Les objectifs CO2 : les pistes des constructeurs pour limiter la casse

Les industriels vont devoir utiliser tous les leviers nécessaires pour respecter les objectifs environnementaux. Les analystes estiment qu'ils n'échapperont pas à des amendes conséquentes.
Nabil Bourassi
L'idée de la location de voiture avec option d'achat (LOA) est de lisser le prix d'achat et le coût d'usage d'une voiture électrique. Le modèle électrique de la Peugeot 208 (e-208) sera disponible à 299 euros par mois.

« On ne se lève pas le matin pour payer des amendes », cette phrase prêtée à Carlos Tavares, PDG de PSA, en dit long sur le climat ambiant dans l'industrie automobile européenne. À partir du 1er janvier prochain, la Commission européenne va commencer à compter chacune des 16 millions de voitures immatriculées chaque année sur le continent, et infliger des bons et des mauvais points à leur fabricant.

Le but de ce jeu périlleux est que chaque constructeur respecte une moyenne de 94 grammes de CO2 par voiture vendue, sous peine d'amendes qui pourraient atteindre des milliards d'euros. Sauf que les constructeurs automobiles sont loin, très loin même, d'être dans les clous. D'après le cabinet JATO, l'écart moyen des constructeurs automobiles est de 25 grammes (données 2018). Cet écart atteint 35 grammes chez Fiat Chrysler Automobiles.

Ventes tactiques

Pourtant, les constructeurs ont tous promis qu'ils ne paieront pas d'amendes. Les analystes de marché, eux, sont plus pessimistes et se demandent plutôt s'ils parviendront à limiter la casse... Pour cela, les constructeurs vont tirer sur plusieurs leviers. Le plus simple sera de pousser les immatriculations de voitures électriques avec la technique dite des ventes tactiques. Traditionnellement, il s'agit de ventes à des loueurs courte durée ou des véhicules de démonstration. Certains constructeurs ont beaucoup joué sur ce canal ces dernières années afin de faire tourner leurs usines et ne pas perdre trop de parts de marché.

Ainsi, il n'était pas rare de voir des constructeurs afficher jusqu'à 50 % de leurs immatriculations via ces canaux non rentables qui dévalorisent les prix à la revente. Bref un cercle vicieux qui pèse comme une épée de Damoclès sur les voitures électriques, mais à court terme, les constructeurs pourraient juger moins cher de brader ces voitures que de payer de lourdes amendes. Chez Volkswagen, on a choisi de baisser directement les prix des voitures électriques. Le prix de la mini-citadine e-Up a baissé de 3.000 euros tandis que l'e-Golf coûte désormais 8.500 euros de moins.

Lire aussi : Automobile : la voiture hybride a-t-elle encore un avenir ?

Chez PSA, on compte plutôt miser sur la financiarisation de la grille tarifaire pour pousser les ventes de voitures électrique. Carlos Tavares, qui a interdit la pratique de la vente tactique, espère que la vente de voitures électrique en LOA [location avec option d'achat, ndlr] sera compétitive. L'idée est de lisser le prix d'achat et le coût d'usage d'une voiture électrique pour afficher un tarif nominal acceptable. Ainsi, la Peugeot e-208 sera disponible à 299 euros par mois (après un premier loyer de 2400 euros) soit à peine plus qu'une 208 essence (269 euros par mois) ou sa version diesel (289 euros par mois).

Abandon des gammes les plus polluantes

Autre piste pour les constructeurs, supprimer les gammes les plus émettrices. Volkswagen a déjà éliminé les plus grosses motorisations de sa Passat, notamment les 240 et 272 chevaux. Du côté de chez Audi, le ménage a commencé sur la gamme des versions sportives puisque les S5, S6 et S7 ne sont plus disponibles qu'en diesel (moins émettrices de CO2) . La S4 devrait subir le même sort. 5 % du catalogue total disponible en Europe pourrait être supprimé dès 2020.

Paradoxalement, c'est le segment A [citadines et mini-citadines] qui pourrait faire les frais des contraintes CO2. Si les constructeurs ont chacun un objectif CO2 qui dépend de la masse moyenne de sa gamme, avec le segment A, les objectifs sont encore plus difficiles à atteindre. Il n'est alors pas étonnant que ce secteur soit délaissé.

Achat de crédits de CO2

Enfin, la mesure la plus radicale revient à acheter des crédits de CO2. Le groupe FCA a conclu un accord avec Tesla pour lui acheter ses « droits à polluer » (une voiture électrique permet de doubler le bonus en CO2). Le chiffre de 1,8 milliard d'euros sur trois ans a circulé, sans avoir été confirmé.

Pour les constructeurs automobiles, le calendrier imposé fait courir un risque pour leur industrie. Ils assurent que chacune des mesures prises se fera au détriment de leur rentabilité, et, in fine, de l'emploi...

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LE CHIFFRE : 26.000

C'est le nombre d'immatriculation de voitures électriques sur un an en France, soit à peine 2% du marché.

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ENCADRÉ

Christian Peugeot : « L'État n'a pas respecté sa part du contrat »

« C'est toujours la même histoire de la poule ou l'oeuf », se lasse de répéter Christian Peugeot, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, lorsqu'il évoque la situation du marché français en matière d'électrification. Ou autrement dit : est-ce l'infrastructure qui tire les ventes ou les ventes qui font l'infrastructure ? Ce qui est sûr, selon Christian Peugeot, c'est que la puissance publique n'a pas respecté ses engagements. « L'État a promis 100.000 points de recharge en 2022 et aujourd'hui nous en sommes loin, et le rythme actuel ne permettra pas d'atteindre cet objectif », déplore-t-il. Luc Chatel, qui préside la plateforme automobile (une structure qui chapeaute l'ensemble de la filière automobile) a compté moins de 2000 installations de bornes entre décembre 2018 et juin 2019. « Le consommateur final a besoin de confiance », rappelle Christian Peugeot, sans quoi, il ne basculera pas dans l'électromobilité.

En outre, l'État n'a toujours pas mis en place les avantages à l'usage de voitures électriques. Il s'agit d'accès aux voies de bus, à des parkings privilégiés, des tarifs de péage ou toute autre mesure qui encouragerait l'usage de la voiture électrique. « Il n'y en a pas », s'agace Christian Peugeot qui rappelle que l'État français a pourtant été de ceux qui ont largement poussé pour durcir les objectifs européens de 2030, malgré les réticences de l'Allemagne.

Luc Chatel de son côté demande que l'État donne davantage de visibilité et de pérennité sur ses dispositifs de subventions à l'achat, alors que les dispositifs sont révisés chaque année et davantage tributaires des contraintes budgétaires que des nécessités environnementales. La révision récente de la prime de conversion a ainsi envoyé un signal négatif regretté jusque chez les ONG environnementales. Pour Luc Chatel, « les conditions du décollage du marché du véhicule électrique ne sont pas réunies. » Sur les neuf premiers mois de l'année, les ventes de voiture électriques ont pourtant augmenté de 49 % sur un an, d'après l'Avere.

Un chiffre impressionnant qui dissimule en réalité un volume extrêmement faible de 26.000 immatriculations, soit à peine 2 % du marché. Christian Peugeot juge que les constructeurs automobiles ont rempli leur part du boulot en lançant massivement des gammes de voitures électrifiées. « L'État ne remplit pas sa part du contrat », a-t-il expliqué devant quelques journalistes réunis lors d'une réunion informelle au siège du CCFA. Il rappelle que la recette fiscale issue de la filière automobile rapportait 44 milliards d'euros par an à l'État, qui ne réinvestit, selon lui, que 13 milliards dans le parc routier.

Nabil Bourassi

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Commentaires 7
à écrit le 03/10/2019 à 7:41
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Voilà comment on envoie a la casse nos constructeurs. Messieurs les climatologues et votre pseudo science, n'avez vous pas honte de mettre des centaines de milliers de personnes au chômage sur votre continent pour pouvoir justifier votre salaire de m...

à écrit le 02/10/2019 à 15:54
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C'est nul cette histoire de credits co2 achetés a tesla,Si moi je ne produis pas de voitures, puis je vendre les droits co2 des voitures que je n'ai pas produits? Et pour faire un bilan co2 complet et réel il faudrait aussi regarder l'impact de la fa...

à écrit le 02/10/2019 à 13:14
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Il reste aussi l'hydrogène en séquestrant le CO2 coproduit et en plus c'est le SEUL moyen de faire mieux que le GIEC en faisant baisser la température moyenne vers 2040.

le 03/10/2019 à 16:01
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Il n'y a de co-production de CO2 lors de la production d'hydrogène que s'il est obtenu par crackage d'hydrocarbures. Si l'hydrogène est produit par électrolyse de l'eau (certes avec un rendement pas terrible) il n'y a pas de CO2. Même avec le médiocr...

à écrit le 02/10/2019 à 9:56
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Facile pourtant, des véhicules plus légers, plus simples à savoir moins bardés d'électronique en tout genre, plus robustes. Mais c'est sûr faut retrouver des réflexes que les marchands ont perdu depuis bien longtemps maintenant...

à écrit le 02/10/2019 à 8:08
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300 euros par mois. C'est de loin plus cher qu'un credit accorde pour l'achat d'un vehicule hybrid en Coree. Bref c'est pas gagne votre truc.

à écrit le 02/10/2019 à 8:00
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La première des choses à faire est d'arrêter les motorisations essence non hybrides, et de favoriser le diesel qui est presque déjà à l'objectif. Ensuite il y a les biocarburants qui bénéficient logiquement d'un abattement de 40% sur leurs émissions ...

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