Spatial : Pangea Aerospace, la start-up espagnole qui peut monter très haut...

La start-up de Barcelone souhaite bousculer la filière des lanceurs en Europe. Avec l'aide de la Commission européenne, elle développe un moteur, qui sera économique, entièrement fabriqué en 3D et réutilisable.
Michel Cabirol
Le moteur Meso est fabriqué en deux parties seulement. Ce qui diviserait les coûts par deux par rapport à une fabrication classique.
Le moteur Meso est fabriqué en deux parties seulement. Ce qui diviserait les coûts par deux par rapport à une fabrication classique. (Crédits : Reuters)

La start-up espagnole Pangea Aerospace va-t-elle révolutionner la filière lanceur européenne ? Possible. Elle veut bousculer l'industrie spatiale en développant un moteur qui sera économique, entièrement fabriqué en 3D et réutilisable. Le rêve de tous les opérateurs de lancements de satellites, notamment dans les mini-lanceurs où la bataille des prix sera décisive pour leur survie. Pour gagner son pari très audacieux, Pangea Aerospace, qui sera présent à la 8e édition du Paris Air Forum le 21 juin, a récemment bouclé un nouveau tour de table de 3 millions d'euros. Soit au total plus de 6 millions d'euros de fonds levés depuis sa création (2018), crowdfunding compris.

Si cette start-up de Barcelone valide son concept - elle y travaille depuis deux ans -, elle aura développé le premier moteur-fusée aerospike au monde fabriqué en impression 3D en métal et qui utilise des carburants cryogéniques. Un vrai pari puisque Pangea Aerospace est une des rares sinon la seule entreprise au monde à s'être lancée sur un projet de moteur équipé de tuyères aerospike. Elle considère que l'Europe ne doit pas rater le tournant de la propulsion à haute efficacité et bas coût. En revanche, l'utilisation de la fabrication en 3D, qui est l'un des points forts de Pangea Aerospace, entre de plus en plus dans l'industrie spatiale, ArianeGroup se servant par exemple de cette technique de fabrication sur Ariane 6.

Lancer une phase de tests

Ce nouveau tour de table permettra au PDG et cofondateur de Pangea Aerospace, Adrià Argemí, de tester au troisième trimestre de cette année plusieurs démonstrateurs de moteurs de lanceurs aerospike de 20 kN (2 tonnes de poussée) et d'accélérer le développement d'une nouvelle version du moteur aerospike, qui aura plus de poussée et sera prêt pour son utilisation en vol. Selon la start-up, qui emploie 15 salariés, ce sera le premier moteur imprimé 3D de ce type testé en Europe et le premier au monde de cette génération. "Le moteur aerospike est considéré comme le «Saint Graal» de la propulsion des lanceurs depuis des décennies, mais ce n'est que maintenant que cette technologie peut être conçue et construite, grâce à de nouveaux matériaux et à la liberté de conception qu'offre la fabrication additive", estime Adrià Argemí.

Mené par Inveready, l'un des principaux gestionnaires d'actifs en Espagne qui investit dans des sociétés technologiques en phase de démarrage, et soutenu par Primo space, Dozen Investments, E2MC et CDTI, cette levée de fonds sera utilisée pour fabriquer de manière additive - Fabrication Additive Métallique (FAM) - les moteurs aerospike, réaliser les tests d'allumage et d'opération du moteur, et pour accélérer d'autres développements technologiques liées à la tuyère aerospike et à la réutilisation de moteurs de lanceurs.

Si Pangea Aerospace a séduit de nouveaux investisseurs, c'est aussi parce que la start-up a acquis une nouvelle crédibilité en étant chef de file dans un programme européen sur une de ses spécialités, les technologies de récupération, notamment du premier étage d'un lanceur. Ainsi, elle coordonne le programme RRTB lancé en février 2020 et financé à hauteur de 3,1 millions d'euros par H2020. Ce projet vise à développer la technologie de récupération brevetée par Pangea Aerospace, qui développe à cette fin un petit lanceur baptisé Meso et réutilisable au moins dix fois.

Quels avantages ?

Dans une industrie spatiale qui se transforme et étudie de nouvelles solutions pour être plus compétitive, Pangea Aerospace pourrait tomber à pic en développant un produit disruptif. Elle estime d'ailleurs que "ce moteur à noyau central va radicalement transformer l'avenir de la propulsion spatiale grâce à un rendement supérieur (jusqu'à 15 % de plus) aux moteurs traditionnels à tuyère en cloche, à un faible coût de fabrication, à un processus rapide de façonnage, et au fait qu'il a été conçu pour être entièrement réutilisable". Pour le moment, la start-up n'étaye pas son argumentation avec des chiffres, notamment sur ses faibles coûts de fabrication. Ainsi, le moteur est fabriqué en deux parties seulement. Ce qui diviserait les coûts par deux par rapport à une fabrication classique.

Ce qui est sûr, c'est que les lanceurs équipés d'une tuyère aerospike utilise 25 à 30 % de carburant en moins à basse altitude là où les lanceurs ont besoin d'une poussée plus importante. Les moteurs aerospike adaptent ainsi leurs performances en fonction de l'altitude du lanceur, ce qui permet également d'augmenter significativement la charge utile du lanceur. Et donc de maximiser les revenus... Enfin, dernier point à ne pas négliger dans ce nouveau monde où tout doit être verdi jusqu'à l'outrance pour séduire les politiques et les banques, le moteur aerospike utilise des carburants verts (oxygène liquide et méthane).

Quid du refroidissement des moteurs aerospike ?

Jusqu'ici la mise au point des moteurs aerospike s'est heurtée historiquement à des problèmes de refroidissement, notamment de la rampe du moteur. Pangea Aerospace estime aujourd'hui que les problèmes de refroidissement mais aussi de poids, de coûts et de complexité de fabrication sont "en voie de résolution". Ces problèmes d'ingénierie ont été résolus grâce à des brevets, dont certains cédés par la NASA, et à l'utilisation de la fabrication additive, qui a significativement progressé ces dernières années. Cette technologie a permis en grande partie à Pangea Aerospace de résoudre les difficultés historiques des moteurs aerospike grâce à une liberté de conception offrant de nouvelles possibilités d'architecture des canaux de refroidissement. D'autant que la taille du moteur a été augmentée.

Breveté par la NASA, des nouveaux alliages de cuivre pour la fabrication des chambres de combustion (GRCop-84 et GRCop-42) présente en outre une excellente résistance mécanique et une conductivité thermique élevée. Dans ce cadre, Pangea Aerospace et la société espagnole Aenium, spécialisée dans la fabrication additive à Valladolid, consolident une alliance industrielle pour développer et commercialiser en Europe le GRCop42 pour des dispositifs de propulsion très innovants. Les futurs essais du moteur aerospike serviront principalement à valider son système de refroidissement régénératif, le système de fabrication et l'utilisation d'ergols CH4 / LOX. Ainsi, la start-up barcelonaise avale une à une les étapes. Elle a déjà commencé à recevoir un intérêt commercial pour ses systèmes de propulsion...

Michel Cabirol

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Commentaires 2
à écrit le 03/06/2021 à 8:09
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Pangea veut surtout développer un mini lanceur de A à Z....L'objectif étant 150 Kg en orbite basse. L'innovation est autant dans la fabrication que dans l'architecture du moteur qui est un aerospike circulaire. Pour dire les choses pudiquement, c'est...

à écrit le 02/06/2021 à 9:27
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Vous devriez également vous pencher sur la startup française Strato Space System qui travaille sur des lanceurs pour small satellites

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