L'élevage porcin français à la peine face à une concurrence internationale accrue

La production française de porcs a baissé de 5,7% pendant le premier semestre 2023. La production mondiale, elle, a encore augmenté de 0,8% entre 2022 et 2023.
Giulietta Gamberini
En faisant planer la menace d'une augmentation des importations de viande porcine, la filière française du secteur appelle les pouvoirs publics à adopter un « ambitieux plan pluriannuel d'investissement » impliquant les banques.
En faisant planer la menace d'une augmentation des importations de viande porcine, la filière française du secteur appelle les pouvoirs publics à adopter un « ambitieux plan pluriannuel d'investissement » impliquant les banques. (Crédits : Vincent Kessler)

Alors que l'offre mondiale de viande de porc croît, atteignant des sommets en 2023, celle française et européenne décline. C'est l'inquiétant bilan dressé par l'Ifip-Institut du porc mardi 21 novembre, lors du « Grand rendez-vous du porc français », organisé par la Fédération nationale porcine (association spécialisée du principal syndicat agricole français, la Fnsea).

Au premier semestre 2023, la production française de porcs s'est en effet contractée de 5,7% par rapport au premier semestre 2022. La décrue, respectivement de 11% et 13,5%, est encore plus forte dans les deux premiers pays producteurs européens, la France et l'Allemagne. Et selon Elisa Husson, ingénieure d'études économiques à l'Ifip, cette baisse, « inédite », « n'est certainement pas terminée ». Les exportations de l'ensemble des 27 pays de l'UE, elles, ont chuté de 18,8% pendant les huit premiers mois de l'année 2023 par rapport à la même période de 2022.

La demande mondiale dans une bonne dynamique

Pourtant, sur le marché international, les indicateurs sont « plutôt au vert  », et laisseraient donc de la place à tous les acteurs. La production mondiale, d'ailleurs, ne cesse de croître depuis l'importante baisse de 2019-2020, et a encore augmenté de 0,8% entre 2022 et 2023, en dépassant, avec 115 millions de tonnes, celle de 2018. Elle est nourrie par la croissance de la production chinoise, mais aussi du Brésil et de la Russie.

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Le Brésil notamment, où les coûts de production sont particulièrement compétitifs, a non seulement profité d'une consommation intérieure dynamique, mais a aussi augmenté ses exportations de presque 6% pendant les premiers huit mois de 2023, et gagné des parts de marché en Asie, note Elisa Husson. Pour sa part, la Russie ne cesse de développer sa production depuis 2005, au point que son marché est devenu excédentaire depuis 2018. Bien que ses exportations ne représentent encore que 5% de sa production, elle a le potentiel de devenir un concurrent des producteurs européens, d'autant plus qu'elle vient de rétablir des relations commerciales avec la Chine, estime l'ingénieure d'étude.

Autre concurrent puissant, les Etats-Unis qui, malgré une détérioration de la rentabilité des élevages, ont vu leurs exportations croître de 3,5% en 2023, grâce à un commerce florissant avec le Mexique et la Chine, qui compense une demande interne morose. Quant à ce dernier pays, c'est surtout la baisse des importations de Pékin, qui se sont réduites de 1,2% en 2023, ainsi que celle de ses prix intérieurs, à compter dans les flux internationaux. Mais l'Ifip souligne également les tentatives de l'Empire du Milieu d'élargir sa sphère d'influence ainsi que sont éventail de fournisseurs.

Les défis de la rentabilité et du renouvellement des générations

Alors, quels maux soigner pour relancer l'offre française ? Premier défi : améliorer la rentabilité, et donc la compétitivité des élevages, a souligné lors du Grand rendez-vous du porc français, François Valy, président de la FNP. Celui qui est également éleveur dans le Morbihan a plaidé pour davantage de productivité, plutôt que pour une montée en gamme, via des agrandissements et une modernisation. Il s'est également insurgé contre des normes trop exigeantes qui accroissent les coûts de production.

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Autre challenge important : attirer de nouvelles générations de producteurs. En raison des départs à la retraite et du manque de prétendants à la reprise, en trois ans la France a perdu un millier de sites de production de porcs, souligne la FNP selon qui, si la tendance se poursuit, ils seront encore 2.000 de moins en 2030. Une perte susceptible d'accélérer la baisse de la production, qui pourrait passer sous la barre de 16 millions de porcs par an contre 21 en 2023. Les contraintes administratives, les recours judiciaires et le manque de visibilité quant aux débouchés sont autant d'obstacles à lever afin de faciliter l'installation de nouveaux éleveurs, dénonce François Valy.

En faisant planer la menace d'une augmentation des importations de viande porcine, puisque la production française baisse plus rapidement que la consommation, la FNP appelle donc les pouvoirs publics à adopter un « ambitieux plan pluriannuel d'investissement » impliquant les banques. Elle évoque un « besoin colossal de plusieurs milliards d'euros ».

« C'est maintenant qu'il faut faire pression sur nos gouvernements pour obtenir des appuis financiers pour moderniser nos élevages », a souligné de son côté le président du groupe porcs du syndicat européen Copa-Cogeca, Antonio Tavares, en estimant que grâce au lobbying du syndicat, aucune législation européenne sur le bien-être animal ne verra le jour avant 2026.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 29/11/2023 à 10:29
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Nous abattons dans le monde pour nous nourrir mais en jetons près de 40%, 40 milliards d'animaux chaque année, nous tuons donc déjà 14 milliards d'animaux pour rien. Production de pollution générée pour ce gâchis total ?

à écrit le 28/11/2023 à 18:59
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Entendu d'un vieux permaculteur, les larmes aux yeux:"Il fait pas bon être un porc sur cette planète".

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