En Inde, Safran ne veut surtout pas passer à côté d'un des marchés aéronautiques les plus dynamiques de la planète. "C'est le marché où la croissance est la plus forte au monde", note le directeur général de Safran Olivier Andriès. Les chiffres sont vertigineux. Le trafic passagers devrait croître de 6,2 % par an (contre une moyenne mondiale de 3,9%) au cours des deux prochaines décennies, selon une estimation récente d'Airbus. Selon Safran, le trafic aérien indien va plus que doubler d'ici à 2041 tandis que la flotte va presque doubler, passant de 842 appareils à 1.600 en 2041. Airbus évalue quant à lui le besoin des compagnies aériennes indiennes à 1.770 nouveaux monocouloirs et 440 nouveaux long-courriers sur les deux prochaines décennies. C'est principalement pour cela que Safran investit régulièrement depuis plusieurs années en Inde, qui va devenir le troisième marché aérien domestique mondial.
Dans ce cadre, le groupe civil et militaire va inaugurer trois nouveaux sites industriels, deux jeudi à Hyderabad (production de pièces tournantes pour le moteur LEAP et usine de câblage électrique) et un autre vendredi à Bangalore en partenariat (50-50) avec le groupe indien Hindustan Aeronautics (HAL) dans la production de canalisations simples et complexes pour le LEAP. Des investissements lancés en 2018 et évalués à près de 55 millions de dollars, dont une part minoritaire a été pris en charge par les États indiens du Télangana (Hyderabad) et du Karnataka (Bangalore). Safran se donne les moyens d'augmenter ses cadences de production pour le LEAP avec ses nouvelles usines en Inde tout en bénéficiant des salaires avantageux des Indiens, qui ont un salaire minimal de 250 dollars par mois. Un jeune ingénieur est recruté entre 500 et 600 dollars.
Deux nouveaux projets
Safran, qui est présent depuis 65 ans en Inde, ne compte pas s'arrêter à ces trois investissements dans ce pays et lance de nouveaux projets ambitieux. "On va accélérer et on va très vite tripler nos effectifs en Inde dès 2026", assure Olivier Andriès. Et le président de Safran Aircraft Engines, Jean-Paul Alary, a annoncé jeudi le lancement d'un projet de construction à Hyderabad du plus grand centre de maintenance et de réparation des moteurs LEAP. L'État du Télangana a arraché in extremis la décision de Safran face à celui du Kartanaka. En Inde, les Etats se livrent une forte concurrence pour attirer les investissements des industriels. Au total le montant de l'investissement, dont une partie minoritaire est prise en charge par le Télangana, est évalué à 150 millions de dollars.
Ce prochain centre de MRO, dont le démarrage est prévu en 2025, aura à terme une capacité de maintenance de 300 moteurs par an. Pourquoi un tel centre en Inde ? Pour être au plus près des clients indiens du motoriste français mais aussi des pays voisins, à l'exception de la Chine, précise le directeur général de Safran. La direction de Safran a réussi à convaincre les autorités indiennes de pouvoir supporter à partir d'Hyderabad les moteurs des appareils de compagnies du sud-est asiatique et du Moyen Orient. Ce qui était loin d'être acquis en raison de taxes dissuasives à l'exportation. Les moteurs LEAP et CFM56, équipent aujourd'hui plus de 330 Airbus A320/A320neo et Boeing 737/737 MAX des compagnies aériennes du sous-continent indien. Plus de 1.500 moteurs LEAP sont également en commande dans la région. Ainsi, plus de 600 appareils de la famille A320neo ont déjà été commandés par Indigo. Et Tata, qui a repris Air India, pourrait passer une commande géante de plusieurs centaines d'appareils d'ici à la fin de 2022 (monocouloirs et long-courriers).
En outre, Olivier Andriès a profité de sa visite en Inde pour annoncer la création de Digit, un campus digital dédié aux développements des systèmes d'informations du groupe, dont les deux principaux centres, situés à Hyderabad et Mumbai, démarrent leurs activités à l'été 2022. Digit prévoit le recrutement de 1.000 personnes en cinq ans en faisant appel aux compétences indiennes dans les domaines du développement de systèmes et applications numériques et de la cybersécurité. "Nous voulons reprendre en main notre destin en matière de systèmes d'informations, a souligné Olivier Andriès. Nous avons décidé de réinternaliser les expertises et les compétences pour maîtriser et réussir notre transformation numérique à coûts maîtrisés".
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