
Encore une augmentation à prévoir. Et cette fois-ci, elle concerne un des produits de base de la consommation des Français : la pomme de terre. Le bilan de sa récolte qui vient de s'achever est lourd. C'est la pire année depuis 1995. Ainsi, la production de pomme de terre de conservation a reculé de 12% cette année en moyenne et jusqu'à 32% en région Rhône-Alpes. Une baisse due aux sécheresses de cet été et aux à-coups climatiques.
À cette difficulté s'ajoute l'envolée des prix de l'énergie. Afin d'éviter une germination précoce des pommes de terre, il faut maintenir au froid la récolte. Une augmentation de 500% de la facture d'électricité est à prévoir, avait déjà alerté en octobre les différentes unions professionnelles.
Une situation catastrophique qui devrait se répercuter sur les prix en 2023 des pommes de terre et autres dérivés industriels, comme l'explique Geoffroy D'Evry, directeur de l'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) et producteur dans l'Oise.
LA TRIBUNE.- A quoi doivent s'attendre les consommateurs ?
GEOFFROY D'EVRY.- Dans les contrats avec les industries, on sait qu'il faudra à minima une augmentation des coûts d'achats de 30% pour pouvoir amortir la hausse des coûts. Cette hausse ne sera sans doute pas répercuter entièrement sur le panier final. Nous, ce qu'on demande, c'est une réévaluation du prix et surtout une meilleure répartition des coûts pour ne pas pénaliser les consommateurs et les producteurs. On pourrait limiter l'impact de la hausse si la grande distribution limitait ses marges. Elle garde 50% du prix de vente sur la pomme de terre ! Les grands distributeurs ne jouent pas le jeu sur la répartition de la valeur. On veut pouvoir continuer à avoir des moyens pour produire mais aussi des moyens pour investir dans l'innovation.
Y aura-t-il des différences, selon les qualités de pommes de terre ?
Il faut en effet différencier trois types de pommes de terre. D'une part, le marché du frais a subi une baisse de rendement mais légère, car une grande partie des surfaces sont irriguées. L'irrigation a permis d'amortir en partie la sécheresse de cet été. On n'aura pas de pénuries de pommes de terre fraiches dans les rayons. De son côté, la pomme de terre industrie a seulement 35% de surfaces irriguées et la pomme de terre de fécule, que l'on retrouve dans de nombreux produits transformés, en a très peu. Ce sont ces deux catégories qui vont voir leur prix augmenter.
Comment la filière tente-t-elle de rebondir après cette année compliquée ?
On parlait beaucoup du réchauffement climatique, cette fois on est en plein dedans. Aujourd'hui, on réfléchit à ce qu'il faut faire pour pouvoir encore produire de la pomme de terre demain. Ça reste un produit qui est largement accessible pour des familles. On essaie de regarder du côté des méthodes culturales pour garder une terre qui capte l'eau et avoir la ressource en eau nécessaire à la production. On se penche aussi sur les New breeding techniques (NBT) comme les ciseaux moléculaires CRISPR CAS9 [cette technique permet de couper l'ADN à l'endroit souhaité pour y insérer un bout de génome d'intérêt, ndlr]. Il faut que l'on développe de nouvelles variétés plus résilientes dans le futur, mais pour ça il faudrait un coup de pouce de l'Europe. C'est une combinaison de leviers qui permettra de répondre à un enjeu fort. La consommation de pommes de terre continue d'augmenter surtout sous la forme de produits transformés. Or, il nous faut pouvoir répondre à cette demande très forte.
Pas de problème d'approvisionnement pour McDo De son côté, l'industriel McDonald's, fortement dépendant des coûts de la pomme de terre pour ses traditionnelles frites 100% françaises, a déclaré avoir des échanges permanents avec la filière pour fixer les prix en fonction des coûts de production. Mais les contrats entre le géant du fast food et les producteurs s'établissent tous les 3 ans. Pour l'heure, aucune discussion sur les problèmes de récolte de cet hiver et d'éventuelles répercussions de prix sur les frites n'ont été engagées.
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