refroidi qui est nécessaire pour la récupération du premier étage de la Falcon9. NI la FAA d...

à écrit le 22/11/2016 à 13:24
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Rien, n'est jamais gagnier dans ce bas monde, la concurante est americains,russe, demain chinoise et indienne.... Maintenant il nous faut nous distinguer sur differante piste, fiabilité, efficacité, prix du kg dans l'espace.... Maintenant nous devons...

à écrit le 22/11/2016 à 9:08
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Il faut laisser crier les discount de la mise sur orbite et continuer dans cette belle régularité de succès qui fait ariane espace. Il faut que les clients qui ne voient que la marge bénéficiaire se cassent les dents sur les autres lanceurs, qu'i...

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