Lanceurs spatiaux : vers un divorce à l'italienne entre Avio et Arianespace

Le gouvernement italien a demandé à l'Agence spatiale européenne de retirer les lanceurs de la famille Vega du portefeuille commercial d'Arianespace. Un dossier à l'agenda du sommet spatial de Séville, prévu les 6 et 7 novembre.
Michel Cabirol
« Arianespace comme beaucoup d'initiatives dans le secteur spatial a été créée à une époque où l'Europe n'était absolument pas dans une logique de compétition ou de concurrence, mais dans des logiques de pures coopérations », analyse-t-on.
« Arianespace comme beaucoup d'initiatives dans le secteur spatial a été créée à une époque où l'Europe n'était absolument pas dans une logique de compétition ou de concurrence, mais dans des logiques de pures coopérations », analyse-t-on. (Crédits : DR)

C'est peut-être l'heure du Vexit (contraction de Vega et exit)... C'est le nom de code donné pour le divorce entre Arianespace et Avio, le constructeur italien des lanceurs de la famille Vega, qui pourrait être très certainement consommé lors du sommet spatial de Séville prévu les 6 et 7 novembre prochain. Ce dossier est d'ailleurs inscrit à l'agenda de ce sommet qui sera important pour la filière européenne notamment dans le domaine des lanceurs et de l'exploration spatiale. Contacté par La Tribune, Avio a répondu qu'« il n'avait aucune information à ce sujet ». Quant à l'Agence spatiale européenne (ESA), interrogée par La Tribune, elle n'a pas donné suite à nos demandes.

Selon nos informations, le gouvernement italien a fait une demande officielle pour retirer les lanceurs Vega de l'orbite d'Arianespace, la société qui commercialise actuellement les lanceurs Ariane et Vega. Pour autant, « il n'est pas sûr encore que le sommet de Séville donne une réponse définitive à l'issue de ce sommet », explique-t-on à La Tribune. Il y sera notamment question des modalités de sortie d'Avio.

Un vieux rêve de Giulio Ranzo

La rupture semble définitive entre la France et Avio même si son PDG Giulio Ranzo souhaite rester... au Centre spatial guyanais (CSG) pour lancer Vega-C, et puis très certainement Vega E (+ 20% de performances), qui pourrait se révéler être un futur concurrent pour Ariane 62 et dont le premier vol est actuellement prévu en 2026. C'est un vieux rêve de Giulio Ranzo de voler de ses propres ailes sur le plan commercial depuis la fin des années 2010 pour des questions d'autonomie stratégique. Son rêve de bâtir un « Vega Space » avait été mis entre parenthèses à la suite du premier échec de son lanceur Vega en juillet 2019, suivi d'un deuxième en novembre 2020.

Cette nouvelle initiative n'est donc pas surprenante. Il l'a relancé en 2022 et avait réussi à convaincre l'ancien gouvernement de le suivre dans cette aventure. Mais les élections parlementaires italiennes ont désigné en octobre 2022 une nouvelle majorité. Résultat, toute la filière des lanceurs a été suspendue pendant des mois à la position du nouveau gouvernement italien. « Je constate aujourd'hui que le gouvernement italien suit les positions de Giulio Ranzo », précise-t-on à La Tribune. Tout comme le groupe Leonardo, actionnaire à hauteur de 29% du constructeur des lanceurs Vega.

Le PDG d'Avio, lui-même actionnaire d'Avio à travers un véhicule d'investissement In-Orbit SpA créée en 2016 avec 50 cadres de la société (4,07 % du capital), a été tenace. Pour autant, cette nouvelle initiative arrive au moment où Vega-C est cloué au sol jusqu'au dernier trimestre de l'année prochaine en raison d'un problème récalcitrant de tuyère. En décembre 2022, le deuxième lancement de Vega-C (VV22) a été un échec total.

Un départ inéluctable

En France, tout le monde s'est résolu à ce départ même si beaucoup estiment qu'Avio fait une erreur stratégique. Mais « on ne force pas des gens à rester ensemble. Et forcer des gens à rester ensemble s'ils n'ont pas envie de le faire, cela ne marche jamais », explique-t-on à La Tribune. Très clairement la décision de l'Italie n'est pas une bonne décision pour l'Europe spatiale des lanceurs, qui devient de plus en plus un champ de ruines en matière de coopérations. Avio et ArianeGroup devront néanmoins faire vivre leur coopération sur les boosters P120C qui équipent à la fois Vega C et Ariane 6. Dans le cadre de la rationalisation du modèle industriel des lanceurs Ariane et Vega, les deux industriels fabriquent chacun une partie de ses boosters, contenant 142 tonnes de propergol solide au décollage des deux lanceurs.

« Arianespace comme beaucoup d'initiatives dans le secteur spatial a été créée à une époque où l'Europe n'était absolument pas dans une logique de compétition ou de concurrence, mais dans des logiques de pures coopérations », analyse-t-on.

A partir du moment où cette logique de compétition est en train de supplanter la logique de coopération, beaucoup de questions doivent être reposées dans le secteur spatial européen, dont celle concernant Arianespace. Et pourtant la France a tout fait pour retenir l'Italie et Avio dans une logique de coopérations. Arianespace a toujours joué le jeu pour Avio en allant gagner des satellites pour Vega puis pour Vega-C, dont le carnet de lancements est rempli (17 lancements prévus) alors que la famille des lanceurs italiens traverse une période extrêmement compliquée. Surtout, en dépit du pessimisme du gouvernement français, ArianeGroup a essayé de convaincre Avio de se lancer à deux dans une coopération sur un programme en commun à Avio. En vain...

Michel Cabirol

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Commentaires 12
à écrit le 12/12/2023 à 11:19
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Il n'y a pas de patriotisme européen. L'Europe est souvent évoquée dans les discours du dimanche, mais en fait, chaque pays européen préfère ses intérêts. Les projets européens sont basés sur un compromis paresseux. La réalité européenne est détermin...

à écrit le 26/10/2023 à 18:43
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En France la fatuité a remplacé la compétence depuis que l'Europe a permis de diluer les responsabilités en les masquants dans la foule technocratique de Bruxelles.

à écrit le 26/10/2023 à 17:56
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Si on entre dans une logique de compétition pourquoi ne pas dissoudre Arianespace et soutenir en France des start-up plus dynamiques? Sinon si on continue à mettre l'argent dans cette usine à gaz commune l'industrie spatiale française va disparaître ...

le 27/10/2023 à 1:50
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Ça, c’est ce que les autres européens voulaient faire avec nous, et c’est ce q’Ariane n’a pas voulu voire. Donc, oui, ça pete. Est-ce la faute des européens?

à écrit le 26/10/2023 à 15:02
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Ah bon rene va rembourser les aides européennes ?… s’ils la jouent solo que les italiens…

à écrit le 26/10/2023 à 12:01
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J'avais été effaré d'apprendre l'échec d'un des 2 lancements suite à une inversion humaine de câbles. De toute évidence, il y a déjà un gros problème de recrutement et de surveillance, certains employés n'ayant clairement pas compris les enjeux, et n...

le 26/10/2023 à 13:11
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"Ils défendent désormais ouvertement les seuls intérêts américains" Macron est un Young leaders (French-American Foundation fondée en 1976 ) comme d'autres membres de ce gouvernement ( Véran, Édouard Philippe ,Amélie de Montchalin,Agnès Pannier-Ru...

le 26/10/2023 à 15:25
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"On a vu le désastre Gallileo, son retard ubuesque, ses pannes d'horloges atomiques franchement indécentes." (heureusement qu'il y a un maser en plus de l'horloge) vous parlez du projet initial ou son évolution ? L'Allemagne voulait, comme souvent, a...

le 26/10/2023 à 23:17
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LOL, nous sortir le proverbe de "l'union fait la force" pour défendre... l'UE ! Ce proverbe fait référence à l'union d'un groupe, de proches ou de membres d'une nation et certaienment pas à un conglomérat hétéroclite de 27 nations, l'addition de 27 f...

à écrit le 26/10/2023 à 9:14
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Pas de problème, ce mauvais cap va être réglé avec la certitude et l'arrogance d'un nouveau 49.3... Il serait plus que temps que notre couteuse petite élite regarde l'état réel de la France, reflet de leur travail..

à écrit le 26/10/2023 à 7:07
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Guère étonnant en effet... Et encore l'article ne mentionne pas le délire administratif que l'on trouve à Kourou surtout quand on fait la comparaison avec d'autres sites tout particulièrement Américain et même Russe ( les Russes ont digitalisé les pr...

à écrit le 26/10/2023 à 6:54
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Il y a quand même des signaux qui devraient appeler Ariane à se réformer. Cette société est un scandale. Quand vont-ils comprendre que leur société n’est pas immortelle, que le niveau de compétence explose au niveau européen et mondial? Le management...

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