Le contrat stratégique de filière automobile signé en 2018 était-il devenu obsolète ? Sa mise à jour a, en tout cas, été jugée nécessaire au moment où la transformation de l'industrie automobile semble s'accélérer après la crise sanitaire mais également dans la perspective d'un nouveau resserrement réglementaire en matière environnementale.
Les constructeurs présents
C'était tout l'objet de la réunion qui s'est tenue ce lundi 26 avril à Bercy au cours de laquelle Bruno Le Maire (ministre de l'Economie), Elisabeth Borne (ministre du Travail), Agnès Pannier-Runacher (ministre déléguée de l'Industrie) et Jean-Baptiste Djebbari (ministre délégué de la Transition Energétique) ont reçu les acteurs de la filière au grand complet : Luc Chatel qui dirige la PFA (plateforme de la filière automobile), les représentants des équipementiers, les sous-traitants, les concessionnaires et les syndicats. A noter la présence remarquée de deux importantes personnalités concernées au premier chef par les engagements pris ce matin: Carlos Tavares (PDG de Stellantis) et Luca de Meo (DG de Renault).
C'est Luc Chatel qui a dressé un état des lieux de la situation: "il y a trois ans, nous avons engagé un plan stratégique historique pour accompagner le changement climatique et transformer notre industrie, le plan le plus important de son histoire, où en sommes nous aujourd'hui ?"
Car entre-temps, la crise sanitaire a mis en exergue une série de faiblesses de la filière automobile française notamment pour ce qui concerne les sous-traitants : trop petits, mal capitalisés, mal positionnés... Beaucoup d'acteurs ne sont pas prêts pour la voiture électrique de demain. Pourtant, pour Bruno Le Maire, "la question n'est plus de savoir si l'industrie automobile va se diriger vers l'électro-mobilité, c'est déjà une réalité". Selon lui, la transition énergétique n'est pas une difficulté mais une opportunité:
"Notre objectif est de relocaliser les activités automobiles à forte valeur ajoutée sur le territoire français" a-t-il rappelé en référence à la première mouture du contrat de filière ajoutant que "la transition de la voiture thermique vers la voiture électrique était une opportunité historique" d'enclencher et accélérer ce processus de relocalisation.
Sauver les fonderies françaises
Ainsi, "l'avenant" au contrat de filière doit permettre de mieux accompagner les sous-traitants dans cette transformation. Le ministre a notamment insisté sur la situation critique des fonderies. "C'est une grande préoccupation", a-t-il déclaré rappelant qu'il s'agissait de 355 entreprises en France et 30.000 emplois directs dont 15.000 liés à l'automobile. "Notre outil de production est trop petit, trop dispersé et le positionnement n'est pas adapté", a-t-il analysé: "par exemple, nos fonderies sont très concentrées sur les métaux ferreux alors qu'ils seront moins utilisés". D'après lui, quand il faut 120 kg de métaux ferreux pour une voiture diesel, il n'en faut plus que 35 pour une voiture électrique.
Bruno Le Maire veut lancer un plan d'actions spécifiques pour anticiper et accompagner la consolidation et le repositionnement des fonderies françaises. Les deux constructeurs nationaux dépêcheront des experts pour pousser la filière à mieux se diversifier mais aussi pour monter en qualité. La filière nucléaire pourrait ainsi participer à cette reconfiguration en entrant dans la boucle des donneurs d'ordre.
L'autre volet de cette mise à jour est d'accélérer la reconversion des salariés de l'industrie automobile. Les deux constructeurs nationaux vont participer à hauteur de 20 millions d'euros à un fonds doté d'une enveloppe de 50 millions pour mettre en place les formations nécessaires.
Accélérer le tempo
Mais Bruno Le Maire a également voulu remettre le contrat de filière sur le même tempo que la transformation du secteur. Avec la crise sanitaire, la bascule sur l'électro-mobilité s'est accélérée. La France doit donc appuyer sur le champignon. Il a donc annoncé que les dispositifs d'aides à l'achat de voitures électriques seraient prolongés jusqu'à fin 2022 et seraient même étendus aux véhicules utilitaires légers, citant par exemple le Renault Master. Le ministre a également annoncé que le déploiement des réseaux de bornes de recharge allait également accélérer. A la fin de l'année, la moitié du réseau autoroutier sera équipé de bornes de recharge rapide. Une enveloppe de 100 millions d'euros a été allouée à cette accélération.
Bruno Le Maire a insisté sur l'objectif consistant à repositionner la France sur la voiture de demain. Il a rappelé que cette filière a perdu trop d'emplois ces trente dernières années. Le Comité d'Orientation de la Recherche Automobile et Mobilité (CORAM) sera pérennisé jusqu'à fin 2022 pour continuer à piloter la sélection de projets d'investissements dans l'innovation de la mobilité. Il se verra octroyer une nouvelle enveloppe de 150 millions d'euros. Il s'agit de faire de l'innovation un levier de relocalisation. Il a ainsi cité l'exemple de la gigafactory de batteries de Douvrain. Le ministre estime que la crise des semi-conducteurs est une nouvelle illustration de cette délocalisation qui a mis l'industrie automobile française, mais plus largement européenne, dans une situation de dépendance. Il va demander à ce que l'Europe accorde le statut de "projet d'intérêt collectif européen" pour favoriser l'émergence d'une filière de semi-conducteurs en Europe.
La norme Euro7 dans le viseur
Mais pour Bruno Le Maire, ces initiatives pourraient être empêchées si Bruxelles décidait de nouveau de changer le tempo de la transformation industrielle. Avec la norme Euro7 (sur les émissions de CO2) et le Greendeal, de nouveaux objectifs pourraient encore contraindre l'industrie automobile à accélérer. Bruno Le Maire a jugé qu'en l'état, la norme Euro7 -qui doit être définitivement adoptée en juin pour une entrée en service en 2025-, était "excessive". Autrement dit, la filière ne serait pas en capacité d'absorber un nouveau choc réglementaire. Il a indiqué que la France allait demander une révision des objectifs retenus pour la norme Euro7.
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