Le français Eramet va construire en Argentine une gigantesque usine de lithium. L'objectif, pour le troisième groupe minier et métallurgique européen: répondre à la forte demande de ce métal indispensable à la fabrication des batteries pour les véhicules électriques, et donc à la transition énergétique.
Avec un objectif de production de 24.000 tonnes par an, Eramet veut assurer pas moins de 15% des besoins européens en lithium. Dans son communiqué, le groupe minier fixe au premier trimestre 2022 le début du chantier, pour une mise en service début 2024.
"La transition énergétique nécessite beaucoup de métaux pour le stockage et le transport de l'électricité, 75% des véhicules produits en Europe seront électriques en 2030 et 40% dans le monde", a déclaré à l'AFP Christel Bories, Pdg d'Eramet.
Pénurie oblige, le lithium se négocie à "près de 30.000 dollars la tonne"
De fait, la question des débouchés est déjà bien avancée, Eramet indiquant être en négociation notamment avec les deux grands consortiums de batteries prévus en France, mais aussi avec d'autres encore en Europe. Selon Christel Bories, le groupe minier anticipe une demande mondiale de lithium multipliée "par six" d'ici 2030:
"À l'heure actuelle, il y a pénurie de lithium" dans le monde, a-t-elle dit en rappelant les prix de "près de 30.000 dollars la tonne" atteints par le lithium sur les marchés spot.
Tsingshan assure 94% du financement, Eramet apporte 100% de la concession
Pour construire cette usine, le Français s'associera avec un partenaire chinois Tsingshan. Tsingshan Holding Group, qui emploie environ 40.000 personnes (12.500 pour Eramet) dans le monde, est le premier producteur mondial d'acier inoxydable. Il est également spécialisé dans la production de nickel, composant essentiel pour la fabrication de l'Inox.
La répartition des parts de capital entre les deux partenaires en regard de leur participation au financement est un peu particulière. En effet, sur un investissement total estimé à 400 millions de dollars, Tsingshan, qui aura 49,9% du projet, en financera 375 millions de dollars (soit 93,7% du total), mais Eramet, qui financera 25 millions de dollars pour une participation de 50,1%, est propriétaire de "100% des droits miniers perpétuels" de la concession, a indiqué à l'AFP la Pdg du groupe, Christel Bories.
Ce gisement de lithium est situé sur les hauts plateaux andins, en Argentine, à plus de 3.800 mètres d'altitude, dans une région désertique de la province de Salta, les "salars" (désert de sel) de Centenario et Ratone. Les titres miniers qu'Eramine SudAmerica, filiale à 100% d'Eramet, y détient couvrent une superficie de 500 km2.
Le début de l'exploration de la zone a débuté en 2011 et a abouti à la découverte de ce gisement de "classe mondiale". En février 2020, alors que les tests de l'usine pilote avaient confirmé tous les espoirs du groupe minier, celui-ci annonçait qu'il suspendait le projet de construction de cette usine en raison de l'ampleur de la pandémie de coronavirus et des grandes incertitudes économiques mondiales.
Eramet et Tsingshan déjà partenaires en Indonésie
Eramet est déjà associé à Tsingshan en Indonésie pour l'extraction de nickel. "S'associer avec Tsingshan que nous connaissons bien permet d'aller vite", justifie Christel Bories.
En Indonésie, Tsingshan a signé un accord de partenariat pour opérer ensemble le gisement de Weda Bay, "le plus grand gisement de nickel au monde non encore exploité" lorsqu'il a été découvert au milieu des années 1990. Dans cet accord de 2017, les deux partenaires se répartissaient ainsi les rôles: le chinois (57% du capital) s'occupe de construire les usines et de les exploiter, le français (43%) apporte son expertise minière.
Un procédé d'extraction "très performant" et "économe en eau"
La Pdg d'Eramet a laissé entendre que la production annuelle de 24.000 tonnes de carbonate de lithium (LCE) actuellement envisagée pourrait être dépassée car la taille de ce gisement "permettra d'envisager des extensions ultérieures", en affirmant que le groupe recourt à un procédé d'extraction "très performant" sur le plan environnemental et "économe en eau" pour "préserver l'équilibre hydrique de cette région aride".
Le groupe a donné quelques indications financières sur la rentabilité envisagée de l'opération: l'extraction devrait avoir un coût ("cash-cost") de 3.500 dollars la tonne, et un "taux de rendement interne très élevé". Eramet prévoit un bénéfice d'exploitation Ebitda de 165 millions d'euros "vers le deuxième semestre 2025", a précisé Christel Bories.
(avec AFP)
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