L'agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié le 7 février une proposition émanant de cinq pays européens (le Danemark, l'Allemagne, Les Pays-Bas, la Norvège et la Suède, soutenus par la France et la Belgique) pour restreindre l'usage des PFAS - une famille de plus de 12 000 composants chimiques dont certains sont jugés nocifs pour la santé. La consultation publique, à laquelle ont participé nombre d'industriels, a duré six mois de mars à septembre 2023, avec un vote des 27 pays membres attendu en fin d'année. Sans attendre ce délai, une proposition de loi du député Nicolas Thierry (EELV), déposée le 20 février, vise à interdire à partir de 2025 la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de tous les produits entrant en contact avec les denrées alimentaires, les cosmétiques, les produits de fart et textiles contenant des PFAS. Elle sera soumise au vote à l'Assemblée nationale dès le 4 avril.
Le groupe SEB, propriétaire entre autres de la marque Tefal, utilise un seul PFAS pour la fabrication de ses poêles : le PTFE, dont l'innocuité est reconnue. Son président, Thierry de La Tour d'Artaise, explique quelles seraient les conséquences pour l'entreprise de l'adoption de ce texte.
LA TRIBUNE DIMANCHE - En quoi ce vote menace-t-il SEB ?
THIERRY DE LA TOUR D'ARTAISE - Ce sujet est très technique. Confondre des composants qui n'ont rien à voir entre eux aboutit à un non-sens. Le groupe utilise un composant comme matériau antiadhésif qui appartient à une catégorie non dangereuse. Mais là où l'Union européenne adopte une démarche scientifique dans la durée pour analyser tous les enjeux, cette proposition de loi fait l'inverse. Alors que cela concerne 3 000 emplois en France et une activité industrielle avec deux sites de production, à Rumilly (Haute-Savoie) et Tournus (Saône-et-Loire). Je suis exaspéré par le manque d'analyse scientifique qui sous-tend cette proposition de loi. Le groupe a toujours respecté les réglementations en vigueur et les a souvent même anticipées. Les produits Tefal - comme tous ceux de SEB - ne contiennent pas de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l'environnement par les autorités sanitaires. Et Tefal n'a rien à voir non plus avec Teflon, marque déposée autrefois par le chimiste DuPont de Nemours, qui comportait un PFAS nocif. D'où une confusion supplémentaire entre les composants que nous utilisons et ceux qui sont aujourd'hui mis en cause.
Dans ce cas, pourquoi vos produits sont-ils visés par cette proposition de loi ?
Ce ne serait pas la première fois qu'une initiative en France chercherait à aller plus loin qu'une réglementation européenne. Il y a beaucoup de dogmatisme sur ces sujets. Et plus ils sont complexes, plus le risque de les simplifier à l'extrême est élevé. Près d'une centaine d'études démontrent que les composants que nous utilisons ne sont pas dangereux. Si ce texte était voté, nous aurions non seulement l'interdiction de produire, mais aussi d'exporter. Tefal est numéro un au Japon ou en Corée, entre autres. Si SEB ne peut plus vendre ses produits sur ces marchés, ce sont nos concurrents qui le feront.
Comment allez-vous réagir ?
En expliquant justement les différences entre les divers composants. Nous avons des compétences historiques dans nos métiers, avec des décennies d'innovations et de recherches. Nous sommes des industriels responsables. Nous allons nous battre, avec à nos côtés les salariés du groupe et les partenaires sociaux. Le Royaume-Uni établit bien une distinction entre les PFAS. L'Union européenne étudie le dossier sous tous ses aspects. Pourquoi la France agirait-elle autrement ? SEB est numéro un mondial des articles culinaires, qui représentent presque un tiers des ventes globales du groupe. Une interdiction de production aurait des conséquences gigantesques pour toute l'entreprise. Voter en quelques jours une décision de cette ampleur n'est pas envisageable.
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