Automobile : quel est le vrai coût quand on opte pour une voiture électrique ?

ANALYSE. Un véhicule électrique est aujourd’hui plus intéressant qu’un thermique en ville au-delà de 9 000 kilomètres parcourus par an. Ailleurs, il peine encore à se montrer compétitif. Par André de Palma, CY Cergy Paris Université; Robin Lindsey, University of British Columbia et Yannik Riou, Université de Strasbourg
(Crédits : Maurizio Orlando / Hans Lucas via Reuters Connect)

 En avril 2023, La Commission européenne a adopté un règlement interdisant à partir de 2035 la vente de voitures particulières neuves émettant du CO2. En réponse, le gouvernement français encourage l'acquisition de véhicules électriques en offrant des subventions à l'achat et en conservant des taxes sur l'électricité moins élevées que celles équivalentes sur l'essence et le diesel. Il accorde également à leurs conducteurs des privilèges, tels que l'accès à des zones à émissions nulles dans les centres-villes ou des places de stationnement réservées.

L'ampleur de la transition à opérer est impressionnante. En 2022, la France représentait à elle seule environ 1,5 million de véhicules neufs vendus. Pour l'ensemble de l'Union européenne (UE), le nombre de véhicules neufs a atteint 11,2 millions, soit environ 17 % de la production mondiale de voitures.

En supposant que le parc total de véhicules en France reste constant à son niveau de 2021 (37,9 millions), le temps que les véhicules thermiques en circulation arrivent en fin de vie, la part des électriques devrait atteindre environ 45 % en 2035 et 95 % en 2050, année visée par l'UE pour atteindre la neutralité carbone.

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Le taux d'évolution des émissions de CO2 diminuerait en parallèle assez régulièrement, partant de 139 g/CO2/km en 2023 à la moitié en 2035, pour atteindre plus lentement 5 g/CO2/km en 2050, avec peu d'automobiles thermiques encore en circulation.

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D'ici la fin de l'année 2034, du point de vue de l'économiste, c'est le coût relatif des véhicules électriques par rapport aux thermiques qui fondera la décision d'opter pour l'un ou l'autre. Ce coût comprend deux éléments : celui de son acquisition et le coût annuel d'utilisation (rechargement en énergie et entretien). Nos calculs mettent ici en avant une marge de progression importante à combler pour les véhicules électriques qui semblent aujourd'hui encore assez peu compétitifs.

L'électrique peu attrayant en zone non urbaine

Le coût d'acquisition intègre ce que l'on va payer pour acquérir le véhicule, son prix net de toute subvention plus les frais d'immatriculation. On le rapportera au nombre d'années d'utilisation et en déduira la valeur de revente. Il y a pour chacune des dépenses spécifiques à additionner : pour un véhicule thermique, il faudra ajouter toute pénalité sur les émissions de CO2 ; pour un électrique, le coût d'achat et l'installation d'un chargeur à domicile.

Les coûts d'exploitation comprennent, eux, ceux de l'énergie (essence, diesel ou électricité), de l'entretien et l'assurance. Pour un véhicule électrique, il faudra aussi compter les frais éventuels d'abonnement à un chargeur hors domicile.

Afin de procéder à une comparaison, nous avons recueilli les données sur un échantillon représentatif de véhicules de chaque type fabriqués par Peugeot, Renault, Dacia et Mercedes-AMG dont nous avons tiré des moyennes suivant les parts de marché. Les coûts ont ensuite été calculés selon la méthodologie utilisée par l'UE, qui fait intervenir le fait de conduire uniquement en ville ou non et la distance annuelle parcourue.

En moyenne, le coût d'acquisition d'un véhicule électrique moyen est plus élevé que celui d'une voiture thermique. Son coût d'exploitation reste néanmoins plus faible. Nous calculons alors qu'en utilisation 100 % urbaine, il reste au total moins cher s'il effectue plus de 9 000 km par an.

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Ce seuil est néanmoins de 27 000 km par an pour une utilisation combinée, un chiffre plutôt élevé étant donné que la moyenne française est de 12 000 km par an.

Si le point de rupture est beaucoup plus élevé pour l'utilisation combinée que pour l'urbaine, c'est parce que les véhicules thermiques y fonctionnent plus efficacement. Avec un plus petit nombre d'arrêts et de départs, les récupérations d'énergie au freinage, un des atouts des véhicules électriques, s'y font plus rares. Actuellement, un véhicule électrique ne constitue donc pas un choix économique plus attrayant pour une conduite très majoritairement non urbaine.

Le consommateur en manque d'alternatives

Les résultats moyens des figures précédentes ne fournissent pas une image universelle du parc, mais ils ne cachent que des exceptions relativement marginales. Le segment « sportif » pour lequel la voiture électrique est moins chère sur toutes les distances parce que la voiture thermique est fortement pénalisée du fait de ses fortes émissions de CO2. On retrouve également le segment « luxe » dans ses versions économes en carburant pour lesquelles la voiture électrique est plus chère, car elle est équipée d'une batterie de grande capacité, donc coûteuse.

La comparaison des coûts ne tient pas compte, non plus, des écarts sur la commodité et le confort de conduite qui résultent de leurs différences d'accélération, d'autonomie ou de temps nécessaire pour faire le plein ou recharger le véhicule. Elle se fonde de plus sur les données actuelles des véhicules que ce soit en termes de technologie, de prix d'achat des véhicules et des chargeurs, des niveaux de subvention, des coûts d'immatriculation, des pénalités sur les émissions de CO2 ou des taux de dépréciation des véhicules. Chacun de ces paramètres est susceptible d'évoluer au fil du temps.

Ces résultats apportent néanmoins du grain à moudre au débat quant aux enjeux soulevés par la directive européenne qui sont de divers ordres. Des défis logistiques et financiers majeurs sont posés à l'industrie automobile, notamment construire ou réaménager des usines pour fabriquer les batteries et les systèmes électroniques, reclasser nombre d'employés des usines de fabrication ou des secteurs de vente et d'entretien des voitures et assurer l'approvisionnement en métaux rares et autres matières premières. En raison des contraintes d'approvisionnement, des modèles électriques équivalents aux thermiques pourraient ne pas être disponibles avant un certain temps, ce qui nuit à la concurrence.

La directive entraîne également des coûts à moyen terme pour les consommateurs du fait que les véhicules électriques, malgré les subventions et taxations favorables, restent bien moins compétitifs hors des villes. En outre, qui ne peut ou ne veut pas payer pour un électrique neuf aura peu d'alternatives moins chères jusqu'à ce qu'un marché des véhicules d'occasion se développe suffisamment.

Les retrofits comme solutions ?

Qui dit arrêt des ventes ne dit pas d'ailleurs que les véhicules en circulation ne continueront pas à émettre du CO2 (et d'autres polluants) pendant de nombreuses années après l'échéance de 2035. Les avantages environnementaux de la directive au niveau mondial seront également compromis si les volumes de vente des véhicules thermiques (neufs ou d'occasion) se déplacent de l'Europe vers des régions qui ne disposent pas d'une législation environnementale similaire.

Une piste de solution pourrait être de transformer des véhicules thermiques en électriques. Cela demande de retirer le moteur, la boîte de vitesses et le système de contrôle électronique du véhicule pour y installer un petit moteur électrique, une batterie et un système de contrôle adéquat. On nomme cette opération « retrofit ».

Elle coûterait approximativement entre 10 000 et 15 000 euros, en fonction de la capacité de la batterie : c'est moins que le prix d'une voiture électrique neuve. Avec des usines dimensionnées à 150 000 retrofits/an, il y aurait moyen d'accélérer la transition vers un parc de véhicules entièrement électriques, d'offrir un plus grand choix aux consommateurs, d'accélérer la réduction des émissions et de réduire le risque d'exportation des thermiques usagés hors Europe. C'est aussi un moyen de reclasser une partie des effectifs actuels.

Une réussite environnementale ?

La mutation du parc automobile ne réduira par ailleurs considérablement les émissions de CO2 des véhicules particuliers qu'à condition que l'électricité soit produite à partir de sources d'énergie propres. En Europe, les émissions varient considérablement d'un pays à l'autre, de 28 g/CO2/kWh dans le centre de la Suède, 72g/CO2/kWh en France, à 469 g/CO2/kWh en Allemagne et jusqu'à 826 g/CO2/kWh en Pologne.

En France, en raison de l'usage du nucléaire et d'autres sources d'énergie sans carbone, les émissions liées aux véhicules électriques sont ainsi largement plus faibles que celles des thermiques. Néanmoins, pour le segment populaire des petites voitures, la subvention à l'achat, la taxe sur l'électricité inférieure à celle de l'essence ou du gazole et les émissions de CO2 plus élevées produites par la fabrication des batteries conduisent à un coût final de 300€/t d'émissions de CO2 gagnés par rapport à un moteur thermique équivalent. Ce montant est bien plus élevé que le coût social du carbone par tonne recommandé officiellement dans le rapport Quinet. Il ne tient de plus pas compte de l'évolution des polluants autres que le CO2 produits par la fabrication des batteries, la construction du véhicule et par le recyclage de leurs composants en fin de vie.

En Pologne en revanche, les émissions de CO2 d'un véhicule électrique sont actuellement similaires à celles d'un véhicule thermique comparable, sans même tenir compte des émissions liées à la fabrication et au recyclage des batteries.

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Par André de Palma, Professeur émérite en Économie, CY Cergy Paris Université ; Robin Lindsey, CN Chair in Transportation and International Logistics, University of British Columbia et Yannik Riou, Chercheur Associé en Economie, Université de Strasbourg

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Commentaires 20
à écrit le 04/09/2023 à 21:00
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Voici je ne comprends pas pourquoi que les gens qui s’entêtent à vouloir absolument faire des changements utilisés des exemples de pays qui n’ont rien à voir avec exemple : nous le Québec et qui nous ne semblent avoir des rêveurs qui nous entraînent ...

à écrit le 04/09/2023 à 15:38
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L'article confirme ce que le bon sens laissait penser : l'électrique est adapté pour la ville, mais à ce stade pas encore pour les longues distances. Il manque encore la visibilité sur le long terme : 1) quel sera le prix de l'électricité dans 1...

à écrit le 04/09/2023 à 12:54
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"quel est le vrai coût" et en panne, batterie trop déchargée, vu qu'aucun dépannage ne peut être fait sur place il faut transporter le véhicule, ça coûte. Ça sera moins critique quand on trouvera des bornes de recharge, compatibles, un peu partout. ...

à écrit le 03/09/2023 à 11:20
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Pas de quoi se rouler par terre : ce qui compte, si on veut sauver la planète, c'est la proportion de voitures électriques en circulation. Et, foin de débat à la noix, le VE est avant tout une très bonne affaire pour les constructeurs, les fabricant...

le 04/09/2023 à 2:50
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@Asimon: >le VE est avant tout une très bonne affaire pour les constructeurs (NON, pour la majorité des constructeurs cela représente des investissements colossaux à faire), les fabricants de batteries chinois (OUI), et les riches : le VE est une sup...

à écrit le 03/09/2023 à 10:49
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La voiture électrique? Batteries monstrueusement polluantes à fabriquer et à détruire ! Recharges électriques à base d'électricité issues de centrales nucléaires ou à charbon ! Carrosserie en aluminium, métal polluant à produire ! Faire croire que c'...

le 03/09/2023 à 18:11
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D'autant plus que si on voulait vraiment faire de l'écologie, on enlèverait tous les gadgets électroniques dont sont bourrés ces véhicules, et que beaucoup n'utiliseront pas au quotidien. Cela réduirait d'autant le bilan carbone, ainsi que le prix du...

à écrit le 03/09/2023 à 6:27
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J'ai utilisé pendant 11 années des voitures électriques (C0, Nissan Leaf puis BMW X3), toujours sur des trajets urbains (Paris-Banlieue) et je viens de repasser au thermique (Dacia GPL). L'électrique c'est sympa pour la ville mais terriblement stress...

à écrit le 02/09/2023 à 20:10
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Bonjour Encore un article de savants tellement bardés de diplômes qu.ils ont perdus depuis très très longtemps contact avec la réalité. Avec les aides les VE sont au prix sinon.moins chers que les thermiques. Le coût d usage est sans commune mesure ...

à écrit le 02/09/2023 à 16:40
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Pour le reste cette étude n'apporte aucun grain à moudre contrairement à ce que ces auteurs prétendent et semble de ne pas coller avec la réalité dans d'autres aspects que la douteuse comparaison. Premièrement, la question de la directive européenne ...

à écrit le 02/09/2023 à 16:22
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Une étude avec une méthodologie inconnue qui colle mal avec la réalité. Faisons simple, comparer une Tesla Y Propulsion (46 k€ prix de catalogue sans écobonus) avec, par exemple, une VW Tiguan R-line 2.0 TDI 150 DSG7 (51 k€, prix de catalogue, 42k€ c...

à écrit le 02/09/2023 à 15:33
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Que d'erreurs dans cette étude qui veut dissuader le consommateur d'acheter de l'électrique ! En fonction du km annuel une électrique fait économiser en moyenne 1500 à 2000€ par an selon l'usage (charge domicile ou publique) L'écart de prix avec un...

à écrit le 02/09/2023 à 15:33
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Que d'erreurs dans cette étude qui veut dissuader le consommateur d'acheter de l'électrique ! En fonction du km annuel une électrique fait économiser en moyenne 1500 à 2000€ par an selon l'usage (charge domicile ou publique) L'écart de prix avec un...

à écrit le 02/09/2023 à 13:52
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Les gens qui achètent des voitures électriques sont les mêmes que ceux qui achetaient des voitures Diésel dans les années 80 : Obsédés par la rentabilité, ils se retrouvent finalement avec des frais en plus, et un agrément de conduite en retrait

le 02/09/2023 à 15:58
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@Charlie: Il faut ne jamais avoir conduit une voiture électrique pour dire que leur agrément de conduite est en retraite. Bien au contraire, conduire une électrique est bien plus agréable - dynamique, silence, centre de gravité bas, tout joue en sa f...

le 02/09/2023 à 22:00
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Je serai bien en peine de faire 80 euros d'économie par mois (mon budget gazole ne dépasse pas 500 euros par an). C'est donc que vous faites partie des conducteurs qui roulent plus de 10000 km par an (sans doute même plus de 15000 km puisqu'il s'agit...

le 03/09/2023 à 1:03
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@ @ex-moscovite: A). Pour ce qui concerne l'économie et le kilométrage, vous êtes largement au-dessous de la moyenne (~11.000 km), tandis que moi, j’y suis bien. Donc, pour vous peut-être non, mais mon cas est bien plus représentatif. B). L'étude dit...

à écrit le 02/09/2023 à 13:01
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on va dire que pour l'instant l'electrique ne comporte pas les taxes genre TIPP, et quand ca sera le cas, ca coutera 3 fois plus cher par recharge, le calcul sera different.......notons au passage qu'afin de sauver la planete de e la transition energ...

le 02/09/2023 à 16:36
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La TIPP n'existe plus depuis belle lurette, elle a été remplacée par la TICPE, en prévision du futur : PE = Produits Energétiques (H2, électricité, huile de friture, gaz de fermentation, etc). Le prix du courant ménager a pris 10% et 15% en 2023, ça...

à écrit le 02/09/2023 à 12:03
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Un tout nouveau business générateur de bonnes grosses marges bénéficiaires bien juteuses d’abord et avant tout le reste n'est que prétexte. Il serait temps et rapidement de mettre en œuvre ce qui est prévu depuis des années en matière d'aménagement d...

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