Satellites de télécoms : Thales Alenia Space a continué à surperformer le marché en 2022

Thales Alenia Space est sur une belle dynamique depuis deux ans. En 2022, la filiale de Thales (67%) et du groupe italien Leonardo (33%) a notamment raflé la majeure partie du marché des satellites de télécoms en gagnant six satellites géostationnaires sur les huit en compétition sur lesquels il concourrait.
Michel Cabirol
En 2022, Thales Alenia Space a engrangé six nouvelles commandes de satellites de télécoms (SES 24, Intelsat 41 et 44, Arabsat 7A, Koreasat 6A et Eutelsat FlexSat).
En 2022, Thales Alenia Space a engrangé six nouvelles commandes de satellites de télécoms (SES 24, Intelsat 41 et 44, Arabsat 7A, Koreasat 6A et Eutelsat FlexSat). (Crédits : Thales Alenia Space)

Depuis deux ans, Thales Alenia Space (TAS) superforme le marché. Après une année 2021 exceptionnelle, le constructeur de satellites, dont le siège social est à Cannes, a poursuivi sa très belle trajectoire en 2022 mais sans pour autant égaler 2021 en matière de prises de commandes. Les nouveaux succès dans le domaine commercial ont été obtenus grâce à la nouvelle ligne de produits « Space Inspire » développée par TAS et actuellement très attractive pour les opérateurs de satellites, notamment les leaders ayant un accès au marché mondial (SES, Intelsat, Eutelsat...)

« Si on prend le cumul sur nos deux dernières années sur le marché commercial, nous avons une part de marché supérieure à 50%. Ce qui est historiquement très élevé pour Thales Alenia Space. 2022 est une année clé : nous avons la satisfaction d'avoir confirmé la place de Space Inspire sur le marché des satellites géostationnaires Software-Defined et notre place dans le domaine des télécoms », analyse le PDG de TAS, Hervé Derrey dans un entretien accordé à La Tribune.

L'année 2022 serait d'un millésime équivalent à celui de 2021 en termes de chiffre d'affaires. « Ce ne sera pas une année aussi exceptionnelle que 2021, mais ce sera un très bon cru », souligne par ailleurs le PDG de TAS, qui n'a pas souhaité donner de chiffre. Cela tient à l'avancement des projets sur le plan institutionnel (CNES et ESA), qui avancent par phase. En 2022, TAS a quand même vu neuf de ses satellites être lancés, dont le dernier SWOT (Surface Water and Ocean Topography) à bord d'un Falcon 9 de SpaceX le 16 décembre depuis la base militaire de lancement de Vandenberg en Californie.

Satellites géostationnaires : une année de folie

L'an dernier, TAS a engrangé six nouvelles commandes de satellites (SES 24, Intelsat 41 et 44, Arabsat 7A, Koreasat 6A et Eutelsat FlexSat). Soit à chaque fois des commandes largement supérieures à 100 millions d'euros. Mieux qu'en 2021 quand le constructeur franco-italien avait gagné cinq satellites (Sicral 3A et 3B, Telkom HTS 113 BT, Astra 1P, Astra 1Q pour SES), dont deux pour le compte de l'État italien (Sicral). En 2022, le constructeur franco-italien a donc gagné six satellites commerciaux sur les huit compétitions qui étaient ouvertes à l'international et auxquelles il a participé. En outre, il a signé un avenant au contrat de développement du système de télécoms Sicral 3 avec le ministère italien de la Défense, incluant le segment sol associé (un contrat également supérieur à plus de 100 millions d'euros).

« Le marché des télécoms est tellement exigeant en termes d'innovation et de recherche et développement (R&D) qu'il y a un certain nombre d'acteurs qu'on ne voit plus tellement sur ce marché. Ils n'ont pas réussi ou n'ont pas voulu suivre. C'est le cas des américains en particulier. Finalement, le seul acteur américain vraiment présent aujourd'hui, est Maxar sur ses marchés traditionnels. On ne voit pas encore les américains sur le marché du Software-Defined », explique Hervé Derrey.

Fin novembre, TAS a perdu une compétition face à Maxar. Le constructeur américain a signé un contrat avec Sirius XM pour la livraison de deux satellites avec des missions spécifiques SXM-11 et SXM-12 (radio broadcasting). Contrairement à Maxar, TAS devait développer une charge utile spécifique, ce qui le rendait beaucoup moins compétitif que son rival américain en dépit de la volonté initiale de Sirius XM de diversifier ses sources d'approvisionnement.

Par ailleurs, le constructeur tricolore n'a pas participé à deux autres compétitions : soit pour des raisons stratégiques (Intelsat 45), soit pour des raisons géopolitiques (satellite Express-AMU4 pour l'opérateur Russian Satellite Communication Company gagné en juillet par ISS-Reshetnev). TAS, qui a longtemps été avant l'invasion russe en Ukraine le fournisseur des charges utiles des satellites de télécoms de RSCC en partenariat avec ISS-Reshetnev, n'a plus accès à ce marché. S'agissant d'Intelsat 45, il a été gagné début novembre par l'équipementier suisse SWISSto12, qui a développé un minisatellite géostationnaire avec le produit novateur HummingSat. « C'est un marché sur lequel nous avons décidé de ne pas nous positionner parce que nous considérons que c'est un marché de niche », indique Hervé Derrey.

En outre, la société indonésienne Pasifik Satelit Nusantara (PSN) a commandé en mars dernier de gré en gré à Boeing le satellite Nusantara Lima, qui sera lancé par un Falcon 9 de SpaceX en 2023. Ce satellite, qui vise à fournir une capacité de 160 gigabits par seconde (Gbps) dans l'archipel indonésien et les pays voisins, va augmenter la capacité du satellite SATRIA-1 que Thales Alenia Space est en train de construire pour un lancement en 2023. Seul Boeing pouvait répondre à cette demande urgente de PSN en lui fournissant un satellite sur étagère.

Enfin, au-delà du marché des satellites de télécoms, Thales Alenia Space a remporté un contrat sur un marché commercial prometteur, la solution satellitaire d'accès réseau SpaceGate qui fournira une connectivité à large bande avec une efficacité optimale, afin d'accroître significativement les performances du segment sol et terminaux du satellite Eutelsat Konnect VHTS. Cette solution a « le potentiel » pour être adaptée à d'autres satellites de l'opérateur européen, peut-être Eutelsat 10B. Au-delà, cette solution offre un intérêt pour « toutes les capacités un peu souveraines dont souhaitera se doter l'Europe parce qu'à ce stade, il n'existe pas de solution européenne dans ce domaine », estime Hervé Derrey.

Exploration spatiale : les bons coups de TAS

TAS, qui est un acteur incontournable de l'exploration spatiale en Europe, dont les activités sont basées à Turin en Italie, croit beaucoup au développement d'un marché commercial. Après la signature d'un contrat de développement de deux modules pressurisés pour la station spatiale Axiom en 2021, le groupe franco-italien a signé en fin d'année dernière un contrat portant sur la première phase de la conception et de production du véhicule « REV1 »la première usine flottante de l'espace, ainsi que l'ouverture d'une filiale de Space Cargo Unlimited à Turin. « Nous projetons de développer un vaisseau spatial basé sur Space Rider mais avec des caractéristiques un petit peu différentes. L'objectif est de disposer d'un peu plus d'emport par rapport à Space Rider et d'avoir également un coût récurrent un peu plus compétitif », souligne le PDG de TAS.

« Notre expertise développée à Turin est telle que les autres acteurs, qui se positionnent sur ce marché, viennent tous nous voir pour nous demander de participer à leur projet de station privée », souligne le patron de TAS, qui livrera un premier module de la station Axiom en 2024 et le suivant en 2025. « A Turin, TAS bénéficie de personnels ultra-compétents dans ce domaine et qui ont la reconnaissance du marché par rapport à cette expertise. Y compris de la part de la NASA, dont les équipes ont énormément de respect pour les compétences techniques de Turin, dont le site a travaillé sur la station spatiale internationale ».

Sur le plan institutionnel, la conférence ministérielle des États membres de l'Agence spatiale européenne (ESA), qui s'est déroulée fin novembre, a confirmé le financement des deux premiers vols du système de rentrée européen Space Rider. Ce véhicule automatisé et réutilisable de prochaine génération offrira à l'Europe la capacité unique d'accéder régulièrement à l'orbite terrestre basse et d'en revenir pour accomplir un large éventail de missions. TAS a également obtenu des nouvelles phases des programmes dans lesquels le groupe participe, en particulier la Lunar Gateway.

Par ailleurs, TAS a signé un contrat avec  ArianeGroup pour la production de la chaîne de sauvegarde pour Ariane 6. La fonction principale de cette chaîne de sauvegarde est de neutraliser le lanceur dans le cas où la trajectoire suivie mettrait en péril des personnes ou des biens. Les boîtiers électroniques, qui constituent le cœur du système, sont intégralement conçus et réalisés par Thales Alenia Space en Belgique.

Observation de la Terre : une année très mitigée

Dans le domaine de l'observation de la Terre duale (militaire et civile), TAS a connu une année mitigée, pour ne pas dire blanche en matière de commandes à l'exportation. Si Airbus a été sélectionné en toute fin d'année par la Pologne qui va se doter de deux satellites espions de type Pléiades NEO, TAS a quant à lui fait choux blanc. Pour autant, Hervé Derrey constate que « l'activité commerciale est beaucoup plus intense qu'elle ne le fut ces dernières années ».

« Il est assez probable que le déclencheur est la guerre en Ukraine. Elle révèle que le renseignement à base de spatial est absolument clé. Il y a donc actuellement des appels d'offres, nous avons des discussions avec un certain nombre de pays qui souhaitent se doter de ce type de capacités, avec toujours deux types de besoins, les besoins de haute résolution et les besoins de revisite », analyse-t-il.

Pour autant, tout n'a pas été imparfait dans le domaine de l'observation de la Terre. TAS a comptabilisé la deuxième tranche des programmes Copernicus (CHIME, CRISTAL et C02M). En outre, TAS s'est positionné sur des technologies d'avenir. En coopération avec le groupe britannique QinetiQ, ils ont signé un contrat d'études avec l'ESA portant sur la faisabilité de nanosatellites multimissions en très basse orbite terrestre (VLEO - Very Low Earth Orbit). Cette phase d'étude (A/B1) a pour objectif de maturer la conception du démonstrateur Skimsat, un satellite multimission en très basse orbite terrestre (> 300 km), qui vise à réduire sensiblement le coût de l'observation de la Terre, tout en augmentant les performances grâce à des altitudes opérationnelles nettement plus basses.

Enfin, dans le domaine de la navigation, TAS a signé un contrat avec l'agence de l'Union européenne pour le programme spatial (EUSPA) portant sur le développement, la qualification et le déploiement de la nouvelle version d'EGNOS. Pour TAS, c'est une année à marquer d'une pierre blanche en termes de prises de commandes.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 03/01/2023 à 21:53
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"Dont le siège social est à Cannes" .... et en ellipse "plus de la moitié des forces vives en midi Py"

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