Les cinq graves vulnérabilités qui pèsent sur la future loi de programmation militaire (2/2)

Le retour de la poudre de Perlimpinpin? Possible avec la loi de programmation militaire qui se termine au-delà du quinquennat d'Emmanuel Macron en 2025. D'autant que la trajectoire financière se cabre très fort en fin de LPM (2023-2025).
Michel Cabirol
Les budgétaires du ministère des Armées vont devoir s'équiper de piolets et de crampons pour respirer l'air des sommets. Car pour atteindre le pic de 50 milliards d'euros et donc les fameux 2% du PIB en 2025, le budget des Armées devra être augmenté de trois milliards d'euros par an sur trois ans (2023-2025). Une trajectoire financière inédite.
Les budgétaires du ministère des Armées vont devoir s'équiper de piolets et de crampons pour respirer l'air des sommets. Car pour atteindre le pic de 50 milliards d'euros et donc les fameux 2% du PIB en 2025, le budget des Armées devra être augmenté de trois milliards d'euros par an sur trois ans (2023-2025). Une trajectoire financière inédite. (Crédits : POOL New)

La future loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 est-elle aussi sincère que la présente l'Elysée et le ministère des Armées. Son exécution sera le seul juge. Faut-il rappeler que la trajectoire financière des précédentes LPM n'a jamais été respectée. Au-delà de ce constat, on peut d'ores et déjà pointer trois très graves menaces et deux interrogations qui pèsent sur la sincérité de la LPM 2019-2025 ... Même si cette dernière consacre néanmoins une remontée en puissance de l'effort de défense de la France. Du moins au niveau des promesses. Ce qui n'est déjà pas si mal.

1/ Une LPM qui finit après le quinquennat d'Emmanuel Macron

Première vulnérabilité, et non des moindres, la loi de programmation militaire se termine au-delà du quinquennat d'Emmanuel Macron en 2025. Et c'est cette année-là que l'effort de défense atteindra les fameux 2% du PIB. Cela n'engage bien sûr qu'Emmanuel Macron et son gouvernement mais certainement pas le prochain président... à moins que les Français votent à nouveau en 2025 en faveur de l'actuel Chef de l'Etat pour qu'il rempile à l'Elysée. Pour l'heure, cette promesse des 2% en 2025 est très clairement de la poudre de Perlimpinpin, une expression utilisée en mai 2017 par Emmanuel Macron alors en campagne, lorsqu'il évoquait le programme de Marine Le Pen. A suivre...

2/ Une hausse des crédits vertigineuse en fin de LPM

La LPM 2019-2025 prévoit sur une période de sept ans des besoins à hauteur de 295 milliards d'euros, couverts de manière ferme jusqu'en 2023 (198 milliards d'euros de crédits budgétaires). Pour atteindre un effort de défense à 2% du PIB - l'objectif affiché par Emmanuel Macron -, la trajectoire financière se cabre très fort en fin de LPM (2023-2025). Entre 2019 et 2022, la hausse des crédits de la mission Défense est programmée à hauteur de 1,7 milliard d'euros. En 2022, le budget du ministère des Armées atteindra alors 41 milliards d'euros (hors pensions).

C'est donc après 2022 que les budgétaires du ministère vont devoir s'équiper de piolets et de crampons pour respirer l'air des sommets. Car pour atteindre le pic de 50 milliards d'euros et donc les fameux 2% du PIB en 2025, le budget des Armées devra être augmenté de trois milliards d'euros par an sur trois ans (2023-2025). Une trajectoire financière inédite, qui exigera une volonté politique sans faille et une guérilla féroce face à Bercy. Le ministère de l'Action et des Comptes publics aura d'ailleurs son mot à dire dès 2021. "Les ressources pour les armées 2024 et 2025 seront précisées lors d'une actualisation prévue en 2021", qui prendra en compte "la situation macroéconomique à cette date, dans l'objectif de porter l'effort national de défense à 2% du PIB en 2025", a expliqué jeudi le ministère des Armées.

3/ Trois théâtres d'opérations extérieures, est-ce sincère?

Le débat sur le nombre des théâtres d'opération extérieure (OPEX) sur lesquels les armées peuvent s'engager simultanément a été l'une des source de conflits entre les armées et le gouvernement. Durant le quinquennat de François Hollande, la multiplication des OPEX a été à l'origine de la surchauffe des armées. Ce débat a été clos par le ministère des Armées. Ce sera trois au maximum (contre deux à trois dans le Livre blanc de 2013). Or l'armée française intervient déjà au Sahel (Barkhane), au Levant (Chammal) et au Liban (FINUL) comme l'a rappelé tout récemment Emmanuel Macron lors de ses vœux aux armées. Il y a peu de temps encore  le Centrafrique était considéré comme une OPEX à part entière.

Cette décision ne permet plus au Chef de l'Etat d'ouvrir le cas échéant un nouveau front. En théorie, bien sûr... Car les armées sauront faire pour se lancer en solo ou en coopération sur un nouveau théâtre. Limiter les théâtres opérationnels à trois a surtout permis au ministère de contenir les dépenses d'équipements. Ainsi, l'Hôtel de Brienne va donc augmenter très faiblement le nombre d'avions de combat engagés dans les OPEX : 14 contre 12 avions prévus actuellement dans le cadre du Livre blanc de 2013. Pourtant l'état-major des armées a dû engager au plus fort des combats plus de 20 avions en OPEX.

Le ministère des Armées assume complètement ce choix et souhaite pérenniser l'action des forces armées sur un théâtre d'opération de façon durable. C'est pour cela qu'il préfère élever le taux de disponibilité des équipements plutôt que d'en acquérir de nouveaux. C'est frapper au coin du bon sens... à condition que la réforme de l'organisation du maintien en condition opérationnelle  (MCO) porte rapidement ses fruits. La pression va être énorme sur la nouvelle Direction de la maintenance aéronautique (DMAé)... même si la LPM ne fixe - étonnamment - aucun objectif chiffré dans le cadre du redressement du taux de disponibilité des matériels. Un échec entraînerait une nouvelle surchauffe des moyens des forces armées à l'image notamment de l'armée de l'air. Ce pari est l'une des clés de la réussite de cette LPM.

Florence Parly y met les moyens. La future LPM consacre un effort financier significatif à l'entretien programmé du matériel (EPM) qui doit permettre un relèvement important des taux de disponibilité des équipements des forces armées (22 milliards d'euros sur 2019-23, soit 4,4 milliards d'euros par an en moyenne, pour une programmation prévisionnelle de 35 milliards d'euros sur la période de la LPM 2019-2025). Cela représente un effort financier de plus de 1 milliard d'euros par an en moyenne par rapport à la LPM précédente.

4/ L'innovation au bord de la route

C'est l'une des très grosse déception de cette LPM. 1 milliard d'euros pour le soutien à l'innovation (études amont), c'est peu, beaucoup trop peu. D'autant plus que le ministère des Armées prévoit 1 milliard d'euros... en 2022 (contre 730 en 2018). Le minimum du minimum aurait été d'atteindre 1,5 milliard d'euros. Selon nos informations, l'état-major aurait freiné la hausse des crédits d'innovation.

Dans un monde où les ruptures technologiques se multiplient, la France ne se met pas en position de gagner la guerre du futur. Elle se gagne pourtant dès aujourd'hui en mettant de l'argent, beaucoup d'argent - le nerf de la guerre. Florence Parly aurait pu incarner cette volonté de doter les armées de matériels disruptifs à l'horizon 2030. Il n'est pas encore trop tard. Mais il faut aller vite après une LPM 2014-2019 de survie.

Seule exception à ce constat désopilant, la France poursuit son effort dans le domaine de la cyberdéfense. Ainsi, 1.500 postes supplémentaires vont être créés dans la cyberdéfense et l'action numérique sur la période 2019-2025. Il est prévu de porter à 4.000 le nombre de combattants cyber (contre 3 000 aujourd'hui). En outre, ces derniers feront l'objet d'une protection judiciaire particulière (excuse pénale pour des faits commis dans l'exercice de leur action potentiellement répréhensibles).

5/ Les armées paieront le surcoût des OPEX

C'était pourtant l'une des promesses du candidat Macron. Dans son discours du 18 mars 2017, il avait été très clair sur le financement des surcoûts des OPEX (opérations extérieures): "Nous devons augmenter notre effort de défense. Je propose donc de porter les ressources de la défense à 2% de la richesse nationale, mesurée en termes de Produit Intérieur Brut, en 2025. C'est un objectif très ambitieux : si on tient compte des hypothèses actuelles de croissance du Produit Intérieur Brut dans les prochaines années, ce budget atteindra, hors pensions et hors surcoûts OPEX (opérations extérieures, ndlr), plus de cinquante milliard d'euros en 2025, contre 32 en 2017 (en fait, 32,7 milliards, ndlr)".

Aujourd'hui, la LPM 2019-2025 prévoit de porter progressivement la provision OPEX et MISSINT (missions intérieures) au niveau de 1,1 milliard d'euros en 2020, comme La Tribune l'avait annoncé. La "sincérisation" du budget des Armées se fait donc contre les militaires. D'autant que, selon nos informations, Matignon aurait déjà verbalement averti l'Hôtel de Brienne que le ministère des Armées paiera en 2018 les surcoûts jusqu'à 1,1 milliard d'euros. Soit bien au-delà de la provision des 650 millions d'euros de la loi de finances 2018.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 27
à écrit le 11/02/2018 à 9:38
Signaler
Il devrait être interdit de s engager sur des dépenses après son mandant Macron doit faire des projets jusqu’en 2022 Le reste c’est biensur du baratin Là ministre est prête à n importe quoi pour avoir son poste macron peut avoir confiance en elle MD...

le 12/02/2018 à 13:02
Signaler
Si on suit votre raisonnement, aucun gros projet ne pourrait se faire. Perso ça ne e dérangerait pas que certains soient supprimés de suite comme les JO de 2024. Pour bâtir l'avenir, il est en revanche nécessaire de voir plus loin que le mandat des p...

à écrit le 11/02/2018 à 8:50
Signaler
Les armée payeront les opex sur leurs deniers (qu ils ne payaient pas avant ) !!donc l augmentation du budget est un faux semblant !!le général de Villiers l avait bien compris

à écrit le 10/02/2018 à 23:09
Signaler
Vous avez oublié de mettre dans votre équation la futur Europe de la défonce monté par la droite conservatrice européenne. Il faut aussi parler de notre ami M. le Député Dassault (on garde le titre)de chez LR et de son industrie qui va pouvoir rempli...

à écrit le 10/02/2018 à 19:06
Signaler
Ce quinquennat sera comme le précédent et ceux d'avant, une grande assiette avec beaucoup de publicité et rien de dedans pour les armées. Tout est en théâtre d'ombres et d'intentions, toutes plus vicieuses les unes que les autres. Mensonges et promes...

à écrit le 10/02/2018 à 12:42
Signaler
295 milliards pour l'armée + 2200 milliards de déficits = 2495 milliards de déficit à inscrire sur l'ardoise des français. Notre Napoléon c'est taxé. On est rassuré.

le 11/02/2018 à 11:39
Signaler
Macronléon plutôt

à écrit le 10/02/2018 à 8:48
Signaler
Avant les "cinq graves vulnérabilités" qui pèsent sur la future loi de programmation militaire, la principale est que l'on ne soit plus souverain de nos choix ou décisions du fait de notre appartenance a l'OTAN et a l'UE. Avec cette future loi, on es...

à écrit le 09/02/2018 à 22:55
Signaler
et qui paie tout cela : l'agriculteur qui est en train de crever, l'artisan qui s'effondre ou l'industriel qui est en passe de disparaitre au point d'avoir un commerce exterieur fortement déficitaire !!!! c'est formidable d'avoir des budget pour gave...

le 11/02/2018 à 10:05
Signaler
Il faut admettre que la France est dirigée par des autorités supranationales (OTAN, UE). Pour mémoire, 50 à 60% de nos lois sont des transpositions du droit européen dont 100% pour l'agriculture, 80% pour l'environnement et plus modestement pour les ...

à écrit le 09/02/2018 à 21:47
Signaler
"Une trajectoire financière inédite, qui exigera une volonté politique sans faille et une guérilla féroce face à Bercy." Ah bon ! Parce que le ministre des finances et les fonctionnaires de Bercy ne sont pas dans l'obligation de suivre les directives...

à écrit le 09/02/2018 à 17:14
Signaler
Maintenant on le sait. Pas de 2è porte-avion nucléaire, mais un nouveau porte-avion nuncléaire ( ? ) pour remplacer le " de Gaulle." Est ce que la durée de vie du " de Gaulle " semble limitée? Quelle sont les raisons?

le 12/02/2018 à 13:13
Signaler
Vous êtes immortel vous? Vous savez combien de temps il a falllu pour construire le Charles de Gaulle et quelle est son espérance de vie actuelle? Le Clémenceau est resté en service 36 ans. Le Charles de Gaulle est en service depuis 2001 et a mis 14 ...

à écrit le 09/02/2018 à 16:30
Signaler
Immédiatement dans la critique du Président mais c'est habituel dans ce journal !

le 09/02/2018 à 18:33
Signaler
Non, c'est objectif....renvoyer l'effort budgétaire sur le prochain quinquennat d'autres l'ont fait avant lui avec le succès que l'on connaît, il y a de multiples exemples 😂😂😂 n'est ce pas au final faire de la vieille politique.... ? A moins que notr...

le 09/02/2018 à 22:01
Signaler
@ Delahaut Vous pensez à quoi au juste quand vous dites ''on ne peut que lui souhaiter de réussir!''... est-ce en fait de dire que vous n'y croyez pas du tout... et probablement moins que moins. Vous n'êtes donc pas de ceux qui ont une foi inébra...

à écrit le 09/02/2018 à 15:29
Signaler
Très symptomatique de la gouvernance Macron, le renoncement aux promesses de campagne telles qu’il les avait formulées : pour la loi travail c’était, entre autres, le renoncement à l’inversion des normes et la conservation de la branche dans le dispo...

à écrit le 09/02/2018 à 14:24
Signaler
La France assure la sécurité de l'UE, bouclier nucléaire et lutte contre le terrorisme. Il serait , dans ces conditions, normale que nos partenaires de l'UE, contribuent financièrement à nos dépenses militaires.

le 09/02/2018 à 17:31
Signaler
pas du tout. l´OTAN est également en Europe avec des très gros budgets pour sa défense . la France veut faire payer par toute l´europe sa chasse gardée de la France Afrique ou "a fric" et les gue-guerres en libye et autre qui ont déstabilisés la ...

le 09/02/2018 à 19:29
Signaler
Mais, au fait, quels sont les pays européens qui ont demandé à la France d'être le gendarme ou le gardien de l'Europe.. aucun ! Cette annonce me rappelle encore des discussions récentes sur NDDL où l'on croit encore (et toujours) qu'il suffit de...

à écrit le 09/02/2018 à 13:04
Signaler
Comme il tient à assurer les arrières de ses petits copains de la finance et de l'industrie, macron se lance dans des "lois de programmation" qui ne tiennent pas la route. Et certainement pas la route économique et financière. Surendettée, la france ...

à écrit le 09/02/2018 à 13:04
Signaler
Comme il tient à assurer les arrières de ses petits copains de la finance et de l'industrie, macron se lance dans des "lois de programmation" qui ne tiennent pas la route. Et certainement pas la route économique et financière. Surendettée, la france ...

le 09/02/2018 à 15:12
Signaler
Très pertinent comme commentaire et analyse. Depuis qu'il est à l'élysée, macron pense avant tout à ses trop proches amis de la finance et de l'industrie ainsi qu'à lui-même. Faut dire qu'il a un égo inversement proportionnel à ses compétences d'anci...

à écrit le 09/02/2018 à 12:33
Signaler
Comme disait Alphonse Allais "Dites du bien de vous, parce que lorsque cela reviendra, vous aurez oublié d'où c'est parti, et puis cela fait toujours plaisir". Macron et ses engagements de budget pour la Défense, c'est pareil, plus le mensonge est lo...

à écrit le 09/02/2018 à 10:46
Signaler
C'est au niveau de tout ce que fait M. MACRON, qui est beaucoup plus tourné vers me marketing que de faire réellement du concret. Souvenez-vous : au mois de décembre, la presse française était en pamoison devant la future loi alimentation du gouvern...

à écrit le 09/02/2018 à 10:46
Signaler
C'est au niveau de tout ce que fait M. MACRON, qui est beaucoup plus tourné vers me marketing que de faire réellement du concret. Souvenez-vous : au mois de décembre, la presse française était en pamoison devant la future loi alimentation du gouvern...

à écrit le 09/02/2018 à 10:31
Signaler
Un bon article encore une fois, vous êtes un véritable professionnel, votre travail fait vraiment plaisir à lire même si vous imposant de parler du chef des armées en permanence qui n'est autre que macron dont les médias de masse français nous soulen...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.