Mission ExoMars : et ça repart sans les Russes

Plus de deux ans après le coup d'arrêt du programme ExoMars en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Agence spatiale européenne (ESA) lance un sprint pour un lancement depuis le Centre spatial Kennedy de cette mission en 2028 vers la planète rouge. Thales Alenia Space est le grand gagnant de l'arrêt en 2022 de la coopération avec la Russie.
Michel Cabirol
Maître d'œuvre industriel de la mission ExoMars 2028, TAS est responsable de la conception de l'EDLM, du développement de l'altimètre-radar, de l'intégration de l'ALD (Analytical Laboratory Drawer) sur le rover, et du développement de l'ordinateur de bord. La société est également responsable des activités d'assemblage, intégration et test (AIT), et de la supervision de la campagne de lancement.
Maître d'œuvre industriel de la mission ExoMars 2028, TAS est responsable de la conception de l'EDLM, du développement de l'altimètre-radar, de l'intégration de l'ALD (Analytical Laboratory Drawer) sur le rover, et du développement de l'ordinateur de bord. La société est également responsable des activités d'assemblage, intégration et test (AIT), et de la supervision de la campagne de lancement. (Crédits : Thales Alenia Space)

La malédiction d'ExoMars, un programme lancé en 2003 pour explorer la surface de Mars, va-t-elle enfin se terminer ? Initialement prévu en 2018 (retards industriels), puis en 2020, le lancement de cette mission européenne avait été reporté à cause de la pandémie de Covid, à septembre 2022. Mais la guerre en Ukraine a brutalement arrêté la coopération russo-européenne entre l'agence spatiale russe Roscosmos et l'Agence spatiale européenne (ESA) à la demande des États européens. En mars 2022, le rover européen Rosalind Franklin d'ExoMars était pourtant prêt à être expédié vers le cosmodrome de Baïkonour. Il devait décoller en septembre à bord d'un lanceur russe Proton avant de se poser sur le sol martien grâce à Kazatchok, un atterrisseur russe également. En vain, à nouveau.

Après la décision du conseil ministériel de l'ESA fin 2022 de poursuivre le programme avec une rallonge de 500 millions d'euros sur trois ans, l'ESA relance industriellement ExoMars (ExoMars 2028) avec pour objectif de remplacer les systèmes développés par les Russes, notamment l'atterrisseur. Dans ce contexte, Thales Alenia Space (TAS) a signé un contrat de 522 millions d'euros avec l'ESA, couvrant le développement du module de rentrée, descente et atterrissage EDLM (Entry,Descentand Landing Module) et les activités de maintenance et mise à niveau des véhicules déjà fabriqués pour la mission de 2022. La mission sera lancée depuis le Centre spatial Kennedy (KSC), en Floride, entre les mois d'octobre et décembre 2028. SpaceX (Elon Musk), Blue Origin (Jeff Bezos) et United Launch Alliance (ULA), la filiale commune entre Boeing et Lockheed Martin, devraient se disputer ce lancement.

« Aujourd'hui, nous célébrons la reprise d'un programme international extraordinaire, fruit de synergies constructives et de la coopération entre l'ESA, les autres agences nationales participantes et l'industrie spatiale », se réjouit le PDG adjoint de TAS et directeur des activités Observation, Exploration et Navigation, Massimo Comparini, cité dans le communiqué publié mardi.

Thales Alenia Space, maître d'oeuvre d'ExoMars 2028

Au moment où TAS traverse une période difficile dans ses activités de télécoms civiles, la filiale spatiale de Thales poursuit une trajectoire de forte croissance dans ses autres métiers, notamment l'exploration, dont les activités sont essentiellement situées en Italie. Maître d'œuvre industriel de la mission ExoMars 2028, TAS est responsable de la conception de l'EDLM, du développement de l'altimètre-radar, de l'intégration de l'ALD (Analytical Laboratory Drawer) sur le rover, et du développement de l'ordinateur de bord. La société est également responsable des activités d'assemblage, intégration et test (AIT), et de la supervision de la campagne de lancement.

« Aujourd'hui, le contrat ExoMars 2028 renforce la position de Thales Alenia Space en tant que chef de file du secteur de l'exploration spatiale », fait valoir le PDG de TAS, Hervé Derrey, cité également dans le communiqué. Et de rappeler que « du Soleil à Saturne et de Mercure à Vénus, en passant par Jupiter et Mars, nos solutions ont été de toutes les odyssées spatiales pour tenter de percer les secrets les mieux gardés de l'Univers ».

TAS dirigera par ailleurs les activités de maintenance du module de transfert (Carrier Module) et du rover Rosalind Franklin développé par Airbus Space, notamment les mises à niveau et la gestion des obsolescences. « Un audit et des tests complets du véhicule seront effectués pour garantir son aptitude à la nouvelle mission », précise TAS. De plus, certains éléments de la charge utile devront être remplacés. Ainsi, le nouveau spectromètre infrarouge Enfys sera intégré. Les travaux sur ce nouvel instrument seront menés par l'université d'Aberystwyth au Pays de Galles avec le soutien de l'UCL, du STFC RAL Space et de Qioptiq Ltd. Les batteries et réservoirs du module de transfert seront également remplacés, et des ajustements potentiels apportés pour s'adapter aux nouvelles trajectoires de vol prévues vers Mars. De nouveaux développements sur le module de descente et la plateforme d'atterrissage sont également au programme, mais l'avionique européenne du module de descente sera réutilisée.

Concrètement, TAS en Italie est à la tête d'un consortium industriel comprenant : Airbus Defence and Space au Royaume-Uni pour le rover et les systèmes mécanique, thermique et propulsif de la plateforme d'atterrissage ; ArianeGroup (France) pour le bouclier avant et la protection thermique de la capsule de rentrée ; OHB (Allemagne) pour le module de transfert ; et ALTEC (Italie) pour le Centre de contrôle des opérations du Rover (ROCC). Les équipes de TAS en France sont chargées de développer une partie de la capsule de rentrée (le bouclier arrière) et son parachute, tandis que TAS en Suisse fournira les chambres de combustion et l'unité électronique de commande (ECU) des rétrofusées du module d'atterrissage. En outre, TAS en Espagne fournit les commandes électronique de l'actionneur (ADE) du rover. Enfin, l'orbiteur TGO (Trace Gas Orbiter), qui sera en orbite autour de Mars, sera fabriqué sous la maîtrise d'œuvre de TAS.

L'Italie en pointe

La mission européenne vers Mars redémarre sous la supervision de l'ESA avec le soutien des agences spatiales italienne (ASI) et britannique (UKSA), dans le cadre d'un partenariat renouvelé avec la NASA, avec des objectifs scientifiques similaires à ceux de la mission originale. ExoMars 2028 représente un défi scientifique et technologique sans précédent, de l'utilisation de matériaux innovants pour la protection thermique lors de la rentrée dans l'atmosphère martienne jusqu'au développement logiciel du système de navigation, contrôle et atterrissage sur le sol martien. « Les travaux menés pour relever ces défis technologiques apporteront une contribution majeure à l'exploration robotique et humaine de cette planète et du système solaire », estime TAS.

Le programme ExoMars 2028 prévoit notamment la fourniture d'un rover européen capable de se déplacer de façon autonome sur le sol martien. Ce véhicule, dont l'arrivée sur Mars est prévue en 2030 à l'issue d'un long voyage, sera équipé d'une foreuse développée par Leonardo pour effectuer des carottages jusqu'à deux mètres de profondeur. Les propriétés chimiques, physiques et biologiques des échantillons ainsi collectés seront analysées directement sur site par le mini-laboratoire embarqué ALD (AnalyticalLaboratoryDrawer) développé par TAS. « L'un des objectifs de la mission sera de détecter la présence d'éventuels contaminants organiques, vivants ou fossilisés, qui seraient alors la preuve d'une vie existante ou antérieure sur la Planète Rouge », explique la filiale spatiale de Thales.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 09/04/2024 à 15:40
Signaler
Même hors le contexte de la guerre, vu les "succès" russes dans le domaine spatial ces dernières années, on ne peut qu’applaudir à cette décision.

à écrit le 09/04/2024 à 9:56
Signaler
"Agence spatiale européenne (ESA) lance un sprint" C'est caractéristique de l'UERSS empire prévu pour durer mille ans, soit ils ne font rien, soit ils se précipitent surtout à faire des annonces laissant à chaque fois un peu plus cette sensation d'am...

le 09/04/2024 à 15:00
Signaler
J'adorre lire des commentaires pleins de nuances....

le 09/04/2024 à 19:42
Signaler
Ah pourtant il n'y en avait pas.

à écrit le 09/04/2024 à 8:43
Signaler
Merci pour ce publi reportage.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.