Elle était attendue comme le nouveau champion français, un rival de « Tesla » de l'hydrogène. La startup parisienne Hopium, qui promettait encore récemment de mettre sur le marché la première berline présentée en grande pompe lors du salon de l'automobile à Paris en 2020, a pourtant annoncé fin juillet son placement en redressement judiciaire, provoquant une chute de 40 % de son action.
Pourquoi la faillite d'Hopium est-elle emblématique ?
Hopium était attendue comme une « success story » à la française. Depuis sa création en 2018, les éléments de l'histoire semblaient réunis : un patron-entrepreneur, Olivier Lombard, ancien pilote de course automobile, un soutien financier de Total et de Michelin, un design et un positionnement haut de gamme (autour de 120.000 euros), de la performance (une berline « Machina », dotée de 500 chevaux et une autonomie de 1.000 km), un marché de masse (8.000 voitures par an à l'horizon 2030), une introduction en Bourse fin 2021, un ancrage régional en Normandie, et même, un ex ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, recruté alors dans son conseil d'administration.
Aussi, Hopium arrive au bon moment. En 2020, les ministres de l'Economie Bruno Le Maire et de la Transition Ecologique annoncent un plan de 7 milliards d'euros dédié aux technologies hydrogène et aux nouvelles mobilités décarbonées.
Confiant, Olivier Lombard avait alors fait un pari : en 2025, l'infrastructure pour recharger les véhicules hydrogène aura maillé le territoire, dans le sillage des utilitaires et poids lourds qui vont massivement adopter cette technologie.
Pourquoi cet échec ?
Mais le besoin en financements pour investir dans la production et la R&D d'une voiture à hydrogène est considérable. Dans le cas du français Hopium, sous la pression des coûts, la société n'a pas cessé d'essayer d'augmenter son capital. En 2022, après avoir levé 16 millions d'euros, la startup souhaitait trouver 100 millions supplémentaires. Répondant à l'appel, les fonds publics entrent en jeu : la Région Normandie lui accorde un prêt exceptionnel de 2 millions d'euros, ne représentant cependant qu'une goutte d'eau dans l'océan des besoins financiers. Malgré ces fonds, Hopium affichait au 31 décembre 2022 des capitaux propres négatifs (-10,4 millions d'euros) et une trésorerie également dans le rouge, à -1,3 million d'euros.
Dans la conception et la commercialisation d'un véhicule, plusieurs phases entrent en ligne de compte, dont celle des coûts de production. Le ratio entre les volumes sortis d'usine et les ventes y est déterminant. Ainsi, sur le segment électrique, même le géant Tesla y a été confronté pour réussir à atteindre la rentabilité pour la première fois en 2021.
Les entreprises de l'hydrogène ont donc besoin d'investissements considérables avant d'atteindre ce seuil de rentabilité. Or, en 2022, les dix plus gros investissements dans des firmes privées du secteur ont été réalisés principalement par des fonds chinois, américains ou allemands, selon un classement de Hydrogen Insight.
Enfin, le marché de la voiture à hydrogène repose ensuite sur d'importantes infrastructures de ravitaillement en hydrogène et des coûts élevés de production et de maintenance.
La commercialisation de masse de voitures à hydrogène est-elle impossible ?
L'histoire de l'automobile est émaillée de projets de véhicules à hydrogène qui ont débouché sur des échecs.
Le sud-coréen Hyundai fait toutefois partie des rares aujourd'hui à commercialiser des voitures fonctionnant à l'hydrogène. Depuis 2018, il a lancé un SUV de deuxième génération baptisé Nexo. Seul autre constructeur en France sur ce segment de l'hydrogène, mais avec un modèle de berline : Toyota et ses Mirai.
Quel est l'avenir de l'hydrogène dans le transport routier ?
Pour Hopium, l'aventure du véhicule de demain s'est arrêtée net. Mais la société compte pivoter et mise désormais en priorité sur un élément clé des technologies hydrogène : la pile à combustible (PAC) « à haute puissance d'une performance inégalée » pour laquelle elle a déposé plusieurs brevets. Le projet de commercialisation de la Machina est remis à plus tard.
L'autre alternative pour l'hydrogène est celle du transport de fret. « Une fois que le marché des camions à pile à combustible se sera développé, le coût d'exploitation des véhicules à pile à combustible devrait diminuer de sorte qu'une combinaison de crédits RED II, de droits d'accise sur le diesel, d'une taxe supplémentaire sur le carbone pour les carburants routiers et de péages routiers différentiels pourra être utilisée pour améliorer le coût de possession des camions à pile à combustible au-delà de celui des camions diesel », rappelle le site france-hydrogène citant l'étude H2Accelerate.
Pour l'heure, la production du gaz hydrogène est très énergivore et encore largement tributaire d'énergies fossiles, en attendant le développement de l'hydrogène dit « vert », à partir d'énergies renouvelables.
Pour les autres segments de marché, « l'hydrogène ne jouera qu'un rôle minime dans la décarbonation des véhicules légers », estime le géant pétrolier BP dans son rapport « Energy Outlook 2023 ». L'entreprise britannique y écrit que le potentiel du marché des voitures à hydrogène est « pratiquement inexistant pour 2050 ». Elle table par contre sur un bel avenir pour l'hydrogène dans l'aviation, de l'industrie et du transport maritime.
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