Perrier, Vittel, Hépar... Nestlé a recouru à des traitements sur ses eaux minérales, malgré leur interdiction

Plusieurs marques du groupe ont appliqué des traitements ultraviolets et par filtres au charbon actif. Pourtant, la réglementation interdit toute désinfection des eaux minérales. Nestlé justifie cette pratique, arrêtée depuis 2021, par un souci de sécurité alimentaire.
Même si ces traitements « ont toujours eu pour objectif de garantir la sécurité alimentaire, (ils) ont mené l'entreprise à perdre de vue l'enjeu de conformité réglementaire », a reconnu le groupe.
Même si ces traitements « ont toujours eu pour objectif de garantir la sécurité alimentaire, (ils) ont mené l'entreprise à perdre de vue l'enjeu de conformité réglementaire », a reconnu le groupe. (Crédits : © 2009 Thomson Reuters)

Ce lundi, le numéro un mondial de l'eau minérale, Nestlé Waters, a affirmé à l'AFP, confirmant ainsi une information des Echos, avoir informé les autorités françaises en 2021 du fait qu'il avait recouru à des traitements interdits d'ultraviolets et de filtres au charbon actif sur certaines de ses eaux minérales. Les marques concernées, Perrier, Vittel, Hépar et Contrex, sont toutes propriétés de Nestlé.

Même si ces traitements « ont toujours eu pour objectif de garantir la sécurité alimentaire, (ils) ont mené l'entreprise à perdre de vue l'enjeu de conformité réglementaire », a confessé le groupe, qui affirme que ces eaux sont désormais « pleinement conformes au cadre réglementaire applicable en France ».

Pour rappel, la réglementation interdit toute désinfection des eaux minérales qui doivent être naturellement de haute qualité microbiologique, contrairement à l'eau du robinet qui est, elle, désinfectée avant de devenir potable. Une réglementation dont l'interprétation exclut les traitements ultraviolets et les filtres au charbon actif auxquels a eu recours Nestlé Waters au moins jusqu'en 2021, sans qu'on sache la date exacte d'arrêt.

Des sources fragiles aux  « évolutions de l'environnement »

L'entreprise justifie le recours à ces techniques par les « évolutions de l'environnement autour de ses sources qui peuvent parfois rendre difficile le maintien de la stabilité des caractéristiques essentielles » de ses eaux, autrement dit leur sécurité alimentaire (pas de pollution) et leur composition en minéraux.

L'arrêt du recours à ces dispositifs de traitement et de filtration a obligé Nestlé Waters à suspendre l'activité de certains de ses puits dans les Vosges, du fait de « leur sensibilité aux aléas climatiques », conduisant à une réduction des volumes de production d'Hépar et de Contrex. Des difficultés qui ont aussi amené Nestlé à annoncer, en octobre et après plusieurs mois de grèves dans ces usines des Vosges, un plan social prévoyant la suppression de 171 postes au sein des sites de Vittel et de Contrexéville.

Les bouteilles d'eau éclaboussées par des scandales

Reste que les marques de bouteilles d'eau, et leurs propriétaires, sont régulièrement ciblés par les critiques. Une étude dévoilée début janvier dans la prestigieuse revue scientifique « Proceedings of the National Academy of Sciences » (PNAS)  affirme que l'eau des bouteilles en plastique contient jusqu'à 100 fois plus de nano-particules de plastique que ce qui avait été mesuré jusqu'alors.

En moyenne, l'étude a ainsi détecté 240.000 fragments de plastique par litre d'eau, « soit cent à mille fois plus que précédemment rapporté ». Un résultat problématique puisque des éléments de si petites tailles arrivent à passer les barrières biologiques naturelles du corps humain, s'infiltrant dans la circulation sanguine, et in fine, dans les organes. Ainsi, en 2023, une étude de l'Institut national de la recherche agronomique (Inrae) a ainsi confirmé en laboratoire les effets négatifs de microparticules de plastiques sur la flore intestinale.

Lire aussiPollution plastique : que contiennent vraiment les bouteilles d'eau ?

En novembre, Nestlé a été cité dans une autre affaire. Des associations de défense des consommateurs de 13 pays européens, dont CLCV en France, ont annoncé avoir déposé plainte à Bruxelles contre les principaux fabricants de bouteilles en plastique, leur reprochant d'induire le public en erreur sur les possibilités de les recycler. Les organisations demandent une enquête concernant des allégations commerciales présumées trompeuses en termes de « recyclabilité des bouteilles d'eau de grandes marques » comme Coca-Cola (via son embouteilleur CHBC), Danone et Nestlé Waters.

« Le consommateur européen boit en moyenne 118 litres d'eau en bouteille par an », dont l'immense majorité en bouteille en plastique, selon le communiqué de la CLCV.

« L'industrie des boissons a recours à des allégations de recyclabilité qui, selon nos recherches, sont trop vagues, inexactes et/ou insuffisamment justifiées », ajoute l'association.

Celle-ci prend l'exemple de l'allégation « 100% recyclable », terme « ambigu » qui « dépend de nombreux facteurs tels que les infrastructures de collecte disponibles dans le pays, l'efficacité du processus de tri ou encore l'existence de processus de recyclage appropriés ». Selon elle, « le taux de recyclage des bouteilles seules en PET, sans le bouchon ni l'étiquette, est estimé à seulement 55% dans l'UE ».

Nestlé confirme ses objectifs

Malgré ces aléas, le géant suisse de l'alimentation a confirmé, en octobre, ses objectifs pour 2023 malgré une baisse de ses volumes de ventes sur neuf mois, disant s'attendre à ce que ses volumes se redressent grâce notamment aux efforts d'optimisation de son portefeuille. Pour la période allant de janvier à fin septembre, son chiffre d'affaires s'est inscrit en baisse de 0,4% par rapport à la période comparable l'an passé, rogné par la force du franc suisse. Les effets de changes ont réduit son chiffre d'affaires de 7,4% tandis que les cessions d'actifs ont pesé à hauteur de 0,8%, indique-t-il dans un communiqué.

« Le redressement de nos volumes et de notre mix est en cours », a cependant déclaré Mark Schneider, son directeur général, cité dans le communiqué. « Nos efforts d'optimisation du portefeuille portent leurs fruits et nous augmentons les investissements en marketing qui soutiennent nos marques phares », a-t-il ajouté. Il a dit s'attendre à un redressement des volumes de ventes durant le « second semestre ». Pour 2023, Nestlé vise toujours une croissance organique de ses ventes de l'ordre de 7% et 8%.

(Avec AFP)

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Commentaires 6
à écrit le 30/01/2024 à 8:28
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LOOOOl !!! ^^ Et toujours 240000 fragments de plastique par litre d'eau minérale vendue en bouteille en plastique. Nos dirigeants sont nuls.

à écrit le 29/01/2024 à 23:41
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Une enquête de 60 millions de conso révèle que toutes les bouteilles d eau en plastique concentrent des taux De nano particules en plastique dangereux pour la santé donc qu on ingère …pendant des décennies et qui se déposent ou se concentrent su...

à écrit le 29/01/2024 à 23:41
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Une enquête de 60 millions de conso révèle que toutes les bouteilles d eau en plastique concentrent des taux De nano particules en plastique dangereux pour la santé donc qu on ingère …pendant des décennies et qui se déposent ou se concentrent su...

à écrit le 29/01/2024 à 19:21
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Donc cette pratique a été abandonnée depuis 2021. Et en ce moment on peut se demander si cette réglementation ne relève pas de la sur-réglementation largement dénoncée dans la rue... On n'a pas à s'occuper d'autre chose ?

à écrit le 29/01/2024 à 18:27
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Nous sommes vraiment des pays riches pour acheter de l'eau en bouteille! Des bouteilles de sodas bourrés de sucre et autres substances douteuses alors que l'eau du robinet en France est globalement de bonne qualité. Et quand elle ne l'est pas, c'est...

à écrit le 29/01/2024 à 16:44
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Si l'eau de source s'altère, elle ne devrait plus pouvoir se vendre comme 'eau pure qui jaillit des entrailles de la Terre'. Mais quel manque à gagner et perte d'emplois si ça durait ! J'achète zéro bouteille d'eau par an, j'ouvre le robinet de l'év...

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