Noyés dans les commandes, Boeing et Airbus pourraient connaître des retards sur les livraisons

Les constructeurs aéronautiques font toujours face à une pénurie de main d'œuvre et à une congestion de la chaîne logistique. Résultat, alors que les commandes redécollent depuis la reprise post pandémie, Boeing et Airbus peinent à suivre le rythme.
Airbus et Boeing accusent du retard faute de pièces détachées et de main-d'œuvre, suite au dur impact sur le secteur de la pandémie de Covid.
Airbus et Boeing accusent du retard faute de pièces détachées et de main-d'œuvre, suite au dur impact sur le secteur de la pandémie de Covid. (Crédits : Prismadd / Groupe Chatal)

Les constructeurs aéronautiques sont débordés. Lors du Salon aéronautique de Singapour, qui se termine dimanche, Boeing a enregistré une commande de 45 787 Dreamliners par Thai Airways et 4 autres de ces modèles par Royal Brunei. De son côté, Airbus a signé un accord de principe avec la compagnie vietnamienne Vietjet Air portant sur 20 avions gros-porteurs A330-900, pour de premières livraisons en 2026. Ces derniers ont donc fait le plein de nouvelles commandes. Les constructeurs pourraient toutefois rencontrer des difficultés pour tenir les délais de livraison.

« Les nouvelles commandes auront du mal à être livrées en raison des pénuries persistantes de main-d'œuvre et de matières premières, des problèmes de logistique et des coûts de l'énergie », affirme Shukor Yusof, fondateur du cabinet de conseil Endau Analytics.

« Il sera très difficile d'augmenter les cadences de production », ajoute-t-il. Toujours selon ce spécialiste, Boeing et Airbus ont déjà indiqué que certains de leurs modèles les plus prisés ne seront pas disponibles avant 2030.

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Pour les compagnies aériennes, des retards de livraison se traduisent par une offre moins importante de sièges et la nécessité de faire voler des avions plus anciens et moins économes en carburant. Or, une telle stratégie pourrait peser sur leurs bénéfices, estime cet expert.

Congestion de la chaîne d'approvisionnement

La mise en garde de l'analyste se base sur les difficultés actuelles des constructeurs. Ces derniers accusent, en effet, déjà du retard. Les problèmes au niveau de la chaîne d'approvisionnement ont été causés en grande partie par la pandémie. Les restrictions et les fermetures des frontières ont affecté les expéditions de matières premières.

La guerre en Ukraine a perturbé de son côté l'approvisionnement en pétrole. Le conflit a également provoqué une hausse des coûts des biens et services dans le monde. Avec la fin de la pandémie, le trafic aérien a repris de plus belle, fabricants, compagnies aériennes, aéroports et fournisseurs tentant de suivre le rythme.

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La chaîne d'approvisionnement « est devenue un goulot d'étranglement majeur », estime Brendan Sobie, analyste au sein de la société de conseil indépendante Sobie Aviation. En raison d'une pénurie de pièces détachées, les avions passent plus de temps en attente de maintenance, tandis que des appareils ont été cloués au sol pour des problèmes de moteurs, ajoute-t-il.

Pour chaque 787 Dreamliner, Boeing a besoin d'environ 2,3 millions de pièces. Or, si certaines sont fabriquées par le géant américain, d'autres proviennent de fournisseurs du monde entier, selon son site internet. Airbus a, pour sa part, des milliers de fournisseurs directs et indirects dans plus d'une centaine de pays.

Willie Walsh, directeur général de l'Association du transport aérien international (IATA), a estimé lors d'un séminaire organisé avant le salon que les problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement pourraient « perdurer quelques années ».

Un manque important de bras

A cette problématique s'ajoute une pénurie de main-d'œuvre tout aussi handicapante. Boeing a estimé l'an dernier que le secteur aurait besoin de 649.000 pilotes, 690.000 techniciens de maintenance et 938.000 membres d'équipage ces 20 prochaines années. Pour Shukor Yusof, certaines compagnies qui avaient licencié des pilotes pendant la pandémie ont du mal à recruter. Quant aux constructeurs, ils peinent à trouver des mécaniciens et techniciens spécialisés en aéronautique. Un certain nombre « n'a plus envie de revenir » dans ce secteur, soumis à la conjoncture, le Covid ayant montré que leurs emplois n'étaient pas sûrs.

Résultat : « Il n'a jamais été aussi difficile de faire voler une flotte », a assuré à l'AFP le directeur général de la compagnie philippine Cebu Pacific, Michael Szucs. « Nous avons un déficit de capacité, soit parce que des avions sont cloués au sol, soit parce que des appareils ne sont pas livrés dans les délais », a-t-il expliqué, en précisant que sa compagnie avait dû clouer au sol dix avions. Un chiffre qui pourrait passer à 16 cette année, en raison de problèmes liés aux moteurs Pratt & Whitney et qu'elle était également affectée par les retards d'Airbus.

Boeing en pleine crise des 737 MAX

Si Boeing affiche un décollage de ses commandes, il s'attend néanmoins à un premier trimestre difficile. A cause de l'incident du 5 janvier, qui a vu une porte se détacher de la carlingue d'un de ces appareils lors d'un vol de la compagnie Alaska Airlines, le constructeur a déclaré le 13 février avoir livré 27 avions en janvier, soit une baisse de 29% sur un an. Le groupe précise que des clients, qui n'ont pas été identifiés, ont annulé des commandes de deux 737 MAX, tandis qu'Air Europa a renoncé à un 787 Dreamliner.

Outre les livraisons de 737 MAX, Boeing a livré un 787 et un 767, qui sera transformé en ravitailleur KC-46 pour l'armée de l'air américaine. Le carnet de commandes de Boeing est passé de 5.626 à 5.599 appareils au 31 janvier. Sans tenir compte des ajustements comptables, le nombre total de commandes non honorées s'élève à 6.189.

 Outre le ralentissement des cadences, le constructeur s'attend à devoir indemniser les compagnies propriétaires de 737 MAX 9, qui ont dû les laisser au sol durant trois semaines, a ajouté le directeur financier. En ne tenant pas compte de ces versements et des effets d'un important contrat de ravitailleurs pour l'armée américaine, signé fin 2022, le premier trimestre 2024 « ressemblera beaucoup au premier trimestre de l'an dernier », a expliqué Brian West. L'entreprise d'Arlington (Virginie) avait publié, pour ces trois premiers mois de 2023, une perte nette de 425 millions de dollars

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 23/02/2024 à 14:26
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Ce n'est pas grave COMAC vient à la rescousse avec son concurrent de l'A320 Neo et du B737 Max 😂

à écrit le 23/02/2024 à 13:44
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Tant mieux! Il y a déjà trop d'avions dans le ciel.

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