Ce n'est pas une surprise. L'enseigne Habitat, spécialisée dans l'ameublement et l'équipement de la maison, a demandé son placement en redressement judiciaire. L'entreprise a été fortement touchée par la flambée des prix, la baisse de la consommation et les difficultés financières.
« Faisant face à des difficultés économiques extrêmes qui touchent tout le secteur de l'aménagement, Habitat est contrainte de se placer sous la protection du Tribunal de Commerce de Bobigny dont elle dépend pour solliciter l'ouverture d'un redressement judiciaire à son bénéfice », a indiqué l'enseigne dans un communiqué publié jeudi 30 novembre. Dans une note envoyée le même jour aux employés du groupe, et consultée par l'AFP, le comité social et économique (CSE) de Habitat précisait avoir été informé par la direction « qu'une audience se tiendra le mercredi 6 décembre 2023 au tribunal de commerce de Bobigny ».
Des difficultés financières
Habitat, fondée en 1964, est une chaîne de 25 magasins spécialisés dans la vente de meubles et d'accessoires de décoration. Elle indique employer actuellement 450 salariés et a généré un chiffre d'affaires « consolidé » de 80 millions d'euros en 2022. Mais depuis quelque temps, l'enseigne a été confrontée à de profondes difficultés financières, à cause notamment d'une gestion antérieure défaillante.
Des facteurs plus récents n'ont pas arrangé la situation d'après Habitat, parmi lesquels « une baisse significative de la fréquentation des magasins, un choc inflationniste et la flambée des prix de l'énergie, des matières premières et du transport, avec un impact direct sur le pouvoir d'achat des ménages, des mouvements sociaux internes ayant perturbé l'activité », détaille l'enseigne.
Selon la société, la demande de placement en redressement judiciaire a donc « pour objectif de stabiliser la situation financière de l'enseigne qui n'a jamais été profitable en France et assurer la viabilité à long terme d'Habitat ».
Un plan de redressement encore flou
Convoqués par la direction jeudi matin, les syndicats et élus du CSE n'ont obtenu aucune information sur ce plan de redressement, selon Ratiba Hamache. Le communiqué indique de son côté que « durant cette période, l'activité se poursuit dans les magasins et au siège social. La direction prépare un plan de redressement par voie de continuation de manière à atteindre durablement la rentabilité et à honorer ses engagements ».
L'entreprise affirme également que « l'objectif primordial est d'assurer le paiement de tous les fournisseurs et la livraison des commandes aux clients dans un cadre serein et adapté à la situation ». Elle annonce en outre qu'« une revue stratégique récente, déclenchée par des signaux internes, a abouti à des mesures visant à redresser la situation, incluant le départ du directeur général d'Habitat », Franck Deshayes.
Des craintes du côté des salariés
Les employés n'ont pas caché leurs inquiétudes. Vendredi dernier, une centaine de salariés de l'enseigne s'étaient rassemblés devant un des magasins parisiens de l'enseigne, celui du Pont-Neuf, qui doit fermer en raison « d'un projet de résiliation de bail par anticipation », sans licenciement, selon la direction.
Selon le CSE, Habitat ne versera pas les salaires de novembre aux employés. Thierry Le Guénic, propriétaire de l'enseigne, va alors « faire appel aux AGS », régimes de garantie des salaires, qui devraient « logiquement prendre le relais », est-il indiqué dans la note transmise aux salariés. Les paies de décembre devraient être donc envoyées par Habitat en deux fois, une première partie « sous 24 heures » et le reste fin décembre, selon le CSE.
Ratiba Hamache, représentante de la CGT au sein de l'enseigne, n'est pas surprise de cette annonce : « On a commencé à se douter que l'entreprise faisait face à de gros problèmes depuis début 2022 et nous avions demandé une expertise des comptes en octobre 2022 », déclare-t-elle à l'AFP. Mais « c'est dramatique », s'inquiète-t-elle. Elle témoigne qui plus est de conditions de travail difficiles depuis plusieurs mois :
« Il n'y a plus de papier pour imprimer les tickets de caisse, plus de stylo ni de papier toilette pour les salariés. Il fait 8 degrés dans un des magasins parce que le chauffage est en panne et n'a pas été réparé ».
À cela s'ajoute le mécontentement de clients qui n'ont pas reçu leurs commandes, selon la représentante de la CGT.
Outre l'ameublement, le secteur du prêt-à-porter en France est secoué depuis plus d'un an par une violente crise. Camaïeu, Kookaï, Naf Naf, André, San Marina... Ces marques bien connues des consommateurs français ont souffert d'un cocktail détonnant : pandémie, inflation, hausse des coûts de production, des loyers et des salaires ou encore concurrence de la « fast fashion ». « En dix ans, la part de l'habillement a reculé de 15% dans le Caddie des Français », se désole Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l'habillement. Les enseignes se mettent alors en ordre de bataille pour se démarquer. Kiabi mise sur la seconde main, Jacadi ne baisse pas ses prix, Gémo vend de tout, de la grenouillère au mocassin. Des mesures qui payent. Par exemple, Kiabi a vu son chiffre d'affaires progresser de 10% en 2022 grâce à la seconde main ou encore la location de vêtements.Le secteur du prêt-à-porter en crise
(Avec AFP)
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