Annus horribilis, bis repetita en 2023. Elle était certes anticipée par toute la filière, mais le bilan de cette année en termes de lancements fait mal, vraiment très mal à l'Europe spatiale. Et si le lancement réussi du petit lanceur italien Vega, juste avant deux vols de Falcon 9 (SpaceX) prévus le même jour (9 octobre) à Cape Canaveral (Floride) et Vanderberg (Californie), apparait comme une petite parenthèse heureuse, il clôt une année où rien, à nouveau, ne s'est passé comme prévu avec les problèmes techniques sérieux du lanceur italien Vega-C, qui va finalement être cloué plus de 18 mois au sol, et le nouveau retard d'Ariane 6.
Une petite parenthèse heureuse
En dépit d'un report de 48 heures dû à une mesure légèrement supérieure de son seuil maximum lors du compte à rebours final dans la nuit de vendredi à samedi, Vega s'est élancée avec succès depuis le Centre Spatial Guyanais (CSG). Le lanceur a mis sur orbite le satellite d'observation de la Terre de nouvelle génération THEOS-2, le satellite météo et scientifique taïwanais Formosat-7R/Triton ainsi que dix charges utiles auxiliaires. S'agissant des 10 cubesats servant des missions institutionnelles et la Commission européenne, tous les ordres de séparation ont été donnés. « La confirmation de séparation a été acquise pour huit d'entre eux, deux restent en attente de confirmation », a précisé Arianespace dans un communiqué publié lundi matin.
Après le décollage du CSG, le vol des trois premiers étages de Vega a duré un peu plus de six minutes, avant la séparation de l'étage supérieur du troisième étage, Zefiro 9. L'étage supérieur Avum s'est ensuite allumé à deux reprises avant d'injecter simultanément les deux principaux satellites, à 601 km d'altitude. Après deux autres allumages d'Avum, les dix cubesats se sont séparés avec succès du dispenseur SSMS, marquant la fin de la mission VV23, une heure, 43 minutes et 58 secondes après le décollage. Un cinquième et dernier allumage d'Avum a permis de désorbiter cet élément du lanceur. Ce lancement était le 21ème pour Vega, treize ans après son premier vol en 2012.
En 2023, Arianespace a donc pratiquement soldé tout son passé avec trois vols effectués par des lanceurs d'ancienne génération (deux Ariane 5 et un Vega). Le dernier vol de Vega, avec à son bord le satellite d'observation de la Terre Sentinel 2C développé par l'Agence spatiale européenne (ESA) pour le compte de la Commission européenne, est attendu l'année prochaine. Ainsi, la société de commercialisation des lanceurs européens, Arianespace (groupe ArianeGroup), a opéré avec succès dans la nuit de vendredi à samedi son troisième et dernier lancement de l'année.
L'Europe est-elle capable d'une véritable ambition ?
Après 2022 où seulement six lancements ont été effectués du CSG (trois Ariane 5, deux Vega-C, dont un échec, et un Soyuz), le bilan 2023 de la filière lanceur européenne est encore plus terrible que celui prévu avec un nombre de lancements dérisoire. Pendant ce temps, SpaceX est carrément entré dans une autre galaxie en cumulant une série incroyable de lancements en 2023. Comparaison n'est pas raison mais depuis le début de l'année, la société d'Elon Musk a déjà lancé 68 fois son Falcon 9, dont dix pour le seul mois de septembre, tandis que les Chinois et les Russes n'ont pas chômé non plus, avec respectivement 37 et 16 lancements... En 2024, SpaceX vise 12 lancements par mois. Soit 144 au total l'année prochaine.
Il est temps que l'Europe spatiale politique et industrielle se réveille pour retrouver une place de leader afin de disposer d'une autonomie robuste et fiable en termes d'accès à l'espace. Le temps est donc à la mobilisation, à l'accompagnement financier du secteur et à une vision stratégique ambitieuse. Le sommet de Séville prévu le 7 novembre devra traduire cette nouvelle ambition. Ce qui est malheureusement loin d'être gagné dans une Europe spatiale de petits boutiquiers (États membres) dépourvus d'une vision stratégique d'envergure.
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